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Une réconciliation impossible
jeudi 3 septembre 2009 - Hasan Abu Nimah
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Des Palestiniens de Gaza portent des masques du Leader du Fatah, Mahmoud Abbas, et du Premier ministre du Hamas, Ismail Haniyeh, appellent à l’unité entre les groupes en désaccord. (Wissam Nassar/MaanImages)

Cette rencontre devait initialement avoir lieu entre le Hamas et le Fatah au Caire au courant du mois. La délégation égyptienne, dirigée par le chef des services de renseignement, Omar Suleiman, a d’abord rencontré le leader du Fatah, Mahmoud Abbas, à Amman, avant de se rendre à Ramallah, à Damas et à Gaza pour des rencontres avec d’autres officiels du Fatah et du Hamas dans l’espoir d’assouplir leurs positions respectives avant la réunion du Caire.

Les Égyptiens auraient suggéré que les factions acceptent que les élections législatives et présidentielles palestiniennes, actuellement prévues pour janvier, se tiennent avant un accord de réconciliation. Mais ni cette idée, ni aucune autre, n’ont permis de sortir de l’impasse.

Les deux côtés ont confirmé à nouveau qu’ils assisteraient à la réunion du Caire et qu’ils sont décidés à arriver à une entente, bien que ce genre de disposition rituellement exprimée n’ait jamais présagé d’un progrès imminent.

Les centaines de prisonniers politiques du Hamas détenus dans les prisons de Cisjordanie sous contrôle de l’Autorité palestinienne et du Fatah sont une importante pierre d’achoppement . (L’Autorité palestinienne a régulièrement nié ces arrestations bien qu’Abbas ait annoncé que 200 prisonniers du Hamas seraient libérés à l’occasion du Ramadan.) Le Hamas a aussi exigé que les forces de sécurité du Fatah
- équipées, entraînées et supervisées par le général US Keith Dayton - arrêtent leurs mesures de répression contre les résistants du Hamas, mesures qui s’inscrivent dans le plan soutenu par les USA pour écraser toute forme de résistance à l’occupation israélienne.

On est vraiment là au coeur du problème. Le Hamas demande en fait que son adversaire Fatah/Autorité palestinienne (AP) abandonne l’essentiel du rôle qu’il a assumé dans sa « stratégie de paix », ses engagements à l’égard de la prétendue « communauté internationale », la feuille de route du quartette ainsi que le plan de Dayton. Le Fatah - et l’appareil de l’AP qu’il contrôle -applique cette stratégie contre la résistance patronnée par les USA, condition essentielle du financement international dont il bénéficie.

Ceci est la raison pour laquelle le Hamas devait de toute évidence être en tête de la liste des cibles de l’AP. Ceci explique aussi pourquoi les prisons de l’AP sont pleines de membres du Hamas et pourquoi plusieurs d’entre eux seraient morts sous la torture aux mains de l’AP au cours du mois écoulé.

De son point de vue - et on le comprend- le Hamas estime que la traque et les assassinats continus de ses membres par les forces de l’AP sont totalement incompatibles avec une réconciliation. Pour sa part, l’AP se vante de ce que ces actions (comme l’incident notoire de Qalqiliya au mois de mai où les forces de l’AP ont attaqué une maison dans laquelle se cachaient des membres du Hamas et en ont tué six) montrent à l’évidence qu’elle remplit ses obligations au titre de la feuille de route s’agissant de « combattre la terreur ».

Si l’AP contrôlée par Abbas laissait entendre qu’elle abandonnerait ces engagements, elle se trouverait dans une position intenable par rapport à ses financiers et ses partisans étrangers. Chaque fois qu’Abbas a dû choisir entre la paix avec le Hamas et le maintien du soutien de ses protecteurs étrangers, ce sont ces derniers qu’il a choisis.

Nous ne sommes pas sans savoir qu’Abbas et son AP de Ramallah ne peuvent fonctionner que dans le cadre de certains paramètres taillés sur mesure, en fait taillés pour les besoins de sécurité de la puissance occupante et en fonction des politiques pro israélienne de ses partisans étrangers. Le Hamas n’a pas de place dans ce cadre étroit. Bien que le mouvement de résistance soit disposé à entrer dans le système politique et à jouer selon les règles du jeu, le but a été de l’éliminer totalement de l’équation, ne lui laissant absolument aucun rôle politique.

