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Clinton a-t-elle saboté une réconciliation palestinienne ?
mercredi 11 mars 2009 - Hasan Abu Nimah et Ali Abunimah
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Hillary Clinton lors de la Conférence Internationale de soutien à l’économie palestinienne et à la reconstruction de Gaza, le 2 mars 2009 (Victoria Hazou/Sipa Press)

On a pu croire que la fin du schisme entre d’une part la résistance et le gouvernement du Hamas élu mais boycotté par le monde et d’autre part la faction du Fatah soutenue par l’Occident était à portée de la main. Mais cette bonne impression s’est brusquement dissipée après ce qui ressemble à un assaut coordonné par la Secrétaire d’état des USA Hillary Clinton, le Haut Représentant de l’UE Javier Solana et le dirigeant du Fatah Mahmoud Abbas, dont le mandat de président de l’Autorité Palestinienne (AP) expirait le 9 janvier.

Le vendredi 27 février, les dirigeants de 13 factions palestiniennes, notamment les principales, Hamas et Fatah, annonçaient qu’ils avaient élaboré un cadre pour la réconciliation. Les Palestiniens, dialoguant sous la présidence du puissant chef des services secrets égyptiens Omar Suleiman, ont créé des commissions pour discuter de la formation d’un « gouvernement d’unité nationale », réformer l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) afin d’y intégrer toutes les factions, prévoir des élections législatives et présidentielles, réorganiser les forces de sécurité sur une base non politique et un groupe pilote comprenant tous les dirigeants de faction. Dans une atmosphère jubilatoire, les discussions ont été ajournées au 10 mars.

Ensuite, le fragile édifice politique palestinien a commencé à être ébranlé. Le premier coup est venu de Clinton juste avant qu’elle prenne l’avion pour assister à un sommet dans la station balnéaire égyptienne de Sharm el-Sheikh, avec la promesse ostensible de milliards d’aide à la reconstruction de Gaza.

Voice of America (VOA) a demandé à Clinton si les discussions d’unité au Caire l’encourageaient. Elle a répondu que dans toute réconciliation ou « progrès en vue d’une Autorité [Palestinienne] unifiée », le Hamas devrait être lié par « les conditions édictées par le Quartette », le groupe auto-constitué de représentants des USA, de l’UE, de l’ONU et de la Russie. Ces conditions, a déclaré Clinton, requièrent que le Hamas « doit renoncer à la violence, reconnaître Israël et respecter les engagements antérieurs ». Sans quoi, a averti la Secrétaire, « Je ne pense pas qu’il en résultera un quelconque pas en avant positif, ni pour le peuple palestinien, ni en tant que moyen de renforcer l’effort en vue d’une paix qui mènerait à un état palestinien ».

Les coups suivants sont venus de Ramallah. Abbas, flanqué du haut diplomate européen Solana, a insisté sur le fait que tout gouvernement d’unité nationale aurait à adhérer à la « vision des deux états » et à respecter « les conditions internationales et les accords signés ». Il a ensuite réclamé que l’aide à la reconstruction de Gaza transite exclusivement via l’AP - soutenue par l’Occident mais financièrement en faillite et politiquement très affaiblie. Solana a affirmé : « Jetiens à déclarer, en accord avec [Abbas] que le mécanisme utilisé pour déployer l’argent est celui-là même qui représente l’Autorité Palestinienne ». Solana a entièrement approuvé la campagne menée par Abbas depuis la destruction de Gaza, pour que l’AP, rongée par une corruption endémique et qui ne paie que les salaires des travailleurs jugés politiquement loyaux, soit seule en charge des fonds, plutôt que des organisations internationales neutres, comme le Hamas et d’autres l’ont suggéré.

