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"L’Anniversaire de Leila" : une journée particulière (film de Masharawi)
vendredi 24 juillet 2009 - Cinémaniac/JDD

Afin de rentrer à l’heure pour l’anniversaire de sa fille de 7 ans, Abu Leila va vivre une journée particulière qui ne l’est pas tant que cela en Palestine où la vie quotidienne tient souvent du parcours du combattant. En prenant pour héros un ancien juge revenu au pays pour aider à sa reconstruction, obligé de faire le taxi avec la voiture de son beau-frère, le réalisateur pose en un seul personnage le problème de la Palestine aujourd’hui : la confrontation entre la loi, l’ordre, et le chaos imputable à l’état de guerre permanent.

Abu Leila, féru d’application des lois et de discipline, va passer sa journée en taxi à rappeler les règlements : mettre sa ceinture de sécurité, ne pas fumer dans les lieux publics, à des passagers qui s’en fichent, préoccupés par d’autres priorités. Refusant de conduire des clients aux check-points, fustigeant les jeunes gens portant des armes, passant chaque matin se plaindre au ministère de la Justice en réclamant un poste de juge, Abu Leila se comporte un peu en étranger chez lui, parachuté dans un pays où il n’a pas vécu assez longtemps pour comprendre le pourquoi du comment.

Le film est un town-movie, on roule en taxi avec Abu Leila, ce qui est l’occasion de voir la vie quotidienne en Palestine dans une grande ville, les commerces, les cafés, les préoccupations des habitants (chaque client du taxi a une demande spécifique en relation avec leur vie quotidienne, aller à l’hôpital, se rendre au check-point, être seuls au monde pour deux amoureux, etc...). Quelques situations sont même franchement burlesques comme ce policier qui arrête le taxi d’Abu Leila parce qu’il cherche une voiture d’occasion à acheter. Une existence ordinaire ponctuée parfois par une explosion mortelle qu’on redoute mais qui ne décourage pas de mener une vie quasiment normale, de se déplacer en ville courageusement comme si de rien n’était, comment on vit avec la guerre.

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photo CTV international

Débordé par ce périple, Abu Leila finira par recycler le fruit de ses ennuis de la journée en cadeaux d’anniversaire, comme ce bouquet de mariée d’un cortège qui l’a viré de la rue...

Très court (71’), le film est assez captivant, on a vraiment l’impression de pénétrer en territoire inconnu, d’être immergé dans la ville d’une Palestine dévastée mais dédramatisée par rapport aux images qu’on voit à la télévision en France, où le facteur humain et la vie prennent le dessus.

le réalisateur Rashid Masharawi avait déjà présenté à Cannes "Couvre-feu" (Semaine de la critique) en 1993 et "Haifa" (sélection officielle) en 1996. Malgré la diffusion internationale de ses films et leur reconnaissance critique (comme aussi "Un Ticket pour Jerusalem" en 2002 ou le récent documentaire "En Direct de Palestine"), Rashid Masharawi tient à continuer à vivre et produire ses films sur place, chez lui en Palestine.

Cinemaniac

« L’ANNIVERSAIRE DE LEILA »

Film palestinien de Rashid Masharawi :

TERRITOIRES PALESTINIENS, L’ENVERS DU DECOR

Par adirevrai, jeudi 23 juillet 2009

Source : [http://www.diasporablogj.blogspot.com]

Le cinéma palestinien est un cinéma d’engagement politique. Un cinéma de combat né sur les ruines du conflit qui oppose, depuis plusieurs décennies, le peuple palestinien à l’Etat d’Israël. Le cinéma a fait naître chez de nombreux jeunes intellectuels palestiniens, un besoin ardent de témoigner de leurs malaises, de rapporter le mal de vivre de la société palestinienne dont ils sont les portes-paroles, de haut en bas de l’échelle, toutes générations confondus. Témoigner autement qu’à travers des images fugitives que réclame la réalisation d’un reportage télé. Image, qui pourtant, fait partie intégrante de ce conflit interminable. Tant il est instrumentalisé par les uns, manipulé par les autres. Image-cliché qui finit écrasée sur les fracas des bombes et des roquettes, des deux côtés d’une frontière indéfinie et difffusée simultanément à travers lesJT du monde entier.

Les cinéastes palestiniens ne pouvaient en rester là. Et se contenter du service minimum.

