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Dehors malgré le froid
mercredi 4 mars 2009 - Saleh Al-Naami
Al Ahram Weekly
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Une famille palestinienne vit à l’extérieur de sa maison détruite par l’offensive israélienne.




Lorsqu’une forte pluie s’infiltre dans la tente d’Hanan Al-Attar, 38 ans, elle se réveille et, furieuse, se précipite dehors avec ses trois enfants. Son mari Ahmed tire sur les piquets de la tente, essayant de les sécuriser après que des vents violents les aient fait tomber. De son côté, son fils remplit des sacs de sable les plaçant le long de la tente dans une tentative désespérée d’empêcher les piquets de tomber. Hanan et ses enfants tremblants se sont refugiés dans la première maison trouvée sur leur chemin.

La semaine dernière, la situation de cette famille reflétait le sort de presque toutes les familles du camp d’Al-Karam, près de Beit Lahiya au nord de la Bande de Gaza. Dans le camp, les familles ont dressé des tentes après que l’armée israélienne ait détruit leurs maisons, durant la dernière guerre à Gaza, dans les secteurs d’Al-Atatira et Al-Salatin.
Hajja Fatima Al-Attar était dans la même situation que Hanan - une pluie glaciale a soudainement infiltré la tente où elle dormait avec sa famille. Ne pouvant rien faire pour maintenir leur tente debout, ils ont laissé leurs affaires et se sont dirigés vers les maisons les plus proches du camp afin de se protéger du froid et de la pluie. Les habitants du camp, qui n’ont même plus les services de base, peuvent voir les ruines de leurs maisons dans le quartier tout près.

La santé de certains de ceux, en particulier les enfants, qui sont restés dehors malgré le froid, s’est détériorée. Ils souffrent de fatigue, diarrhée et maux d’estomac. Aisha, une veuve de 33 ans, qui a perdu son mari en 2007, tué par les Israéliens, raconte que ses enfants sont encore traités pour des refroidissements à la clinique de Beit Lahiya.

Le problème principal des habitants du camp est le manque de couvertures chaudes. Les organisations caritatives n’en ont pas suffisamment distribuées à toutes les familles. Silman Khalil, 66 ans, raconte au Weekly que sa famille comprend dix membres mais qu’ils n’ont reçu que cinq couvertures. De nombreuses familles du camp ont essayé de trouver des couvertures parmi les ruines des maisons mais sans succès, soit que leurs affaires ont été brulées, soit que ce qui reste est coincé sous les décombres des murs effondrés.
Depuis que les tentes sont tombées, les enfants ne peuvent plus dormir dans le camp. Les familles ayant des enfants, les ont placés avec des membres de la famille vivant ailleurs pour ne pas qu’ils tombent malades, et de peur que d’autres orages dévastent le camp et fassent s’écrouler, une nouvelle fois, leurs tentes.

Les habitants du camp ne sont guère enthousiastes de l’aide offerte par les organisations caritatives, parce qu’ils sont occupés à la reconstruction de leurs maisons. Pour certains dans le camp, les destructions ont ravivé les souvenirs de 1948 lorsqu’ils ont dû quitter leurs maisons. Pourtant, même ceux qui ont trouvé refuge dans d’autres habitations ressentent que leurs vies ont été bouleversées.

Saleh Al-Ayad, 51 ans, semble être irrité et déprimé par les débats de ses voisins sur les perspectives pour la Bande de Gaza concernant la trêve, le cas du soldat Shalit et les élections israéliennes. Al-Ayad, un gardien à l’université, qui adore parler politique, se sent déconnecté parce qu’il n’a plus de téléviseur, ni d’Internet et ne peut plus suivre les informations. Al-Ayad a perdu sa maison à l’est du Camp de réfugiés Al-Maghazi, il a également perdu tous ses meubles et toutes ses affaires personnelles.

La maison à trois étages d’Al-Ayad dans laquelle vivaient dix personnes, et qui lui a coûté 150 000 dollars, a été réduite à un tas de débris par trois missiles Hellfire tirés d’un hélicoptère Apache. Par chance, à ce moment-là, personne n’était dans la maison et toute la famille s’en est tirée saine et sauve. Par contre, dans la maison voisine, une femme a été tuée par des éclats d’obus. Abu Ali - comme Al-Ayad est sollicité par ses voisins - il raconte au Weekly que sa famille a passé plusieurs jours dans le seul club de sport du village puis, une de ses s ?urs, ayant des chambres libres, les a invités à rester chez elle. Au début, Abu Ali était d’accord, mais il s’est rapidement rendu compte que sa famille était tout simplement trop grande. Il a donc loué un appartement appartenant à son frère qui habite à l’étranger.
Abu Ali raconte qu’il a perdu tout son argent et tous les bijoux de sa femme qui étaient dans la maison. Les papiers officiels de ses enfants, ainsi que les archives de l’école et l’université sont également perdus. Mais ce qui attriste le plus Abu Ali est la perte de la seule photographie de lui et son père. Il en avait pris particulièrement soin, il espérait la retrouver, mais lorsqu’il a cherché parmi les ruines de la maison, il a découvert que la photographie avait brulé.

Ali, le fils ainé de Al-Ayad, est également affecté par la destruction de leur maison et de leurs affaires de famille, mais en plus, il a une autre raison d’être affecté. A peine quelques jours avant l’attaque israélienne, les parents d’Al-Ayad étaient occupés à lui trouver une fiancée, son père avait fini la construction et l’équipement de l’appartement de son fils reliant le sien. Comme le bâtiment est détruit, Ali ne pourra plus se marier. Toutefois, c’est un petit sacrifice comparé aux souffrances de tant d’autres. « Lorsque je vois ou entends que des personnes ont été tuées par l’effondrement de leurs maisons, j’ai le sentiment que Dieu a voulu que ma famille soit sauvée » raconte Abu Ali.

Un mois environ depuis le début du cessez-le feu, il est toujours difficile de réaliser l’ampleur des souffrances infligées aux Palestiniens par la guerre menée par Israël. Dans la Bande de Gaza, un des signes de cette souffrance est la perturbation du trafic routier causée par la destruction des routes. Nur Abu Naim, un mécanicien dans la rue Salaheddin, joignant le nord et le sud de Gaza, peut à peine prendre en charge toutes les voitures ayant besoin d’être réparées. Il y a eu un flot de clients dont les voitures ont été endommagées par les nids-de-poule créés par les bulldozers israéliens.

Tous ceux qui se rendent à la rue Salaheddin pourront voir au bord de la route les voitures endommagées, ainsi que les jeunes en train de pousser d’autres véhicules vers le mécanicien le plus proche. Comme le dit Nur au Weekly, la plupart des conducteurs roulent lentement pour pouvoir freiner avant de passer dans les trous se trouvant dans les routes.

A cause de l’extrême destruction des routes, la seule manière de rejoindre les quartiers à l’est du village Al-Qarara dans le centre de la Bande de Gaza et la ville de Khazaa dans le sud-est, est par charrette ou à pied. Awad Sulaysil, un habitant du village Al-Qarara, marche plusieurs kilomètres chaque fois qu’il sort de chez lui. Il a décrit au Weekly que l’armée d’occupation a fait en sorte de défoncer à coups de bulldozers le début des rues et intersections dans le but d’en limiter leur utilisation.

Al-Ahram/weekly - n° 935 19/25 février 2009 - traduction : Christine Rossetti