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Défendre le sionisme : défendre l’indéfendable
samedi 4 avril 2009 - Stephen Lendman
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Pour Pearl (à la droite de Bush), l’antisionisme est une “haine
plus dangereuse que l’antisémitisme”.




Cet article répond à celui de Judea Pearl, dans le Los Angeles Times du 15 mars, L’antisionisme, est-ce la haine ?. Pearl enseigne l’informatique à l’université de Californie à Los Angeles (UCLA), il est le père du journaliste assassiné Daniel Pearl, et président de la fondation Daniel Pearl, « créée... pour poursuivre la mission de Danny et s’attaquer aux causes profonde de cette tragédie dans l’esprit » de l’homme qu’elle représente, notamment « une objectivité et une intégrité sans compromis... et le respect pour les personnes de toutes cultures... »

Pearl qualifie l’antisionisme de « haine plus dangereuse que l’antisémitisme, qui menace la vie et la paix au Moyen-Orient. » Pour lui, le sionisme est précisément tout l’opposé, comme de nombreux écrivains juifs, dont lui-même, le considèrent.

Dans son livre Vaincre le sionisme, Joel Kovel explique comment le sionisme nourrit « l’expansion et le militarisme impérialistes et (avec) les marques d’une malignité fasciste ; » ce qui a transformé Israël « en une machine à fabriquer des violations des droits humains » commandée par des terroristes qui se présentent comme des démocrates. Le livre de Kovel et son travail lui ont valu d’être renvoyé de sa faculté, le College Bard, à compter du 1er juillet, jour de l’expiration de son contrat - pour avoir osé critiquer Israël, son idéologie sioniste, son terrorisme alimenté par l’Etat, et des décennies de violations des lois et d’un comportement sans pareil.

Kovel a été outré que des institutions comme Bard ne puissent être inquiétées ; qu’elles accordent toute impunité à Israël, étouffent toute contestation, marginalisent, punissent et renvoient les « hérétiques », comme Kovel qui, avec honnêteté et courage, ne font qu’écrire la vérité.

Pearl s’était insurgé contre l’invitation à un symposium, au Centre des Etudes sur le Proche-Orient (à l’UCLA), de « quatre dénigreurs notoires d’Israël », afin qu’ils s’en prennent à la légitimité du sionisme et à «  sa vision d’une solution à deux Etats... » - un projet pour consigner les Palestiniens dans des cantons isolés et leur voler le maximum de leurs terres les plus fertiles.

Il assimile la critique légitime d’Israël et l’antisionisme à la « criminalisation de l’existence d’Israël, à la déformation de ses motivations et à la calomnie de son caractère, de sa naissance, et même de sa conception » Il cite « des dirigeants juifs (qui condamnent) cette haine et la voient comme une dangereuse incitation à une hystérie antisémite », même si l’un n’à rien à voir avec l’autre et si les associer masque le vrai problème : les effets corrosifs du sionisme et les mythes sur lesquels il se fonde.

C’est ce que font les gens comme Pearl quand ils disent que « l’antisionisme rejette l’idée même que les juifs sont une nation - un ensemble de personnes réunies par une histoire commune - et, en conséquence, qu’il dénie aux juifs le droit à l’autodétermination dans leur berceau historique. L’antisionisme recherche le démantèlement de l’Etat-nation juif, Israël, (alors qu’il) "reconnaît" à d’autres collectifs soudés historiquement (par exemple les Français, les Espagnols, les Palestiniens) le droit à une nationalité... »

Pearl ne peut accepter la dure réalité démontrée dans le livre de Shlomo Sand, Comment fut inventé le peuple juif. »

Pearl ne peut accepter la dure réalité qu’un professeur universitaire de Tel Aviv, Shlomo Sand, a démontrée dans son important livre Comment le peuple juif fut inventé (Fayard - 2008). Il y fait apparaître les contradictions de la Bible qui comprennent le c ?ur des croyances sionistes sur les juifs :

  • que les Romains antiques les auraient expulsés ;
  • leur exode d’Egypte quittée pour aller errer sans racine à travers la terre ;
  • qu’ils auraient été asservis, opprimés, et tourmentés pendant des siècles ; et
  • le mythe selon lequel Dieu aurait accordé «  un Grand Israël » pour les seuls juifs - « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ».

Selon le journaliste israélien Tom Segev, et d’autres :

  • il n’y a jamais eu de peuple juif, seulement une religion juive ;
  • il n’y a eu aucun exil, et par conséquent il ne peut y avoir de retour, et une grande partie de la diaspora juive a été volontaire ; et
  • l’histoire est une invention sioniste, une conspiration pour justifier un Etat juif, et aujourd’hui, vilipender l’autodétermination palestinienne comme un complot visant à le détruire.