Ils ont vite su faire le saut et se sont rapidement adaptés au film de fiction, seul mode d’expression capable de faire entendre leur voix, à imprimer le regard qu’il porte sur leur propre réalité, et à développer leur inspiration artistique. Non, sans les difficultés économiques d’une cinéma naissant. Le cinéma palestinien a très vite convaincu de jeunes producteurs, allemands, anglais, belges, et on ne le sait pas assez, israéliens, et très vite aussi s’est vu être invité dans les Festivals de cinéma les plus prestigieux de la planète où leurs oeuvres ont été particulièrement remarquées par le public et la critique cinéfilique. Beaucoup d’entre ont remporté des trophés. C’est ainsi qu’ont pu être découvert des réalisateurs comme Michel Khleifi qui reçut pour « Noces de sang » en 1987, lePrix de la critique internationale au Festival de Cannes et Elie Suleiman qui obtint en 2002 pour son film « Intervention Divine », le prix du jury au Festival de Cannes.

De « Couvre-feu » à son nouveau film « L’ANNIVERSAIRE DE LEILA », en passant par « Haïfa » et « Ticket pour Jérusasalem », Rashid Masharawi s’engage dans un cinéma social où si le conflit israélo-palestinien en est le moteur, n’en est pas pour autant au centre du décor, pas plus qu’il n’est au centre du discours.

Avec sa dernière fiction « L’ANNIVERSAIRE DE LEILA », le réalisateur palestinien va un peu plus loin dans sa démarche de cinéaste. Si le conflit n’est pas tout à fait absent du corps de son scénario, il apparaît, cette fois, en filigrane, en courtes évocations. Il regarde, néanmoins, la société palestinienne en face. Il fait le constat d’’une société en déliquescence, qui a perdu ses points de repert, et pis encore, le sens du droit chemin et de la justice. L’ANNIVERSAIRE DE LEILA est l’occasion ; pour Rashid Masharawi, de parcourir la société palestinienne, de lavoir évoluer, avec ses individualités et les complexités de la vie quotidienne. Une société qui rêve d’un Etat promis, mais qui ne semble pas encore pas prête à l’accueillir.

Non, tels qu’ils défilent, les personnages-clés de ce film, surprenant à plus d’un titre, et courageux, les Palestiniens sont bien éloignés, dans leur esprit et dans leur comportement, de cet Etat indépendant qu’ils cvonvoitent tant. Une amère réflexion sur une société profondément en crise. Le conflit Israël-Paletine ne suffit plus à justifier la situation de délabrement dans laquelle la société palestinienne s’est engluée. Rashid Masharawi n’hésite pas à mettre en cause le systèmeen place et les rivalités âpres entre le Hamas et l’autorité palestinienne.

Dans une scène du film, la confusion dans les esprits du peuple palestinien est troublante. Un attentat survient à quelques mètres d’un bistrot du village occupé par plusieurs de ses habitants. La télévision palestinienne diffuse les images cruelles de cet attentat. Accourus sur le lieu de l’attentat, des personnages en treillis. Sont-ce des soldats Amércians ? Des soldats de l’armée israélienne ? Non ! Ce sont des milices du Hamas aura reconnu l’un des clients du bistrot.

Le réalisateur de « L’ANNIVERSAIRE DE LEILA » brosse d’une manière saisissante une terrible réalité d’un monde défait, anéanti, bien peu tourner vers le futur. Alors Abou Leila, celui qui nous sert de guide dans lefilm, revenu au pays avec la ferme attention d’aider son peuple à se reconstruire, en reprenant son poste de juge qui lui ait refusé, n’aura qu’une idée en tête, retrouver le plutôt possible la cellule familiale et souhaiter ce jour-là un joyeux anniversaire à sa fille qui vient de fêter sa huitième annnée. Un Abou Leila incarné par un Mohamed Bakri, magistral, avec ce visage buriné, altier à la Clint Eastwood, bouillonnant de l’intérieur, serein à l’extérieur. L’une des stars du cinéma palestinien et... israélien.

Rashid Masharawi réalise ici, avec brio, une oeuvre salubre, salutaire où le vécu est l’envers de la fiction. Une oeuvre sociale qui n’est pas sans rappeler le cinéma réaliste italien des années 50 - 60 (Victoria de Sica, Dino Risi,...)

Un cinéma palestinien « nuovo ».

Bernard Koch

Commentaires

1. Le jeudi 23 juillet 2009 à 02:11, par pascha :: Alerter le modérateur

C’est dans la souffrance que l’âme d’un peuple émerge, apparaît dans toute sa vérité. C’ est durant les dictatures, les colonisations et toutes les formes d’oppression que la vie culturelle se révèle dans son authenticité la plus bouleversante. Bonne route au film de Raschid Masharawi.a

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