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Bataille de l’électricité avec Israël pour une petite bédouine
mardi 24 mars 2009 - Jonathan Cook - The National
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Enfants bédouins dans un village non reconnu par Israël, dans leur désert du Néguev.




El Bat, Israël. La vie de la petite Ashimah Abu Sbieh ne tient qu’à un fil - ou plus précisément, au cordon électrique d’un générateur diesel bruyant dans l’arrière-cour familiale. Si le moteur du générateur tombe en panne, elle peut mourir en quelques minutes.

Ashimah souffre d’un état génétique rare, c’est-à-dire que son cerveau n’arrive pas à commander à ses poumons de fonctionner. Sans l’aide d’un inhalateur électrique, elle cesserait tout simplement de respirer.

Cela s’est déjà produit l’année dernière quand le générateur s’est arrêté pendant la nuit. Ses parents, Siham et Faris, avaient trouvé à leur réveil le petit visage de 11 mois tout bleu par le manque d’oxygène. Ils avaient reconnecté l’inhalateur à un ensemble de batteries de voiture puis ils avaient bataillé pour réparer le générateur avant que les deux heures d’énergie en réserve ne soient épuisées.

La détresse des parents d’Ashima est partagée par des milliers d’autres familles bédouines qui soignent des parents ayant des maladies chroniques et qui vivent dans des communautés auxquelles Israël refuse de fournir l’électricité, dit Wasim Abas, de l’organisation Médecins pour les droits humains en Israël.

Le dernier rapport de l’organisation, Condamnés à l’obscurité, qualifie ce refus de l’Etat de délivrer les services essentiels - notamment l’eau courante et l’électricité - aux 83 000 Bédouins dans le sud du désert du Néguev, de « mal bureaucratique ».

Pour Mr Abas, la vie des malades bédouins qui ont besoin d’un approvisionnement fiable en électricité - pour garder au froid des médicaments et des aliments spéciaux, pour la climatisation ou pour des inhalateurs et des nébuliseurs électriques -, la vie de ces malades est mise en danger sérieusement par l’intransigeance officielle.

Selon le rapport, 45 villages bédouins se voient refusés les services pour faire pression sur eux et qu’ils renoncent à leurs titres de propriété sur leurs terres ancestrales et à leur mode de vie pastoral traditionnel. On voudrait qu’ils s’installent plutôt dans quelques ghettos, démunis de tout même des moyens de subsistance, construits spécialement par l’Etat pour les Bédouins.

Les maisons construites en béton dans ce qu’on appelle les villages non reconnus sont menacées en permanence de démolition, ce qui oblige de nombreux habitants à vivre dans des cabanes en tôle et sous des tentes, et les entreprises de services publics ont l’interdiction de les inclure dans la distribution de leurs services.

Les Bédouins dépérissent au bas des indices sociaux et économiques du pays, 70% des enfants vivent dans la pauvreté. Israël a aussi implanté une décharge de produits chimiques et une immense centrale électrique auprès de plusieurs de leurs villages non reconnus dans le Néguev, alors que l’Etat refuse de les connecter au réseau électricité.

Mr Abas dit que le manque d’approvisionnement en électricité constitue une menace en particulier pour la santé de la communauté bédouine. Un cinquième des habitants des villages non reconnus souffrent de maladies chroniques, surtout de l’asthme et du diabète, et ont un besoin crucial que leurs maisons soient reliées au réseau d’électricité pour pouvoir se soigner. La plupart doivent parcourir de grandes distances, généralement sur des pistes terreuses, pour arriver à un centre de santé ou à un hôpital.

«  Nous estimons que le manque d’électricité contribue à la détérioration de l’état des malades dans environ 70% des cas, et qu’il a provoqué directement la mort de 2% des cas » déclare Mr Abas.

L’espoir d’obliger Israël à relier les villages au réseau national s’est évanoui en 2005 quand le tribunal a débouté la famille d’une petite fille de 3 ans, Enas al Atrash, malade d’un cancer, qui demandait l’électricité pour la maison familiale. Les médecins avaient prévenu qu’Enas risquait de mourir sans conservation au froid de ses médicaments et sans climatisation.

