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Les 3 lignes de défense qui peuvent changer la face du Proche-Orient
lundi 22 février 2010 - Robert Fisk
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La guerre israélienne contre le Liban en 2006 s’est révélée catastrophique pour l’état sioniste dès que les combats ont eu lieu sur le terrain. Ici un soldat israélien blessé par la résistance libanaise et évacué vers l’arrière - Photo : AP

On dirait un parcours de sauts d’obstacles. Il y a la première barrière électrifiée, puis la bande de sable pour repérer les empreintes de pas, puis la route de macadam, puis encore une barrière électrifiée et puis des acres et des acres d’arbres. Des vergers plutôt que des tanks. La « Galilée » s’étend là-bas, calme, brumeuse et vert-foncé cet après-midi d’hiver - un Israël paisible, pourriez-vous penser. Et un Liban paisible au nord, avec des plantations de tabac parmi les collines pierreuses et juste à l’occasion un véhicule blindé des Nations Unies pour que vous fassiez attention à vos orteils.

« Le major Pardin dit que vous ne pouvez pas prendre de photos, » me signale un soldat malaisien des Nations Unies. Puis un second soldat me répète la même chose. Puis arrive un agent des services de renseignement de l’armée libanaise, qui regarde fixement nos papiers. « D’accord, vous avez la permission, » déclare-t-il, et je m’éloigne avec mon vieux Nikon ; les champs, la barrière de la frontière, la tour « high-tech » de surveillance à l’horizon... Ceci doit être la frontière la plus photographiée au monde.

Bien sûr, cette douce campagne est une illusion. Benjamin Netanyahu et ses collègues du gouvernement israélien ont claironné que la seule « armée » du Liban est le Hizbollah, les guérilleros armés par l’Iran et soutenus par la Syrie, dont les bunkers et les missiles basés au nord du fleuve Litani pourraient bien faire pencher la balance lors de la prochaine guerre entre le Hizbollah et Israël. Et Sayed Hassan Nasrallah, premier dirigeant du Hizbollah, a envoyé quelques menaces des plus intéressantes : que ses forces vont « changer la face de la région du Moyen-Orient » s’il y a une autre guerre contre Israël. Peu de monde doute de ce que cela signifie.

Les routes libanaises nouvellement remises en état près de la frontière - grâce à l’argent du Hizbollah - laissent penser que quelqu’un pourrait vouloir déplacer des hommes rapidement vers la frontière. Et peut-être même franchir la frontière.

C’est ce que suspectent les Israéliens également - et cela donne du sens à l’avertissement de Nasrallah la semaine dernière. Le Hizbollah a revendiqué que la guerre 2006 avec Israël était « une victoire divine » - ce que nous ne vivions pas de la même façon au sud-Liban à ce moment-là - pourtant même Israël admet que c’était une quasi-défaite pour ses propres soldats peu performants. Mais comment Israël réagirait-il si le Hizbollah parvenait à entrer en Israël ? Les commandants de l’armée israélienne en parlent dans la presse israélienne. Une incursion rapide et dramatique à travers la frontière vers l’ouest, dans la direction de Naharia, peut-être, ou la saisie de la colonie de Kiryat Shmona... et le Hizbollah annoncerait avoir « libéré » une partie de la « Palestine » historique. Israël devrait alors bombarder son propre territoire pour les chasser de là.

Ce n’est pas un jeu. L’armée israélienne veut se venger du Hizbollah qui l’a humiliée en 2006. Nasrallah - sur des écrans géants, pour des raisons de sécurité - parle souvent comme si c’était lui le président libanais. Les Israéliens pensent-ils vraiment qu’Al-Qaida ou le Hizbollah soient derrière la tentative d’attentat contre des diplomates israéliens entre Amman et le pont Allenby ? interroge Nasrallah. Le Hizbollah aurait réussi à les faire sauter s’il avait été impliqué ! et la foule de crier son approbation.

Mais la liste des menaces s’allonge. Le ministre israélien de la défense, Ehud Barak, a déclaré que le gouvernement libanais sera tenu responsable de toute guerre à venir, et les Libanais ont eu droit aux habituels avertissements israéliens. L’infrastructure du Liban sera attaquée, ses ponts et ses routes détruits, ses villages rayés de la carte. Israël, toujours selon Barak, s’est retenu en 2006 - quand il a attaqué les infrastructures du Liban, détruit ses ponts et ses autoroutes et détruit ses villages. Plus ça change...

Mais il y a beaucoup de « changement ». La Syrie est courtisée par l’administration Obama. Les anciens alliés [des Etats-Unis] au Liban - le leader druze Walid Jumblatt, entre autres - prononcent des paroles mielleuses en direction de Damas. En effet, M. Joumblatt a rencontré Nasrallah et son vieil ennemi Michel Aoun, tout en expliquant qu’il avait fait les trois-quarts du chemin qui le sépare de Damas. Et le président syrien Assad a été à nouveau en visite à Téhéran, assurant la République islamique de son fidèle soutien.

Vous pouvez imaginer ce que chacun a en tête. Et voici la grande question, « le chameau dans la chambre ». Si Israël ignore Obama et attaque les sites nucléaires iraniens - une agression réelle, s’il peut exister pire - le Hizbollah pourrait alors tirer des fusées sur Israël, révélant peut-être même les capacités de son nouveau système de missiles anti-aérien. Le Hamas pourrait se joindre [à la réplique libanaise] à partir de Gaza. Le Hamas est un pot en étain, le Hizbollah non. Une attaque israélienne contre l’Iran libérerait la puissance militaire iranienne contre les Etats-Unis. Mais une partie de cette puissance militaire, c’est le Hizbollah au Liban. C’est une affaire sérieuse.

A Noël, un colis venu « d’un pays étranger » a été porté à trois responsables du Hamas à Beyrouth et a explosé, les tuant tous les trois. La semaine dernière, une bombe a explosé dans un immeuble du sud-Liban appartenant à deux responsables du Hizbollah, blessant trois enfants. L’un d’eux, Diana Zreik, âgée de 11 ans, a été amputée de la jambe gauche. Cela rappelle le passé, dans les années 1970, quand Israël envoyait des lettres piégées à ses ennemis au Liban.

Les Nations Unies se sont plaintes de l’augmentation du nombre de survols du territoire libanais par Israël. L’armée libanaise a ouvert le feu sur des avions israéliens survolant la frontière - inutilement, naturellement, parce que les Américains ne fournissent pas à l’armée libanaise des armes pouvant nuire à Israël - tandis que le sénateur américain John McCain faisait un saut à Beyrouth pour se plaindre des armes en possession du Hizbollah - lesquelles, en vertu de la résolution 1701 du Conseil de sécurité, sont censées être entre les mains de l’armée libanaise. C’est la même résolution qui est supposée empêcher les survols israéliens.

Et que montre ces survols ? « Nous voyons le Hizbollah au Liban monter en puissance et son influence grandir, au niveau politique comme à d’autres, » a déclaré Barak la semaine dernière. « Nous voulons à nouveau faire comprendre aux dirigeants libanais que nous voyons tout, et nous tiendrons ceux qui font monter les tensions comme responsables ... la situation peut se détériorer rapidement. » Merci, Israël. Surtout si Israël attaque l’Iran.

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21 janvier - The Independent - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.independent.co.uk/opinio...
Traduction de l’anglais : Nazem