« Si cela continue, la plupart de nos services vont cesser d’opérer dans deux semaines » dit Jumaa Al Saqqa, le porte-parole de l’hôpital principal appauvri de la ville de Gaza.
Shifa a en effet été un hôpital de combat sauvant des milliers de vies pendant les cinq années du soulèvement palestinien. Mais maintenant, l’installation doit faire face à son défi le plus difficile. Son équipe lutte pour soigner la population de 1.3 million de personnes dans la Bande de Gaza à la suite du soudain isolement international des Palestiniens.
« Notre réserve de 200 médicaments est presque épuisée. Nous manquons de choses les plus fondamentales comme des bandages et de bouteilles d’oxygène » dit Saqqa.
Les fournitures qui vont en diminuant incluent les antibiotiques, les traitements contre le cancer et des pièces de rechange pour les appareils de scanners et de dialyse.
« Je ne veux pas créer l’impression d’annoncer une catastrophe, mais la vérité est que c’est vraiment en train de devenir un désastre » a ajouté Saqqa.
Des docteurs en blouses blanches s’occupent de patients dans la salle d’urgence qui se vantait d’avoir le meilleur équipement médical de toute la Bande de Gaza et est remplie en permanence des cas urgents qui y sont dépêchés.
« Comment pouvons-nous nous occuper de nos patients si nous avons si peu de moyens ? » demande Abdullah Zidan en fumant nerveusement une cigarette dans une petite pièce décorée de photos du défunt dirigeant, Yasser Arafat. « Nous avons commandé du matériel en Israël, mais ils ont fermé le passage de Karni alors rien ne peut nous être livré ».
Les docteurs de Shifa expriment un mélange de colère, de résignation et de désespoir sur la terrible situation. Aucun d’entre eux n’a reçu de salaire depuis le début du mois de mars.
« Nous avons eu une crise humanitaire depuis un bout de temps mais ces dernières semaines, la situation a empiré » dit le chirurgien Doran Al Hato en buvant son thé dans une salle délabrée où les fenêtres ont été brisées par des coups de feu.
" Que pouvons-nous faire ? Devrions-nous fermer et laisser les gens mourir ?" dit l’anesthésiste Nahed Gharben. « Cela fait dix jours que je n’ai plus de produits anesthésiants ».
Les docteurs établissent maintenant une priorité dans leurs cas. « Nous n’opérons plus les patients dont les vies ne sont pas en danger ».
La Bande de Gaza a déjà été sévèrement touchée par les fermetures constantes des frontières par Israël depuis le début de l’année.
En conséquence, le territoire a souffert de périodes de carences de nourriture et autres marchandises. Mais la situation s’est détériorée après que le gouvernement dirigé par le mouvement radical Hamas soit entré en fonction le mois dernier et que les gouvernements occidentaux aient suspendu l’aide directe à l’Autorité palestinienne.
Malgré le fait que Washington et l’Union européenne aient promis d’envoyer des fonds humanitaires en passant par les Nations unies, le secteur médical a été sévèrement touché par la crise.
L’OMS a prévenu le 6 avril du risque de conséquences graves sur les services de santé publique palestiniens à cause des sanctions économiques israéliennes et des coupes dans l’aide internationale.
Plusieurs médecins étrangers, dont des ressortissants français et américains, ont arrêté un programme prévu dans la ville de Gaza à cause du statut de l’hôpital de Shifa qui est celui d’un hôpital gouvernemental.
Le climat a provoqué de grosses difficultés pour les Palestiniens ordinaires souffrant de maladies menaçant leurs vies. " Nous avons perdu certains patients atteints de cancer qui n’ont pas pu se faire soigner en Israël " dit Saqqa.
Certains docteurs, fatigués après des années de guerre et découragés par la situation, espèrent s’échapper.
« Je pars en Norvège. La situation ici est trop terrible » dit un neurologue anonyme.
Il craint ne pas être le seul dans sa volonté de fuir.
« Il y a trop de médecins comme moi à Gaza » ajoute-t-il.
24 avril 2006 -
http://www.metimes.com/articles/normal.php?StoryID=20060424-072832-5867r
Traduction : Ana Cléja