BEYROUTH, 17 août 2009 (IRIN)
Le Liban sera confronté à des changements considérables si les températures moyennes augmentent de 2-4 degrés Celsius au cours des 100 prochaines années, comme le prévoient la plupart des modèles de changement climatique.
D’après Wael Hmaidan, directeur exécutif d’IndyACT, la Ligue des activistes indépendants, le Liban sera le premier pays du Moyen-Orient à être touché par le changement climatique. « La répartition des pluies a changé, la densité de la neige décroît et les feux de forêt se multiplient », a-t-il dit.
Les précipitations annuelles moyennes du Liban sont supérieures à 800 millions de mètres cubes (m3), et permettent le maintien de plus de 2 000 sources pendant la saison sèche, qui dure sept mois. De quoi rendre jaloux les pays voisins plus arides, comme l’Irak ou la Jordanie.
Mais la situation est en train de changer. « Il y a 20 ans, nous comptions sur 80-90 jours de pluie par an au Liban. Aujourd’hui nous prévoyons 70 jours de pluie », a indiqué Bassem Jaber, expert de l’eau du Projet de mise en place des outils techniques de gestion de l’eau (MOTGE), au ministère libanais de l’Energie et de l’eau.
D’après M. Jaber, ce n’est pas la quantité de pluie qui change, mais la période à laquelle elle tombe : « Il tombe la même quantité d’eau, mais en un temps plus court, ce qui empêche l’infiltration dans le sol. L’eau coule en surface et se jette dans l’océan, sans avoir été exploitée. Sur son chemin, elle provoque l’érosion du sol, des glissements de terrain et des inondations soudaines. A long terme, ces phénomènes aboutissent à la désertification ».
M. Hmaidan, d’IndyACT, affirme que ces changements météorologiques pourraient conduire le pays au désastre : « Les seules ressources naturelles du Liban sont son climat agréable, ses forêts et son eau. L’économie du pays repose sur le tourisme, qui dépend de ces ressources. Si elles disparaissent, c’en est fini de l’économie libanaise ».
Selon les prévisions, le changement climatique devrait aussi faire décliner les chutes de neige. Au Liban, 65 pour cent de l’eau provient de la pluie, et 35 pour cent de la neige. Les pluies hivernales sont complétées par la fonte des neiges, qui dure d’avril à juillet, et qui permet aux rivières de continuer à couler tout l’été.
De sombres perspectives
Des études conduites par Wajdi Najem, directeur du Centre régional de l’eau et de l’environnement (ESIB) du Liban, prévoient que la quantité d’eau provenant de la fonte des neiges, qui est actuellement de 1 200 millions de m3, tombera à 700 millions de m3 si les températures s’élèvent de deux degrés, et à 350 millions de m3 si elles s’élèvent de quatre degrés.
D’après les prédictions de l’ESIB, la limite des neiges éternelles, qui est aujourd’hui à 1 500 mètres, passera à 1 700 mètres si les températures augmentent de deux degrés, et à 1900 mètres si elles augmentent de quatre degrés. Dans ces conditions, la saison de ski, si lucrative pour le pays, durerait non plus trois mois, mais une semaine seulement d’ici la fin du siècle.
La neige est également essentielle pour la survie du cèdre du Liban, arbre à la longévité exceptionnelle qui constitue le symbole du pays, et qui figure à présent sur la liste rouge des espèces fortement menacées de l’Union internationale pour la préservation de la nature.
Sécheresse urbaine
Si la fonte des neiges fournit moins d’eau, la saison sèche commencera un mois plus tôt. Ce changement risque de perturber l’agriculture, en particulier dans le sud et l’est où le secteur agricole constitue la base de l’économie, mais les spécialistes de l’environnement estiment que ce sont les zones urbaines qui seront confrontées aux plus graves pénuries d’eau pendant les cinq prochaines années.
« Ce ne sont pas les régions agricoles qui subiront les conséquences les plus graves - la saison des cultures commencera plus tôt - mais nous sommes en revanche très inquiets pour les centres urbains », a déclaré M. Jaber. « Le problème, c’est que les zones urbaines auront épuisé leurs ressources d’eau douce avant la fin de la saison sèche ».
Sur une population nationale d’environ quatre millions d’habitants, dont environ 400 000 réfugiés palestiniens, plus de 80 pour cent vivent en milieu urbain, dont 1,5 million à Beyrouth.
Deux facteurs humains aggravent les problèmes de pénuries d’eau au Liban. Chaque année, la moitié des eaux de pluie est perdue par ruissellement, évaporation ou infiltration, et une grande partie des systèmes de canalisations et d’irrigation n’a pas été remise en état après la guerre civile et la guerre de juillet 2006.
Actuellement, la faible pression d’eau à la fin de l’été et en automne oblige le gouvernement à rationner l’approvisionnement. Dans certaines régions, près de la moitié des foyers vivent ainsi au-dessous du seuil de manque d’eau.
Chaque foyer reçoit en moyenne moins de 50 litres d’eau par jour, soit 20 litres de moins que la quantité définie par l’Organisation mondiale de la santé comme seuil de manque d’eau. Cette insuffisance s’aggravera certainement si la saison sèche commence plus tôt et dure plus longtemps.
Construire des barrages
Le gouvernement prévoit de construire jusqu’à 28 barrages de surface ou souterrains dans les 10 prochaines années, afin de capter jusqu’à 900 millions de m3 d’eau douce.
Ce plan, qui devrait coûter entre 2,5 et trois milliards de dollars, a été critiqué par certains activistes, qui l’estiment trop cher et néfaste pour la nature. IndyACT travaille à l’élaboration d’un plan alternatif fondé sur une meilleure utilisation des ressources disponibles.
Mais pour Fadi Comair, directeur général des Ressources hydrauliques et électriques du ministère de l’Energie et de l’eau, il est très probable que les barrages soient la seule réponse possible au problème du changement climatique au Liban.
« Etant donné la situation, ce n’est pas une question d’argent - nous n’avons pas le choix », a-t-il déclaré.
17 août 2009 - IRIN
Photos : Annasofie Flamand/IRIN
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