Alors, le sommet de Sharm el-Sheikh visait-il vraiment à aider le peuple de Gaza ou s’agissait-il d’exploiter leurs souffrances pour continuer la longue guerre contre le Hamas par d’autres moyens ? En effet, Clinton avait déjà confirmé la politisation de l’aide à la reconstruction lorsqu’elle déclarait à VOA : « Nous voulons conforter un partenaire palestinien disposé à accepter les conditions tracées par le Quartette » et « notre aide en dollars sera versée sur la base de ces principes ».

Le Hamas a averti que les déclarations de Clinton et d’Abbas renvoyaient les efforts de réconciliation palestiniens à la case départ. « Le Hamas ne reconnaîtra pas Israël ni les conditions du Quartette » a dit l’un de ses porte-parole Ismail Radwan, tandis qu’un autre, Ayman Taha, affirmait que le Hamas « rejetterait toute condition préalable à la formation du gouvernement d’unité ». Khaled Meshal, chef du bureau politique du mouvement, a souligné que la base de l’unité nationale devait rester « la protection de la résistance et des droits du peuple palestinien ».

De telles déclarations seront bien sûr utilisées pour dépeindre le Hamas comme extrémiste, intransigeant et anti-paix. Après tout, quoi de plus raisonnable que d’exiger de toute partie impliquée dans un processus de paix qu’elle s’engage à renoncer à la violence, à reconnaître son ennemi et à respecter les accords préalables ? Le problème est que les conditions du Quartette sont conçues pour éliminer les rares concessions faites aux Palestiniennes et pour les laisser démunis devant la poursuite de l’occupation, la colonisation, le blocus et les attaques armées d’Israël.

Aucun des diplomates occidentaux imposant des conditions au Hamas n’a réclamé qu’Israël renonce à sa violence agressive. En effet, comme Amnesty International le rapportait le 20 février, les armes utilisées par Israël pour tuer, blesser et incinérer 7.000 personnes à Gaza, dont une moitié de femmes et d’enfants, ont largement été fournies par des pays occidentaux, essentiellement les USA. En guise d’illustration frappante, Amnesty rapportait que ses enquêteurs sur le terrain avaient « trouvé des fragments et des composants de munitions utilisées par l’armée israélienne - dont beaucoup fabriquées aux USA - jonchant des cours de récréation, des hôpitaux et des maisons de particuliers ».

Pour les Palestiniens, « renoncer à la violence » dans de telles conditions c’est renoncer au droit de se défendre, ce que peuvent faire des peuples non occupés. Les Palestiniens noteront certainement que tandis qu’Abbas se contente de rester un spectateur impuissant, ni les USA ni l’UE ne se sont précipités pour défendre des Palestiniens pacifiques, non armés, mitraillés chaque jour par les forces d’occupation israéliennes lorsqu’ils tentent de protéger leurs terres saisies en Cisjordanie. Et la renonciation d’Abbas à la résistance n’a pas davantage aidé les 1.500 habitants du quartier de Silwan dans Jérusalem-Est, dont les autorités d’occupation israéliennes ont récemment confirmé la prochaine démolition des maisons afin de faire place à un parc à thème juif. Une cessation de la violence doit être mutuelle, totale et réciproque - chose que le Hamas a offerte à plusieurs reprises et qu’Israël a farouchement rejetée.

Pendant que la violence israélienne est tolérée voire applaudie, aucune condition politique préalable n’est réclamée aux dirigeants d’Israël. Le Premier ministre Netanyahou a catégoriquement rejeté un état souverain palestinien et - tout comme ses prédécesseurs - il a rejeté tous les autres droits palestiniens consacrés par le droit international et les résolutions de l’ONU. Sommé de mettre un terme à la construction d’implantations illégales en territoire occupé, Israël répond simplement que c’est sujet à négociation, et pour prouver ce point, il révélait en février le projet d’ajouter des milliers de maisons exclusivement juives dans les colonies de Cisjordanie.

