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Une feuille de vigne pour Netanyahou
samedi 4 avril 2009 - Khaled Amayreh - Al-Ahram Weekly
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L’alliance Barak - Netanyahou illustre à quel point la social-démocratie israélienne a sombré dans le colonialisme et le racisme les plus exécrables... - Photo : AFP

Le Ministre de la Défense est courtisé par le Premier ministre désigné Benjamin Netanyahou pour rester dans son nouveau gouvernement de coalition.

Le Premier ministre israélien désigné Benjamin Netanyahou et le dirigeant du Parti travailliste Ehud Barak sont parvenus à une entente qui ouvrirait la voie pour que ce dernier rejoigne le gouvernement mené par le Likoud et qui doit prêter serment la semaine prochaine.

Conformément à leur accord, Barak restera Ministre de la Défense et son parti recevra un certain nombre d’autres portefeuilles moins importants, notamment l’agriculture, l’infrastructure, l’industrie, le commerce et le travail, plus un ministre sans portefeuille.

Politiquement, l’accord stipule qu’Israël formulera un plan global pour la paix et la coopération au Moyen-Orient, la poursuite des négociations de paix avec les Palestiniens et l’engagement par rapport aux accords de paix déjà signés.

L’accord parle également « d’agir contre les constructions illégales arabes et juives » en Cisjordanie, ce qui pourrait suggérer que le prochain gouvernement pourrait intensifier la pratique violente de démolir des maisons palestiniennes.

Israël a détruit quelque 20.000 maisons arabes sous une panoplie de prétextes depuis qu’il occupe la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la Bande de Gaza en 1967. Le gouvernement israélien prévoit également la destruction de centaines de logements dans Jérusalem-Est occupé, ce qu’un dirigeant palestinien a qualifié de « décapitation de la présence démographique arabe » dans la ville. L’Autorité Palestinienne espère encore faire de Jérusalem la capitale d’un futur état palestinien.

Les commentateurs israéliens arguent que l’accord Likoud-Travaillistes est trop généraliste pour donner un tableau clair quant au partenariat exact entre les deux partis. Cependant, « l’ambiguïté constructive » devrait donner aux deux côtés le sentiment qu’ils ont obtenu ce qu’ils voulaient.

Barak a dit à plusieurs reprises qu’il ne rejoindrait pas une coalition de l’aile droite. Néanmoins, ces derniers jours, il semble avoir changé d’avis malgré une forte opposition au sein de son parti contre la participation à la coalition du Likoud, que les observateurs ont déjà estampillée de gouvernement le plus à droite dans l’histoire d’Israël.

L’accord entre Barak et Netanyahou n’est pas finalisé, puisqu’il doit être approuvé par l’assemblée générale du Parti travailliste qui doit se réunir pour voter l’accord.

Une solide pluralité, peut-être majoritaire, au sein du Labour s’oppose fermement à participer au gouvernement mené par le Likoud pour des raisons idéologiques, et aussi parce que beaucoup de travaillistes traditionnels voient dans l’acceptation de Barak de jouer les seconds rôles derrière Netanyahou l’expression d’un opportunisme bon marché.

D’après les dirigeants travaillistes, ce serait mettre à mal l’image du parti travailliste comme parti progressiste et l’alternative potentielle contre la démagogie de l’aile droite. Barak lui-même avait coutume de condamner le Likoud comme représentant d’un « capitalisme sale ».

Ophir Pines-Paz est l’un des plus ardents opposants à Barak et à tout partenariat avec le Likoud. Il dit que Netanyahou ne fera qu’utiliser Barak et tous ceux du Parti travailliste qui le rejoindront, comme une « feuille de vigne » pour voiler et dissimuler la vraie nature du prochain gouvernement.

« Il est tout à fait naturel pour Barak de vouloir rejoindre le gouvernement Bibi-Lieberman », dit Pines-Paz, le seul membre de la Knesset à avoir quitté le gouvernement après que le dirigeant d’Israël Beitenou Avigdor Lieberman l’eut rejoint. « Il n’a pas de problème avec leur idéologie. Peut-être pouvez-vous me rappeler combien d’avant-postes Barak a évacués jusqu’à présent et comment exactement il a respecté le rapport de Talia Sasson sur les colonies non autorisées » dit-il, se référant à un rapport officiel au gouvernement publié le 8 mars 2005.

Ce rapport, commandé par l’ancien Premier ministre Ariel Sharon, avait été présenté par Talia Sasson, alors chef du Département criminel auprès du Procureur d’état.