En ce qui concerne les autres « collectifs homogènes », comme la France, l’Espagne, l’Amérique et d’autres Etats, ce sont des nationalités, pas des religions. Israël est un Etat juif avec des droits uniquement pour les juifs. Les juifs sont importants. Les autres pas, et là réside la différence. Les Palestiniens, par contre, sont occupés, appauvris, opprimés, chassés de leurs terres, bafoués en tant que musulmans et victimes d’un lent génocide visant à les détruire ainsi que tout espoir d’autodétermination.

« Les juifs sont-ils une nation ? » demande Pearl. « Certains philosophes arguent que les juifs sont d’abord une nation et ensuite une religion ». Pearl cite la mythologie habituelle :

  • l’exode et le retour sur la « terre promise qu’ils ont reçue de la Torah sur le mont Sinaï » ;
  • « la conviction inébranlable dans leur rapatriement vers le lieu de (leur) naissance (étant donné) leur expulsion par les Romains » ; et
  • leur « histoire commune, pas la religion, (comme) principale force unificatrice de la société multiethnique, laïque, d’Israël » - favorisant les seuls juifs dans un Etat quasi laïc/religieux et où pratiquer une autre religion est dangereux.

L’«  identité juive aujourd’hui nourrit l’histoire juive (plus précisément le folklore et les mythes) et ses dérivés naturels :

  • l’Etat d’Israël » - en dépit de sa création illégitime et des ses racines mythologiques ;
  • « ses combats pour survivre » - bien que ce soit la quatrième puissance militaire au monde, qui dispose de l’arme nucléaire ; qui n’a aucun ennemi en dehors de ceux qu’elle se fabrique ; et qui accumule tout un passé de guerres agressives, de violence plutôt que de conciliation, de confrontation plutôt que de diplomatie ; et se prétend en état de légitime de défense alors que ce n’est pas le cas ;
  • «  ses réalisations culturelles et scientifiques » - dont la plus grande partie touche au militarisme et à une conception rigide de sa sécurité ; et
  • « ses campagnes sans fin pour la paix ».

Pearl ne peut accepter le fait qu’Israël ait besoin de la violence pour se justifier.

Pearl comme beaucoup ne peut accepter le fait qu’Israël dédaigne la paix, se nourrisse de la violence et en ait besoin pour se justifier. L’idée même de paix et d’une résolution du conflit terrifie Israël. Ce que le Premier ministre Yitzhak Shamir a reconnu autrefois pour lancer la guerre d’Israël contre le Liban en 1982 : qu’il y avait un «  épouvantable danger... pas tant militaire que politique », aussi il fallait inventer un prétexte pour attaquer s’il n’y avait ni menace ni justification.

Il a fallu 18 000 morts et une occupation du Sud Liban pour que les Forces de défense israéliennes se retirent en mai 2000, sauf sur les 25 km carré des Fermes de Shebaa qu’il conserve illégalement encore aujourd’hui.

Pourtant, Pearl insiste, disant que « l’antisionisme vise la fraction la plus vulnérable du peuple juif, à savoir la population juive d’Israël dont la sécurité physique et la dignité individuelle dépendent de façon primordiale du maintien de la souveraineté israélienne. Pour parler franchement, le "projet" antisioniste vise à se débarrasser des juifs, il condamne 5 millions et demi d’êtres humains, la plupart des réfugiés ou des enfants de réfugiés, à une vulnérabilité éternelle dans une région où les velléités génocidaires ne sont pas rares. »

Il ajoute que «  la rhétorique antisioniste (montre) une sophistication universitaire et une acceptation sociale dans certains cercles extrémistes toujours intarissables. (C’est aussi) un coup de poignard dans le dos du camp de la paix israélien (et) cela accorde du crédit (à) l’agenda caché de tout Palestinien (pour) éliminer à long terme Israël. »

Aujourd’hui, certains faits sont dénaturés, falsifiés, ou tus par Pearl et d’autres apologistes de la même pensée :

  • il n’y a jamais eu et il n’y a pas aujourd’hui de « camp de la paix israélien » comme indiqué ci-dessus ;
  • la souveraineté d’Israël n’est pas le problème ; elle existe, elle est acceptée et les antisionistes ne la contestent pas ; en outre, depuis au moins la fin des années 80, les dirigeants palestiniens (dont Arafat et le Hamas) ont été prêts à la reconnaître ; mais Israël rejette toute ouverture vers la paix et la réconciliation, ce que les médias dominants et les sionistes taisent ;
  • les Palestiniens et les autres Arabes ne prennent pas Israël pour cible, pas depuis la guerre de 1973 ; cependant, ils se défendent à bon droit quand ils sont attaqués, comme le leur permet le droit international ;
  • les antisionistes, comme l’auteur de cet article, ne projettent ni ne souhaitent la destruction d’Israël, pas plus de nuire à son peuple, ou de le rendre vulnérable ; ils exigent, par contre, que le comportement et les actes d’Israël se civilisent, qu’il mette en ?uvre la démocratie dont il se revendique, qu’il observe les lois internationales comme ses propres lois, et qu’il en soit tenu pour responsable quand ce n’est pas le cas, notamment ses dirigeants pour leurs crimes de guerre et contre l’humanité, afin de les dissuader à l’avenir de commettre de telles violations ;
  • seul Israël est une menace, contre les Palestiniens et contre les autres Etats de la région, notamment le Liban, la Syrie et l’Iran ; ni ces nations, ni les autres ne menacent Israël, et une fois encore, les médias et la propagande sioniste disent le contraire ;
  • l’idéologie sioniste est extrémiste, antidémocratique et haineuse ; elle prétend à la suprématie juive, à sa spécificité et son unicité : « le peuple choisi » de Dieu ; cette idéologie nuit aux juifs comme aux non-juifs.

