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Vociférations et roulements d’épaule
samedi 28 novembre 2009 - Saleh Al-Naami
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Soldats israéliens, en plein déconfiture, revenant du territoire libanais dont le Hezbollah les a chassés en juillet 2006. Bombarder des civils sans défense est une chose, et s’affronter sur le terrain à une résistance hautement motivée et préparée [le Hezbollah] en est une autre que toute armée d’occupation apprend à ses dépends... Ce qui s’est passé au Liban en 2006 peut donc se reproduire un jour à Gaza.

Avec l’instinct d’une mère, Rehab a saisi sa fille Arwa âgée de 3 ans, est sortie de la chambre puis entrée dans le salon après que le bruit d’une forte explosion ait secoué la maison. Juste après minuit le samedi, les Israéliens avaient pris pour cible l’atelier d’un forgeron. Pour Rehab - qui vit à l’ouest du district de Berket Al-Wez-ouest, dans le camp de réfugiés d’Al-Maghazi dans le centre de la bande de Gaza - le bombardement a ravivé les souvenirs de l’horrible guerre lancée par Israël contre Gaza il y a bientôt un an. Des heures s’écoulèrent avant que Rehab ait été en mesure de calmer Arwa, tandis que, heureusement, son mari et les cinq autres enfants dormaient dans un autre endroit.

L’armée israélienne affirme que les combattants de la résistance palestinienne utilisaient l’atelier pour fabriquer des missiles, une affirmation rejetée avec véhémence par les porte-parole palestiniens. L’attaque est survenue à un moment où de hauts responsables israéliens relancent leurs menaces d’une action militaire dans la bande de Gaza visant particulièrement le mouvement Hamas. Ces menaces viennent à la suite des déclarations du responsable israélien des renseignements, l’officier Amos Yadlin lors de son passage récent devant le comité des affaires étrangères et de la défense de la Knesset, selon lesquelles le Hamas aurait réussi un tir d’essai d’un missile d’une portée de 60 kilomètres.

Les dirigeants israéliens ainsi que les commentateurs en lien avec les cercles où se prennent les décisions à Tel Aviv, estiment qu’avec une telle fusée le Hamas serait en mesure de frapper Tel-Aviv et sa banlieue - qui abritent plus de 1,5 millions d’Israéliens. Ces zones abritent aussi des infrastructures stratégiques et économiques vitales. Ce qui complique encore les choses pour Israël, c’est de réaliser qu’il serait impossible de protéger les habitants de ces zones.

Le chef d’état-major de l’armée israélienne, Gabi Ashkenazi, a menacé Gaza d’une campagne de bombardements et la radio publique israélienne a cité le vice-ministre de la défense, Matan Vilnai, disant que les milieux de la sécurité se préparent à un plan en deux volets d’attaque et de défense, dans le cas où le Hamas serait en mesure d’acquérir des missiles à longue portée.
« Le mouvement [Hamas] se prépare à une future confrontation dans l’avenir », a déclaré Vilnai.

En attendant, le journal à grande diffusion Yediot Aharonot a indiqué que l’armée israélienne ne débattait pas de savoir si oui ou non il allait y avoir une attaque sur Gaza, mais quand elle aurait lieu. Alex Fishman, qui est en étroit contact avec les centres de prise de décision à Tel-Aviv, a écrit dans le journal qu’il était probable que la confrontation commence sur une grande échelle à peu près un an après la dernière attaque. Fishman a affirmé que le compte à rebours pour la guerre a commencé le 19 novembre, jour où Yadlin a annoncé que le Hamas avait testé un missile qui pouvait atteindre Tel-Aviv. Le journaliste a également affirmé que le récent test du Hamas avait valeur de réponse à ce qui s’est passé lors de la dernière agression israélienne.

La question qui domine est maintenant de savoir si Israël est sérieux quant à ses menaces ou s’il s’agit simplement d’une man ?uvre pour atteindre des objectifs sur d’autres fronts. De nombreux observateurs palestiniens estiment qu’Israël considère l’acquisition par le mouvement Hamas de missiles pouvant atteindre le coeur d’Israël comme une grave menace. Ils énumèrent un certain nombre de raisons, pourtant, pour lesquelles Israël ne serait pas en mesure de lancer une campagne militaire massive contre la bande de Gaza dans un proche avenir.