Le 23 mars, les opposants à Barak au sein du Parti travailliste l’accusaient « d ?essayer de transformer le Labour en Israël Beitenou » et « d’agir comme s’il avait 50 sièges à la Knesset, plutôt que de subir une défaite électorale ».

Selon Haaretz, sept députés travaillistes, dont Pines-Paz, ont envoyé une lettre sans précédent à Netanyahou et à son Ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, pour leur déclarer qu’ils ne voulaient pas être liés par l’accord conclu entre Barak et le dirigeant du Likoud.
« C’est la toute première fois dans l’histoire du Parti travailliste que le président crée une équipe pour négocier une coalition sans l’approbation d’aucun des organes du parti. C’est une violation grossière de la constitution du parti ».

Les rebelles mettaient également en garde Netanyahou contre les conséquences des actions de Barak. « Vous devez savoir que l’équipe de négociation mise en place par la faction Barak au sein du Parti travailliste n’a pas obtenu notre soutien, ni celui d’aucun responsable autorisé dans le parti. Il est fâcheux que le président du parti ait choisi de gérer les problèmes du parti de cette manière. Etant données les circonstances, nous devons vous informer que vous ne pouvez compter sur notre soutien pour aucun accord auquel vous pourriez parvenir avec Ehud Barak ».

Cherchant à justifier sa décision de rejoindre le cabinet Netanyahou, Barak a affirmé à ses camarades députés travaillistes que sa participation au gouvernement garantirait que celui-ci ne pencherait pas trop loin à droite.

Mais cet argument est considéré comme très hypocrite et dénué de probité.

Barak a déjà montré combien il est d’accord avec le Likoud sur l’expansion des colonies. Sous son autorité de Ministre de la Défense dans le dernier gouvernement, l’expansion des colonies en Cisjordanie s’est poursuivie sans relâche malgré les engagements pris devant les Américains sur un gel de l’expansion. Selon le grand journaliste israélien Akiva Eldar, plusieurs nouvelles colonies récemment créées passent pour être « simplement de nouveaux quartiers des colonies existantes ».

Dans certains cas, les nouveaux quartiers se trouvent à plus de cinq kilomètres de l’implantation-mère. « Qui veut envoyer ses enfants à l’école maternelle de l’autre côté de la barrière, sans parler du coût de l’infrastructure et des services » demande Eldar.

En outre, il y a des signes que Barak tente déjà de se faire aimer des partis de l’aile droite extrême tels que le parti des colons Habayt Hayahudi (le Foyer juif) ainsi que le Shas et United Torah Judaism, anciennement connu comme Agudat Yisrael (Union d’Israël).

Son rôle est clairement d’agir comme facilitateur pour les partis fascistoïdes et pro-colons, de « blanchir » leurs colonies manifestement illégales (illégales, même selon des critères israéliens) construites sur des terres arabes volées.

La semaine dernière, Barak, en tant que Ministre de la Défense, décidait de légaliser une nouvelle colonie, Sansana, dans le sud des collines d’Hébron, que les cours israéliennes elles mêmes ont déclarées illégales. De même, il a refusé de faire respecter un ordre judiciaire de démanteler des maisons construites sur terrain palestinien volé dans la colonie d’Ofra, dans le nord de la Cisjordanie.

Dans cette perspective, il n’est guère difficile de prévoir comment fonctionnera le gouvernement Netanyahou-Lieberman-Barak, soutenu par les partis des colons et les partis religieux extrémistes.

Selon les termes d’un journaliste israélien, le prochain gouvernement aura un mode opératoire basé sur la duplicité, le subterfuge et la corruption. « Ce sera un gouvernement qui revendiquera son engagement en faveur de la paix, alors qu’en réalité il fera tout ce qu’il peut pour rendre la paix aussi insaisissable et lointaine que jamais ».

Du même auteur :

- Creuser sa propre tombe - 23 mars 2009
- Construire sur d’impudents mensonges - 18 mars 2009
- Réhabiliter Hitler... en Israël - 8 mars 2008
- Et maintenant, le fantasme Mitchell - 3 février 2008
- Haniya : « Pas de cessez-le-feu sans levée du blocus ! » - 16 décembre 2008
- La torture dans les prisons de l’autorité palestinienne - 12 décembre 2008

26 mars 2009 - al-Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article ici :
http://weekly.ahram.org.eg/2009/940...
Traduction de l’anglais : Marie Meert