L’ancien critique universitaire israélien Israel Shahak (1933-2001), qui a milité longtemps pour les droits de l’homme, expliquait les dangers du chauvinisme juif, du fanatisme religieux et de son influence sur la politique américaine.

Il qualifiait d’ « absurde » l’idée de juifs qui auraient la haine d’eux-mêmes et définissait ainsi le juif :

... «  Celui dont la mère, la grand-mère, l’arrière-grand-mère (ou) l’arrière-arrière-grand-mère étaient juives par la religion ; ou celui qui (se convertissait) au judaïsme d’une manière qui sied aux autorités israéliennes, et à condition qu’il ne se reconvertisse pas du judaïsme à une autre religion. » Selon le Talmud et la loi rabbinique post-talmudique, «  la conversion (doit être) assurée par des rabbins autorisés et de façon appropriée. » Pour les femmes, elle implique un rituel intéressant : «  leur inspection par trois rabbins, entièrement nues dans un "bain de purification"  » pour confirmer leur conversion.

Shahak a beaucoup écrit sur la façon dont Israël pratique la discrimination en faveur des juifs dans la plupart des domaines de la vie, dont les trois qu’il considérait comme les plus importants : « le droit à une résidence, le droit au travail (et d’avoir) l’égalité devant la loi. »

L’idéologie sioniste rabaisse les non-juifs et leur nie tout droit à l’égalité en Israël. Un corps législatif la renforce pour pouvoir discriminer légalement les citoyens israéliens non juifs (de par leur religion) et les Palestiniens dans les Territoires, quelque chose d’inimaginable dans tout Etat développé et dans la plupart des autres Etats de tous les continents.

Shahak déclarait : «  L’intention évidente derrière de telles mesures discriminatoires est de réduire le nombre de citoyens non juifs en Israël (pour affirmer son existence en tant qu’) "Etat juif" », des mesures totalement hostiles et dénigrantes à l’égard des autres croyances religieuses.

C’est là le message sioniste et c’est pourquoi un nombre croissant de juifs, et bien d’autres, s’y opposent. Soutenir le sionisme est répugnant, indéfendable et équivaut à défendre un cancer, une tumeur maligne qui détruit le corps qui la porte. Ce message doit être exhibé, dénoncé et, une fois pour toutes, éradiqué du corps politique.

Une étude de la CIA entrevoit une alternative : au-delà de 20 ans, Israël ne survivra pas dans sa forme actuelle.

L’agence prévoit « un mouvement inexorable allant d’une solution à deux Etats vers une solution à un Etat unique, comme le modèle le mieux réalisable fondé sur les principes démocratiques d’une égalité entière, qui se débarrasse du spectre menaçant de l’apartheid colonial et permet le retour des réfugiés (palestiniens) de 1947/1948 et 1967. Ce dernier point (est) la condition préalable à toute paix durable dans la région. »

Selon l’avocat international, Franklin Lamb, «  L’écriture... est sur le mur... l’histoire rejettera l’entreprise coloniale, tôt ou tard. »

Le rapport de la CIA prévoit également le retour de tous les réfugiés palestiniens dans leur foyer et l’exode de deux millions de juifs israéliens vers les Etats-Unis dans les 15 prochaines années. Ils en auront marre et voudront partir. Ce qui a été omis dans le rapport, ou tout au moins non indiqué, c’est qu’à défaut d’une résolution équitable d’un conflit palestinien qui dure depuis si longtemps, Israël va finir par s’autodétruire. Les nations qui vivent par l’épée, meurent par l’épée, et Israël ne fait pas exception.

L’alternative est la paix et la réconciliation, quelque chose qu’Israël rejette catégoriquement. Si rien ne change, son existence même est en jeu, c’est ce que l’histoire nous enseigne, mais Israël doit encore l’apprendre.


Stephen Lendman est associé de recherche au Centre de recherche sur la Globalisation. Il a rédigé cet article pour PalestineChronicle.com. Il peut être joint à l’adresse : lendmanstephen@sbcglobal.net. Vous pouvez aussi consulter son blog à l’adresse : http://www.sjlendman.blogspot.com/.

Du même auteur :

- Punir Gaza (CounterPunch)

Chicago, le 30 mars 2009 - PalestineChronicle - Traduction : JPP