Au contraire, c’est la famille qui s’est vue reproché par les juges de vivre dans un village non reconnu, ceux-ci ont cependant recommandé aux fonctionnaires d’aider à payer la facture de fuel de cette grande famille pour qu’elle puisse continuer à utiliser le générateur.

Les Médecins pour les droits humains indiquent que l’application des lois d’urbanisation dans les villages bédouins, dont la plupart datent d’avant la création d’Israël en 1948, contraste violemment avec le traitement réservé aux nombreuses communautés juives qui se sont installées en violation de la loi israélienne.

Des dizaines de ranchs de particuliers dans le Néguev et au moins une centaine de ce que l’on appelle les « avant-postes » en Cisjordanie ont été installés sans l’autorisation des autorités israéliennes, n’empêche qu’ils sont connectés aux services des entreprises publiques.

Yeela Livnat Raanan, enseignante universitaire en méthodes de recherches à la faculté Sapir à Sderot, dans le Néguev, qui milite avec un groupe de lobby bédouin (le Conseil régional des villages non reconnus) estime que la situation des familles bédouines est « intolérable ».

Elle indique qu’une enquête médicale menée conjointement avec les Médecins pour les droits humains l’année dernière a montré un haut niveau de maladies chroniques chez les enfants bédouins dans les villages non reconnus, 13% de ces enfants souffrant d’asthme aigu.

« Il y a de nombreuses causes à cette incidence élevée des problèmes respiratoires. » dit le Dr Raanan. « Il n’y a aucune collecte des ordures, dès lors il faut les brûler. Avec les cabanes en tôle, de nombreux Bédouins sont obligés de vivre avec peu de protection contre les températures extrêmes du désert. Les cabanes sont chauffées au charbon mais elles ne peuvent être aisément ventilées, et les générateurs électriques eux-mêmes sont polluants.

« Etant donné l’importance des familles bédouines traditionnelles, dit-elle, les problèmes liés au suivi des malades chroniques accablent beaucoup de Bédouins, sinon la plupart d’entre eux.

«  La souffrance des Bédouins ne provoque pas de réaction chez la plupart des juifs d’Israël » dit le Dr Ranaan. « Ceux-ci préfèrent se fier aux fonctionnaires du gouvernement qui leur disent que les Bédouins sont des primitifs, des gens stupides et hostiles, et qu’ils essaient de s’emparer de la terre de l’Etat. Nous devons nous battre contre ce racisme. »

La famille d’Ashimah vit dans la communauté d’El Bat, une communauté forte de 750 Bédouins qui a fini par être reconnue il y a un an, dans le cadre d’un plan de développement des ghettos en raison d’une population bédouine grandissant rapidement. Néanmoins, l’éventualité pour les habitants d’être connectés au réseau électricité reste encore lointaine.

« L’Etat oppose en permanence des retards pour remettre les cartes d’urbanisation dont nous avons besoin. » dit Ibrahim Abu Sbieh, grand-père d’Ashimah et chef du village. « Il n’y a pas de projets de constructions pour des écoles, des cliniques ou des routes. Nous pensons que les choses ne vont évoluer que très lentement. »

Il dit que sa famille a finalement pris le risque de remplacer sa cabane en tôle par une maison en béton il y a sept ans, quand il a été informé que la reconnaissance de la communauté était imminente. Mais ils ont quand même reçu un avis de démolition et ils ont dû payer toute une série d’amendes pour éviter la destruction de leur maison.

La maman d’Ashima, Siham, dit qu’elle vit avec la crainte constante d’une panne du générateur et d’être incapable d’emmener à temps sa petite fille à l’hôpital le plus proche, à 35 kilomètres de là, à Beersheva,

« Israël coupe l’électricité dans Gaza et le monde est outré,  » dit Mr Abu Sbieh. « Mais nous vivons comme cela depuis des décennies et personne ne s’en soucie. »


Site de Jonathan Cook : Je suis un journaliste britannique basé à Nazareth, en Israël. Mon site présente mes articles sur le Moyen-Orient qui sont publiés dans des journaux internationaux de langue anglaise et arabe et dans des publications revues spécialisées depuis 2001.

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18 mars 2009 - Jonathan Cook - traduction : JPP