Mais quand Al-Jazeera International demandait le 1er mars à Tony Blair, émissaire du Quartette, comment ses maîtres traiteraient un gouvernement israélien rejectionniste, il répondait : « Nous devons travailler avec tous ceux que le peuple israélien élira, il faut essayer et ne pas simplement affirmer que cela ne marchera pas ». A moins que les Palestiniens ne soient considérés comme une race inférieure, la même logique devrait s’appliquer à leurs dirigeants élus, mais jamais on ne leur en a donné la chance.

Il est grotesque d’exiger que les Palestiniens privés d’état reconnaissent inconditionnellement la légitimité de l’entité qui les a dépossédés et qui les occupe, qui lui-même n’a pas de frontières déclarées et qui continue d’étendre son territoire par la violence à leurs dépens. Si les Palestiniens doivent un jour reconnaître Israël sous une forme quelconque, ce ne pourra être que le résultat de négociations dans lesquelles les droits des Palestiniens sont pleinement reconnus, et non une condition préalable qui leur est imposée.

Au cours de la campagne électorale étatsunienne de l’an dernier, Clinton a clamé qu’elle avait aidé à apporter la paix en Irlande du Nord sous l’administration de son mari. Mais les conditions qu’elle impose à présent au Hamas sont exactement celles que les Britanniques ont longtemps imposées au parti nationaliste irlandais Sinn Fein, bloquant ainsi les négociations de paix. Le Président Bill Clinton - à l’encontre des vigoureuses objections britanniques - a aidé à contourner ces obstacles en garantissant notamment un visa US au président du Sinn Fein Gerry Adams, dont le parti avait été diabolisé par les Britanniques comme Israël diabolise à présent le Hamas. Tout comme Tony Blair qui, alors Premier ministre, autorisa le premier des négociations avec le Sinn Fein, Hillary Clinton sait que les négociations en Irlande n’auraient pas abouti si l’une des parties avait été obligée de se soumettre aux conditions préalables de ses adversaires.

Une lettre du 26 février dernier, cosignée dans le Times de Londres par d’anciens négociateurs de paix britanniques et irlandais, notamment le lauréat du Nobel John Hume et l’ancien ministre israélien des Affaires étrangères Shlomo Ben-Ami, soulignait ces mêmes points. « Que cela nous plaise ou non » dit la lettre, « Le Hamas ne s’en ira pas. Depuis sa victoire aux élections démocratiques de 2006, le Hamas a renforcé son appui dans la société palestinienne malgré les tentatives de le détruire par des blocus économiques, des boycotts politiques et des incursions militaires ». Les signataires appelaient à s’engager avec le mouvement, affirmant que « Les conditions du Quartette imposées au Hamas tracent un seuil inopérant à partir duquel commencer des négociations ».

Ceux qui se prétendent « faiseurs de paix » devraient tenir compte de ce conseil. Ils devraient permettre aux Palestiniens de former un consensus national sans interférence ni chantage externes. Ils devraient cesser d’imposer des conditions scandaleusement inéquitables à la partie la plus faible tout en tremblant devant la plus forte, et ils devraient arrêter l’exploitation cynique de l’aide humanitaire aux fins de manipulation et de subversion politique.

Ils sont nombreux dans la région à avoir été encouragés par la nomination par le Président Obama de l’ancien médiateur nord-irlandais, le sénateur George Mitchell, comme émissaire au Moyen-Orient. Mais à bien d’autres égards, le nouveau président a poursuivi les désastreuses politiques de l’administration Bush. Il n’est pas trop tard pour changer de cap, car persister dans l’erreur ne ferait qu’assurer la poursuite de l’échec et du bain de sang.

* Hasan Abu Nimah est l’ancien représentant permanent de la Jordanie aux Nations-Unies.

* Ali Abunimah, Cofondateur de The Electronic Intifada, est l’auteur de “One Country : A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse” (Metropolitan Books, 2006).

Cet article est paru initialement dans The Jordan Times et il est republié avec l’autorisation des auteurs.

4 mars 2009 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article ici :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Marie Meert