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« Barak fracassera sur les récifs de la droite ce qui reste du Parti travailliste »
lundi 12 février 2007 - Haïm Baram - Le Courrier international

Ehoud Barak est une cible si facile et l’homme est à ce point insupportable, humainement et politiquement, que ses conseillers en com’ ont dû élaborer un plan médias censé nous vendre un "nouveau Barak" converti aux vertus de la modestie et qui n’a désormais que faire d’une "campagne au rouleau compresseur". Nous prendrait-on pour des idiots ?


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Ehoud Barak


Les fautes de l’ancien chef travailliste et nouveau prétendant au trône sont innombrables. C’est Barak qui a fait échouer un processus d’Oslo dans lequel il n’a jamais vu qu’une dilapidation par son parti de l’héritage sioniste. Arrivé au pouvoir, il s’est empressé de trouver une façon élégante de proposer des conditions inacceptables aux Palestiniens et il est arrivé à ses fins. Il n’a pas seulement brisé le rêve de la paix, mais il a également rompu l’alliance qui s’était petit à petit nouée entre l’aile modérée du mouvement sioniste et les citoyens arabes d’Israël. Barak a récompensé les 95 % de citoyens arabes qui avaient voté pour lui [en mai 1999] en tenant à l’écart leurs députés et, surtout, en étant directement responsable de la mort de 13 manifestants arabes israéliens en octobre 2000 [tués par la police lors de manifestations de protestation contre la répression militaire en Cisjordanie]. Ce faisant, il a jeté dans les bras de la droite le vaste secteur centriste de l’opinion israélienne, en réduisant les différences entre les débris de la social-démocratie israélienne et le Likoud. Désormais, seule l’extrême droite israélienne peut espérer un jour rompre cette union sacrée.

L’alliance implicite qu’Ehoud Barak se propose de nouer avec Ehoud Olmert [Premier ministre et dirigeant du parti centriste Kadima] n’a pour but que de perpétuer la domination de ce consensus pervers. Pour une majorité de députés travaillistes, cette alliance est l’ultime planche de salut si ce parti en chute libre veut encore jouir des délices du pouvoir. De leur point de vue, c’est sans doute un bon calcul. Fouad Ben-Eliezer [ministre des Infrastructures], Shalom Simhon [ministre de l’Agriculture] et tous les misérables dont le nom est associé à la deuxième guerre du Liban réussiront peut-être à survivre grâce à Barak pour quatre stériles et nuisibles années de plus. Mais le courant qu’ils ont la prétention d’incarner finira bien par disparaître du paysage politique israélien.

Le Parti travailliste n’est plus qu’un corps agonisant, et c’est le coup de grâce que ses membres s’apprêtent à lui donner. Concrètement, ce parti n’a strictement plus rien à proposer. Dans une situation dont ils sont les seuls responsables, la majorité de travaillistes qui partagent les mêmes valeurs que Kadima devra choisir entre se retirer de la vie politique et lier leur sort au parti d’Ehoud Olmert et à son nouvel allié, Ehoud Barak. Cette décision, évidemment, ne répondra qu’à de basses considérations personnelles, pas politiques.

Ce qui est frappant, c’est que, aujourd’hui comme à l’époque de son éphémère ascension vers le pouvoir, Barak se réserve le rôle de sauveur incontournable, alors que son seul principe d’action est d’empêcher à tout prix tout changement. Il y a sept ans, foncièrement décidé à détruire de fond en comble le processus d’Oslo, il avait réduit au silence ses opposants potentiels en les cooptant au pouvoir. Des gens comme Shlomo Ben-Ami [universitaire devenu ministre de la Sécurité intérieure en 1999] et Yossi Beilin [architecte travailliste des accords d’Oslo, devenu président du petit parti pacifiste Meretz] s’étaient ainsi transformés en représentants de commerce d’une stratégie politique insensée qui est la cause directe du conflit actuel avec les Palestiniens. Barak a sapé la confiance de l’opinion publique israélienne en toute possibilité d’accord véritable avec les Palestiniens. Ben-Ami et Beilin ont commis un suicide politique et ils ne sont plus que des acteurs marginaux dépourvus du moindre crédit.

Les anciens disciples de Shimon Pérès n’ont en rien dilapidé l’héritage indigent de leur maître. Au contraire, ils en ont contaminé tout le centre du paysage politique israélien. Je pense à des hommes politiques comme Haïm Ramon [ministre de la Justice, condamné pour harcèlement sexuel], Dalia Itzik [présidente de la Knesset] et même Avraham Burg [Ancien président de l’Agence juive (1995-1999) et de la Knesset (1999-2003). Il a quitté la vie politique en juillet 2004]. Je ne comprends pas comment ce dernier se laisse entraîner dans le sillage de Barak. A vrai dire, je renonce à comprendre comment un Burg qui, après qu’il ait réussi à être élu président de la Knesset contre la volonté du chef et ait publiquement réprouvé le passé d’Ehoud Barak, se dise aujourd’hui prêt à accompagner un Barak qui fracassera ce qui reste du Parti travailliste sur les récifs de la droite.

A l’instar des généraux en retraite affiliés au Parti travailliste comme Dani Yatom, Ephraïm Sneh, Matan Vilnaï ou même Ami Ayalon, tous les anciens disciples de Shimon Pérès n’ont jamais vu qu’un gadget électoral, rien de plus, dans la prétention d’Amir Peretz [actuel président du Parti travailliste, syndicaliste d’origine marocaine] à réorienter le Parti travailliste sur le front social. L’échec retentissant du ministre de la Défense, sa pathétique recherche de respectabilité et sa perte de contact d’avec la réalité ont réduit le flirt éphémère entre le Parti travailliste et la social-démocratie à une mauvaise blague. Aujourd’hui, 90 % des militants du parti restent des conservateurs, que ce soit sur le plan social, sur celui du conflit israélo-palestinien ou la question plus globale du soutien aveugle à la politique américaine.

Amir Peretz n’est pas moins coupable qu’eux de cet état de fait, ne serait-ce qu’à cause du rôle qu’il s’est montré incapable de jouer lorsqu’est venu l’instant de vérité : empêcher la guerre [du Liban]. Et Peretz, qui symbolisait le rêve social, en est devenu le fossoyeur en chef. En ce sens, il a pavé la voie à ce jouisseur buté, malsain, nationaliste, couard et sans scrupule qu’est Barak, qui se trouve à nouveau en position de convoiter le poste de chef du Parti travailliste. Toutefois, sans les citoyens arabes, il n’existe aucune opposition de gauche à Olmert, seulement une opposition de droite. Or [depuis les événements d’octobre 2000], Barak est un véritable poison pour l’électorat arabe d’Israël. Tout dirigeant travailliste se devrait de jeter un pont par-dessus le gouffre creusé entre son parti et l’opinion arabe au lendemain des manifestations d’octobre 2000.

Bref, ce parti au bord de la faillite va peut-être consacrer l’un des principaux responsables de sa marginalisation historique. C’est sûr que Peretz a déçu et ne mérite plus d’être soutenu. Mais pourquoi lui chercher un remplaçant pire encore ? Ce que doit faire le Parti travailliste, c’est se rebâtir de fond en comble et proposer une alternative idéologique crédible, sans quoi les conflits qui le minent ne seront jamais que des gesticulations médiatiques. Peut-être serait-il bon que, d’Avraham Burg à Youli Tamir, ceux qui ont déserté le Parti travailliste n’y reviennent jamais. Le mieux qu’ils puissent faire, c’est rester chez eux et faire profil bas.


Haïm Baram est éditorialiste de l’hebdomadaire de gauche Kol Ha’Ir.