Selon ces observateurs, Israël avait annoncé à la veille de la dernière guerre qu’il lançait ses attaques pour mettre fin à la dite contrebande d’armes et pour détruire l’arsenal du Hamas. Aujourd’hui, 10 mois après cette guerre, il apparaît que le Hamas aurait acquis des missiles à longue portée qu’il ne possédait lors de la dernière guerre. C’est pourquoi lancer une guerre en prétextant la destruction des capacités en armes du Hamas n’est guère crédible. De nombreux commentateurs en Israël sont arrivés à la même conclusion.

Dans le même temps, le lancement d’une guerre contre la bande de Gaza éroderait la puissance de dissuasion acquise par Israël au cours de la guerre précédente. Le Hamas bombarderait en profondeur Israël, ce qui mettrait en cause l’objet des précédentes et futures campagnes militaires israéliennes. Cela prouverait également la futilité de l’option militaire pour traiter avec le Hamas.

Une autre guerre changerait aussi les priorités d’Israël à un moment où il est principalement occupé de la soit-disant menace posée par le programme nucléaire iranien, que Tel Aviv considère comme la plus grave menace pour son existence. En outre, à la lumière du rapport Goldstone, Israël a pu se rendre compte que ses marges de manoeuvres militaires contre Gaza et le mouvement Hamas étaient maintenant plus limitées. Un certain nombre de commentateurs importants en Israël ont affirmé que le rapport Goldstone pourrait influer sur toute future guerre.

Selon Naom Barnea du journal Yediot Aharonot, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou est parvenu à la conclusion qu’Israël ne pouvait à l’avenir que lancer des guerres courtes [guerres éclair]. Selon Barnea : « Netanyahu s’est rendu compte que plus la guerre est longue, plus sera lourd le fardeau auquel Israël devra faire face le lendemain. Et Israël devra faire face à beaucoup de réactions de l’opinion publique internationale. »

Il poursuit : « Netanyahu semble être en accord avec le ministre de la défense Ehud Barak, qui, durant la guerre à Gaza aurait voulu un cessez-le feu ?à but humanitaire’, lequel avait été refusé par le premier ministre Ehud Olmert et la ministre des affaires étrangères Tzipi Livni qui insistaient sur la poursuite des opérations militaires. » Barnea explique aussi que dans des conversations privées Barak prétend que si sa proposition avait été appliquée la commission Goldstone n’aurait pas été créée et l’opinion publique partout dans le monde n’aurait pas été si scandalisée par Israël.

Toujours dans Yediot Aharonot, le commentateur Sever Plotzker fait valoir que bien que la guerre contre Gaza ait été considérée comme un succès, Israël est aujourd’hui confronté à un retour de bâton « destructeur à tout point de vue ». Plotzker estime que le rapport Goldstone « restera à jamais gravé dans la conscience des intellectuels occidentaux et l’esprit des masses arabes et musulmanes comme décrivant les Israéliens comme des créatures monstrueuses qui n’ont pas leur place parmi les peuples civilisés ».

Ce qui aggrave les choses pour Israël, selon cet analyste, est le fanatisme du gouvernement de droite au pouvoir, ramenant la position du pays dans le monde à ses niveaux les plus bas. Plotzker cite les tensions avec la Turquie, les poursuites judiciaires contre les officiers israéliens à travers l’Europe, et la campagne de boycott des produits israéliens en Europe.

L’écrivain politique dans le Haaretz, Aluf Benn, a décrit le statu quo comme « la pointe de l’iceberg qui annonce la fin de la légitimité d’Israël ». Benn ajoute : « Israël n’a pas appris que les règles au Moyen-Orient ont changé depuis l’arrivée du président américain Barack Obama à la Maison Blanche. Contrairement à la guerre contre le Liban en 2006 qui s’est terminée par un cessez-le feu, la guerre contre Gaza continue comme une guerre de la diplomatie et pour l’opinion publique. Israël doit faire face à des répercussions à l’ère d’Obama, laquelle est moins favorable que l’ère de George Bush. »

Les estimations selon lesquelles les circonstances ne permettront pas à Israël de lancer une guerre sont appuyées par des dirigeants du Hamas qui affirme qu’un accord aurait été passé entre les organisations palestiniennes pour ne pas tirer de fusées contre des implantations juives en bordure de Gaza. Fathi Hammad, ministre de l’Intérieur dans le gouvernement du Hamas, a déclaré à des journalistes lors du Forum de la presse palestinienne [il y au une semaine] que « les organisations palestiniennes avaient accepté de ne pas mener d’activité de résistance qui utiliserait des fusées dans la période à venir. » Mais Hammad a averti que « si Israël lançait des provocations ou des incursions, la possibilité d’y répondre était ouverte. »

Du même auteur :

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27 novembre 2009 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2009/974...
Traduction : Nazem