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Israël interdit aux étrangers de prendre la principale ligne de cars depuis Bethléhem vers Jérusalem
vendredi 18 décembre 2009 - Ma’an News Agency
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Le mur à Bethléhem
(Photo : 117ème mission CCIPPP)




Le 11 décembre, les touristes venant de Bethléhem se sont vus pour la première fois interdire la ligne 21, un trajet emprunté en grande majorité par des détenteurs de la carte de résidence de Jérusalem-Est, alors qu’ils étaient arrêtés pour contrôle des papiers à l’entrée du tunnel de Jérusalem vers Israël.

Depuis des années, les détenteurs d’un passeport étranger qui utilisent les transports publics peuvent choisir entre le tunnel, par le car qui part des environs de Beit Jala, et le check-point militaire 300 d’Israël, plus connu sous le nom de Gilo ou Tombe de Rachel.

Un haut fonctionnaire israélien à la sécurité a confirmé ce changement de politique lundi. « Cette question est en train de se résoudre à l’heure actuelle. Tout sera réglé en un jour à peu près, peut-être même aujourd’hui. » a dit l’officiel, confirmant que, pour l’instant, le fait de diriger les détenteurs de passeport étranger, du tunnel vers le check-point 300, était une question politique.

D’après des sources de la sécurité de l’Autorité palestinienne, le phénomène s’est produit après que les autorités israéliennes aient décidé unilatéralement, voici quelques mois, d’interdire le circuit aux étrangers.

Ce qu’on ne sait pas cependant, c’est qui a ordonné cette modification, et pourquoi. Des sources de l’armée israélienne disent avec insistance que l’armée n’a rien à voir avec cette décision, mais selon des officiels de la police des frontières israélienne, la branche paramilitaire de la police israélienne, de tels ordres ne peuvent venir que de l’armée.

«  Le commandant (militaire) décide de la politique, nous ne faisons qu’appliquer, » dit un garde-frontière qui tient à garder l’anonymat. « Si les FDI (forces de défense israéliennes = forces d’occupation israéliennes - ndt) disent que nous ne pouvons pas laisser passer les ressortissants étrangers, c’est que c’est une question politique. »

Un porte-parole de la police de l’Autorité palestinienne déclare en avoir été informé mais il refuse d’en dire davantage, se référant à des enquêtes du DCO (bureau de la coordination du district), la branche locale de l’Administration civile, non militaire, d’Israël, dans les territoires palestiniens occupés.

«  Nous avions connaissance du projet pour dans trois, peut-être quatre mois ; j’ignore pourquoi ils l’ont appliqué maintenant, » dit un Palestinien qui travaille avec le DCO. Israël n’a jamais donné aucune explication officielle ni écrite, ajoute-t-il, et aucun officiel du secteur n’a eu son mot à dire sur la question.

Malgré les demandes répétées cette semaine à l’Administration civile, à la police des frontières, à l’armée israélienne et à la police nationale, aucun officiel n’a jamais voulu donner la moindre explication officielle sur l’interdiction.

Une façon de faire « grossière » et « menaçante »

Parmi les premières informations que Ma’an a collectées sur la question, il y a celles d’une professeure de musique américaine qui se rendait à Jérusalem pour donner des cours aux étudiants d’un conservatoire local. Elle et trois autres personnes ont déclaré n’avoir pu remonter dans le car après avoir été contrôlées par les soldats. « Ils ont vu que nous étions des étrangers et nous ont regroupés sur le côté, » dit Katie Rowold, 24 ans, citoyenne états-unienne, retenue vendredi. « Puis, tout le monde est remonté dans le car, sauf nous... Nous avons dû prendre un taxi pour traverser le check-point (300). »

Sandra Baille, citoyenne canadienne de 64 ans, était dans un car avec quelques bagages, attendant que son passeport soit vérifié par les soldats. Alors que la coutume veut que les femmes accompagnées d’enfants ou de bagages, les malades ou les personnes âgées puissent rester à l’intérieur du car pendant les inspections, Baille a été surprise quand un garde lui a ordonné de descendre du véhicule. «  Un jeune soldat israélien, avec un masque sur le visage remontant jusqu’au nez, est monté à bord du car et m’a indiqué d’un geste du bras de descendre, » explique-t-elle. « Je lui ai montré mon passeport pour qu’il puisse voir que j’étais une internationale, mais il a levé le bras, (montrant) la sortie. Il n’a pas dit un mot, juste montré la sortie. »

