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Le chagrin d’une mère
jeudi 11 février 2010 - Rami Almeghari
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Nejoud al-Ashqar et sa fille Madline, devant leur maison, à Beit Lahiya.




Entourée de ses voisins, de sa fille et de son plus jeune garçon, elle raconte son histoire. « Je me souviens, les avions israéliens lâchaient des tracts au-dessus du secteur, ordonnant aux habitants de se tenir éloignés, j’ai eu peur pour mes enfants. Alors nous avons tous quitté notre maison pour aller nous réfugier tout près, à l’école de l’UNRWA (agences des Nations unies pour les réfugiés palestiniens au Moyen-Orient), » explique al-Ashqar.

La maman affligée poursuit : « Nous avons passé, en ce début janvier, toute la nuit à l’école, au milieu des bombardements israéliens, avec une peur indicible qui envahissait nos c ?urs. La seule chose qui me préoccupait, c’était comment protéger mes petits alors que des éclats d’obus volaient tout autour de nous. Je me souviens, j’ai recouvert leurs visages avec des tapis, de peur qu’ils ne soient touchés par des éclats. »

L’école de l’UNRWA où la famille s’était logée a été touchée dans la matinée. « J’ai entendu les gens près de mois se mettre à crier "Ambulance ! Ambulance !". J’ai réalisé que mon visage était couvert de sang et j’ai commencé à crier le nom de mes enfants. »

Al-Ashqar avait été gravement blessée à la tête et au bras droit par un obus israélien et elle fut emmenée aussitôt vers un hôpital à Gaza. En raison de son état critique, elle fut transférée dans un hôpital égyptien.

« A l’hôpital du Caire, je suis restée en réanimation pendant 20 jours, pendant lesquels je n’ai rien su de la vie autour de moi. Pendant mon séjour là-bas, on ne m’a rien dit sur ce qu’étaient devenus mes deux fils car on craignait pour mon équilibre, » explique-t-elle, vaincue par l’émotion.

Al-Ashqar ajoute, « Quand je suis rentrée du Caire, c’est là qu’on m’a appris la mort de mes deux petits et depuis, je passe de nombreuses nuits sans pouvoir dormir. Chaque soir, avec mon mari qui est sourd, nous regardons leurs photos sur l’étagère dans la chambre, et je lis quelques versets du Coran. »

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Le cahier de classe de Bilal.

Elle se désole : «  J’aurais voulu savoir que Bilal allait me quitter, j’aurais voulu le savoir ! Bilal avait l’habitude de me demander un shekel pour l’école, mais parfois je ne pouvais pas me le permettre car nos finances n’étaient pas bonnes. Les jours où je ne pouvais lui donner son shekel, je lui promettais, "demain je te le donnerai". Je voudrais lui avoir donné tous les shekels du monde !  ». (Un shekel : 20 centimes d’euro)

Madline, la s ?ur de Bilal et Mohammad, demande : « Avec qui je vais jouer maintenant ? ». Elle se tient dans le coin de la chambre de ses frères, maintenant inoccupée, et dit : « Je jouais toujours avec Bilal et Mohammad dans le jardin et dans cette chambre. »

Mahmoud, 15 ans, le cousin de Madline, raconte que la famille allait régulièrement faire des balades sur la plage. Et d’ajouter, « Bilal et Mohammad étaient mes cousins, mais pour moi, ça a toujours été comme s’ils étaient mes petits frères. Ils étaient si mignons, si pleins d’entrain, et nous aimions nos promenades sur la plage. Depuis qu’ils ont été tués, je ne vais plus sur la plage. Notre famille n’a plus l’humeur à profiter de ces choses, évidemment. »

Tenant une photo de Mohammad, al-Ashqar confie : « Chaque soir, je prends leurs photos pour les embrasser avant d’aller dormir, comme je le faisais toujours quand ils étaient en vie. »

* Rami Almeghari est journaliste et conférencier universitaire, il est basé dans la bande de Gaza.

Son courriel : rami_almeghari@hotmail.com.

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9 février 2010, bande de Gaza - Live from Palestine - The Electronic Intifada
Photos par l’auteur - traduction : JPP