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Tortures dans les Emirats : le silence complice de l’Italie bipartisane
mercredi 6 mai 2009 - Manlio Dinucci - Il Manifesto
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Extrait de la séquence vidéo publiée sur la chaîne ABC

La scène se passe en 2004 dans les Emirats arabes unis. L’homme qui est torturé est Mohammed Shah Poor, un commerçant en blé afghan, accusé d’avoir berné le cheikh Issa bin Zayed al-Nahyan. Le tortionnaire est le cheikh lui-même, membre de la famille royale au pouvoir, frère des ministres de l’intérieur et des Affaires étrangères. Aidé par des policiers en uniforme, il sodomise Poor avec un bâton électrique, lui brûle des testicules, le fouette, le perce de trous avec un clou, verse du sel sur ses blessures et pour finir lui passe dessus avec un « suv » (on entend le bruit des os qui se brisent).

La vidéo a été portée comme preuve dans un procès intenté par Bassam Nabulsi, citoyen étasunien ancien associé d’affaires du cheikh Issa, qui dénonce avoir été lui même torturé. Il a deux autres vidéos, qui montrent Issa torturant des immigrés soudanais. Les vidéos ont été tournées par le frère de Nabulsi sur ordre du cheikh lui-même, qui aime enregistrer les sessions de torture. Mais à présent « le vidéo tape complique l’affaire des Usa avec les Emirats », titre « The New York Times » (2 mai).

L’ « affaire », c’est un accord imminent qui prévoit la fourniture par les USA, aux Emirats, de technologies et combustibles nucléaires en échange de la « promesse » qu’ils ne seront pas utilisés à des fins militaires. Mais, depuis que les vidéos sur les tortures ont été diffusées, des voix, au Congrès, s’élèvent contre cet accord.

Nous nous demandons, alors, ce qu’il va advenir en Italie. Les Emirats sont en effet notre partenaire privilégié dans le Golfe. Le président de la Chambre des députés Gianfranco Fini a été le premier président d’un parlement de l’Union Européenne à se rendre en visite officielle aux Emirats. Dans la capitale Abu Dhabi, en janvier dernier, il a déclaré que ce n’est pas seulement l’échange économique qui lie les deux pays mais « la connaissance culturelle et politique réciproque ».

Il a donc souscrit un protocole de collaboration entre les parlements des deux pays. Ignorant cependant que les Emirats sont gouvernés par le Conseil suprême des souverains, qui nomme le chef d’Etat et le conseil des ministres, alors que l’assemblée fédérale nationale (le « parlement ») est composée de membres nommés par les souverains (partis et syndicats sont interdits) et ne peut exprimer qu’un avis consultatif.

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Il n’y a pas que Berlusconi a être séduit par les pratiques et les pétrodollars des autocrates des Emirats Arabes Unis...

Que la torture soit pratiquée dans les Emirats, et pas seulement par le cheikh Issa, est connu depuis longtemps. Mais, en Italie, un silence bipartisan est tombé sur tout cela. En 2007, le président du conseil Romano Prodi et la ministre Emma Bonino ont effectué une visite officielle à Abu Dhabi pour renforcer les relations économiques.

C’est à cette occasion que fut fondée à Rome l’association « Italia-Emirati arabi uniti », dont la présidence a été assurée en janvier 2009 (après la visite de Fini) par Luca Barbareschi (d’abord « Alleanza nazionale », parti de Fini, et aujourd’hui reconverti à « Popolo della libertà », le nouveau parti de Berlusconi, NdT)), vice-président de la commission Transports et Télécommunications.

Les Emirats ne sont pas qu’un siège d’affaires pour l’Italie : dans la base de Al Bateen opère la Task Force italienne « Air », avec missions de support à la guerre d’Afghanistan et entraînement des troupes irakiennes. En avril dernier, le président du Sénat (italien) Giuseppe Schifani s’y est rendu, accompagné (pour preuve que « au parlement nous sommes tous unis ») par la sénatrice Roberta Pinotti (Pd, « Partito democratico », fondé par Walter Veltroni, ancien maire « de gauche » de Rome, NdT), ancienne ministre de la défense du gouvernement ombre [formé par Veltroni au début du 2ème gouvernement Berlusconi, rien que des démocrates, NdT].

3 mai 2009 - Il Manifesto - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.ilmanifesto.it/il-manife...
Reçu de l’auteur et traduit par Marie-Ange Patrizio