La seule condition à laquelle Abbas semblerait permettre une réconciliation, c’est si le Hamas se soumet à la primauté du Fatah, au contrôle permanent de l’AP et accepte sa stratégie politique jusqu’ici infructueuse. Une réconciliation précédente - le soi-disant accord de la Mecque de début 2007 - n’a pas tenu précisément parce qu’il incluait le Hamas en tant que partenaire égal. Sous la pression des USA, Abbas a battu en retraite par rapport à l’accord, démolissant le gouvernement d’unité nationale que celui-ci avait institué.

Le refus d’inclure le Hamas en tant que partenaire intégral et de respecter l’importante circonscription électorale qu’il représente, a assuré l’échec des séries précédentes de pourparlers de réconciliation. Ceci n’est pas une inconnue, ni pour les patrons du dialogue de réconciliation, ni pour les nombreux autres qui blâment les Palestiniens - souvent le Hamas - de l’échec de la réconciliation.

Les accords d’Oslo de 1993, qui ont créé l’Autorité palestinienne, ont dû être régulièrement adaptés pour répondre aux exigences de l’occupant. Tout effort visant à orienter la situation sur une voie permettant aux Palestiniens de tirer quelque profit que ce soit de ces accords, tout maigre fût-il, se heurtait à une forte opposition de la part d’Israël soutenu par les USA. Pour Israël, les accords étaient uniquement un instrument lui permettant de gérer les Palestiniens et de continuer à occuper et à coloniser leurs terres sans encombre.

C’est la raison pour laquelle Israël a estimé que feu le dirigeant palestinien, Yasser Arafat, n’était plus pour lui un « partenaire pour la paix » approprié. Et pourtant, Arafat avait bien essayé de se plier aux exigences israéliennes, mais ses concessions importantes n’ont jamais été jugées suffisantes alors qu’elles compromettaient les droits et les intérêts fondamentaux des Palestiniens. Arafat est arrivé à un point où il ne pouvait par continuer à renoncer aux droits des Palestiniens sans perdre complètement l’appui et la crédibilité de son peuple.

C’est ainsi qu’au début de 2002, il a fallu installer un nouveau leadership palestinien (« fantoche" dit Paul McGeough dans son livre révélateur Kill Khaled). Bien que l’on prétende souvent que c’est l’ancien Président US, George W. Bush, qui a insisté pour remplacer le leader palestinien, McGeough dit que l’idée venait en réalité du Mossad israélien. Comme évincer Arafat semblait impraticable en raison de sa popularité parmi les Palestiniens, le Chef du Mossad d’alors, Efraim Halevy, a trouvé un plan pour régler la situation. « Israël ne pouvait pas éliminer Arafat, mais Halévy estimait qu’Israël pouvait manipuler d’autres qui se chargeraient de réaménager l’infrastructure du pouvoir palestinien pour que celui-ci s’investisse en grande partie ailleurs » écrit McGeough.

Le plan d’Halevy a été approuvé par Ariel Sharon, Premier ministre israélien de l’époque, et a été vendu dans les capitales arabes et étrangères, où - selon Halevy - il a été bien reçu. Bush a adopté le plan avec enthousiasme, et celui-ci a été à l’origine de son appel de juin 2002 pour un nouveau leadership palestinien.

Le coup d’Halevy contre Arafat prévoyait qu’Arafat resterait comme " responsable nominal", mais il serait privé de tous ses pouvoirs, lesquels seraient investis dans un nouveau Premier ministre. L’homme choisi pour ce poste "sur les instances de Washington et des Israéliens," écrit McGeough, était Mahmoud Abbas, qui a succédé plus tard à Arafat comme leader du Fatah et Président de l’AP. Le contrôle des fonds a été confié à un ministre des Finances ; un fonctionnaire inconnu de la Banque mondiale appelé Salam Fayyad a été nommé à cette fonction. Aujourd’hui, Fayyad a été nommé Premier ministre par Abbas.

Il est difficile de trouver dans l’histoire un exemple d’un mouvement de libération si complètement transformé en un outil de l’oppresseur. Mais comprendre cette triste réalité est la clé pour comprendre pourquoi ces pourparlers "de réconciliation" intrapalestinienne sont futiles tant que cette situation persistera.

L’échec de la récente mission égyptienne a inévitablement mené à l’ajournement de la réconciliation du Caire prévue pour la fin du Ramadan. Comme personne ne voudra déclarer que l’effort de réconciliation est stérile, ce ne sera très probablement pas le dernier ajournement.

Hasan Abu Nimah est l’ancien représentant permanent de la Jordanie aux Nations unies. Cet article a initialement été publié par The Jordan Times.

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27 août 2009 - The Electronic Intifada - Cet article peut être consulté ici :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : Anne-Marie Goossens