A l’extérieur du car, Baille se retrouve avec un groupe d’étrangers qui attendent sur le bord de la route. Quand ils lui demandent ce qu’il se passe, elle répond, «  On nous dit que ce sont de ?nouveaux règlements, des nouveaux règles,  ». On lui ordonne de prendre ses bagages, prévus pour un voyage dans le nord d’Israël, Nazareth et la Galilée et, bloquée à l’extérieur du car, elle peut voir les passagers palestiniens remonter à bord. Elle attend encore que le chauffeur ait finit de discuter avec les gardes puis elle entend qu’on donne l’ordre au car de partir, sans les cinq étrangers. « Il ne nous restait plus qu’à remonter la colline à pied, jusqu’à Beit Jala, » dit-elle.

D’autres ont expliqué comment ils ont dû faire signe à un taxi prêt à entrer dans une zone sous contrôle de l’Autorité palestinienne et à revenir vers Bethléhem pour traverser le check-point de Gilo là-bas, avant de prendre finalement un autre car palestinien, de l’autre côté du mur de béton. Un international qui a demandé à ne pas être nommé raconte qu’ils se sont retrouver abandonnés sur le côté de l’autoroute, très fréquentée, pendant que les voitures à plaque israélienne passaient en trombe. «  Sans un taxi qui passait par là, je ne sais pas ce que nous aurions fait. »

Baille, de nationalité canadienne, qualifie le traitement des gardes de grossier, elle se dit incapable de comprendre pour quelle raison Israël devait prendre pour cibles les touristes. «  C’est ridicule, » dit-elle. « Partout au Canada, on trouve des panneaux disant ?Bienvenue en Israël’, mais quand on y va, ils ne nous laissent pas entrer  ». Le Canada est le pays test d’une campagne « Brand Israel » du ministère des Affaires étrangères israélien, pour l’image de marque d’Israël.

Un autre groupe de six internationaux - quatre Américains, un Canadien et un Allemand - a été averti par le chauffeur d’un car de la ligne 21, samedi, que les étrangers n’étaient plus autorisés à passer par le tunnel. Ils ont dit que le conducteur les y avait amenés, mais qu’ils s’étaient vus, effectivement, refuser le passage par le check-point.

Mauvaises nouvelles pour Noël

Tout le week-end, des internationaux ont fait savoir qu’on les avait fait descendre des cars, et plusieurs ont remarqué qu’il y avait des lignes plus longues à partir du check-point de Gilo, montrant qu’il est de plus en plus difficile d’accéder à Jérusalem depuis Bethléhem.

Cependant, l’interdiction semble ne s’appliquer qu’aux seuls cars palestiniens de Cisjordanie. Les ressortissants étrangers qui voyagent avec la compagnie de cars israélienne Egged, qui relie les colonies israéliennes à travers les territoires occupés, dont Bethléhem, à Israël, n’ont signalé aucun problème au check-point du tunnel. Les internationaux en voitures particulières, pas davantage.

On ne sait si l’initiative de limiter les déplacements des étrangers dans la région est liée à la limitation des passeports qui existait auparavant. Reflétant le traitement que subissent les Palestiniens qui vivent sous occupation depuis déjà quatre décennies, des restrictions similaires pour les étrangers ont été notées en septembre, quand Israël a commencé à délivrer des visas qui ne permettent de circuler que dans les zones contrôlées par l’Autorité palestinienne.

Israël, dans le même temps, a cherché à rassurer les dirigeants chrétiens palestiniens, leur disant qu’il allait faciliter les déplacements des fidèles et des touristes à l’approche de Noël. Les responsables israéliens à la Sécurité ont récemment invité les dirigeants des Eglises locales à une réunion sur une base militaire, où les officiels de l’armée leur ont promis d’alléger les bouclages, par exemple en garantissant aux chrétiens de Gaza des autorisations pour venir à Bethléhem pendant les fêtes.

Des dizaines de milliers de détenteurs de passeports étrangers entrent à Bethléhem, chaque Noël, pour le célébrer avec la population palestinienne locale, assister à la messe dans l’église de la Nativité et aux autres festivités annuelles. Quelque 60 000 internationaux ont fait le pèlerinage en 2008.

16 décembre, Bethléhem, Ma’an - MA’AN - traduction : JPP