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Interview d’Adam Shapiro, cofondateur d’ISM
mercredi 4 février 2009 - Kourosh Ziabari
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Adam Shapiro

En mars 2002, Adam Shapiro rencontre Yasser Arafat à la Mukataa (le siège de l’autorité palestinienne à Ramallah) assiégé pendant l’incursion israélienne en Cisjordanie et Gaza. A la suite de cette rencontre, il atteint une popularité internationale, le plaçant sous l’oeil réprobateur des médias sionistes.

Malgré les insultes et invectives de la part d’une campagne sioniste, Adam Shapiro n’a jusqu’à ce jour, ni renié, ni atténué ses positions. Il a plutôt intensifié ses critiques anti-sionistes face à des situations telles que celle des 22 jours d’incursion israélienne dans la Bande de Gaza.

Cette interview a été conduite durant le génocide israélien à Gaza, comme le démontre cette conversation ; celle-ci contient des informations utiles et enrichissantes qui devraient être lues et prises en considération.

Pourriez-vous svp expliquer les récentes activités au sein du mouvement de solidarité internationale ? Quel est votre agenda, modus operandi et vos projets pour venir en aide aux survivants de la récente offensive à Gaza ?

Le Mouvement de Solidarité Internationale (ISM) a été crée en 2001 dans le but d’associer la solidarité internationale à la résistance palestinienne contre l’occupation et l’oppression israélienne. Ceci a été entrepris au travers du rassemblement d’activistes étrangers et palestiniens sur une base de résistance active, civile et non violente en Cisjordanie et à Gaza. Ce genre de résistance populaire a toujours fait partie du mouvement palestinien, et nous avons pensé qu’y ajouter un élément international forcerait la communauté internationale à reconnaître que le conflit n’est pas entre juifs et arabes ou juifs et musulmans, mais bien plutôt une situation d’oppression et de discrimination basées sur l’ethnicité et la religion, semblable à l’apartheid en Afrique du Sud.

De nos jours, le rôle d’ISM continue dans ce sens, mais, ISM est également de plus en plus impliqué en tant que témoin reportant les atrocités envers le peuple palestinien. Les volontaires d’ISM passent de longues périodes dans les territoires occupés et apprennent à connaître la situation en profondeur.

En ce moment, 5 volontaires d’ISM sont dans la Bande de Gaza. Ces volontaires sont actifs pendant l’assaut sur le peuple de Gaza - ils accompagnent les ambulances et le personnel médical qui sont appelés d’urgence ; ils documentent ce qu’il se passe et en informent la communauté internationale, bien que le gouvernement sioniste interdise aux journalistes étrangers l’accès à Gaza. En outre, ils aident à la distribution de la nourriture et de l’eau autant que possible et souvent dans des endroits très dangereux. Ils documentent les crimes de guerre, tels que l’utilisation de bombes d’artillerie à phosphore blanc.

Selon vos dires, un choix effectif et de poids qui pourrait aider et soulager la situation intenable des Palestiniens serait celui de promouvoir la notion de sanctions et d’embargo envers Israël. Comment est-il possible de boycotter et d’isoler sur la scène internationale le régime terroriste ?

La société civile palestinienne appelle au boycott d’Israël, par conséquent c’est pour cette raison que nous y adhérons également. Ceci dit, les sanctions ne seront au plus que symboliques, il faut bien prendre en compte le degré d’échanges commerciaux en Israël, et la difficulté à rendre effectif un tel impact. Cependant, au point de vue, symbolique, les campagnes de boycott, de sanctions et de désengagement financier (BDS) sont très utiles, particulièrement en Occident, où cela permet d’altérer le débat loin des accusations d’antisémitismes et ainsi démontrer spécifiquement pourquoi de telles mesures sont nécessaires.

De plus, le boycott académique et culturel peut produire un résultat concret, forçant les universitaires, artistes et intellectuels israéliens à confronter la réalité par rapport à leur position, et à les forcer à prendre conscience. Il y a des efforts très crédibles et valables dans ce sens, y compris récemment la participation pour un boycott d’un syndicat d’enseignants anglais. Cependant, nous avons besoin de nous rappeler que des actions plus radicales sont nécessaires, vu la situation des Palestiniens ces 60 dernières années. Le niveau de destruction et d’oppression de l’entière population est tel que des actions symboliques même bien ciblées, ne suffisent plus face à l’urgence de la situation.

Les Etats-Unis et leurs alliés européens opposent très souvent leur veto à toute résolution mise sur la table par l’UNSC empêchant ainsi la communauté internationale d’exprimer des condamnations claires et sans ambiguïté sur les massacres israéliens. A votre avis, quelle en est la raison, et comment peut-ont s’y opposer ?

La raison tient à la politique intérieure des USA plus que tout. Je pense qu’en ce qui concerne les nations européennes la raison est liée à une culpabilité inébranlable au sujet de l’holocauste, une situation qui est largement exploitée par Israël et par quelques organisations juives dans ces pays afin de maintenir un code du silence lorsqu’il s’agit clairement d’accuser Israël pour ce qui a été un crime contre l’humanité et le nettoyage ethnique pendant 60 ans. Pour les Etats-Unis, il n’y a pas de circonscription ayant la volonté de voter ou de faire des dons à des campagnes politiques sur ce sujet. Ceux qui le voudraient sont peu nombreux, et souvent inefficaces.

Aux USA, le lobby pro-israélien ne s’organise pas seulement dans la communauté juive, mais également inclut les sionistes chrétiens, le complexe militaro-industriel, l’industrie technologique d’information, l’industrie biotechnique, la communauté médicale et bien d’autres. Tous ont d’importantes relations commerciales avec Israël. Ceci entraîne des répercussions au sein du système politique américain et pose les paramètres du débat sur le soutien des USA à Israël.

Ceci dit, je pense également que pendant plusieurs années le gouvernement palestinien a manqué certaines opportunités. Néanmoins, le plus important c’est qu’il ait accepté le cadre de paix comme moyen d’adresser le conflit, ce qui a contribué à amener un sens biaisé d’égalité entre les deux parties. Au lieu de maintenir une position de libération nationale, ou de créer un mouvement basé sur des droits égaux ou de finir l’oppression et la discrimination, le choix pour 2 états dans ce cadre de paix a aidé les Etats-Unis et d’autres gouvernements à « accuser les deux parties ».

Toutes ces contradictions mises à part, l’attitude biaisée des Américains face au nucléaire israélien est intenable. Ils croisent les bras passivement, pendant que tous, même l’ancien Président Carter ont admis qu’Israël possédait 200 têtes nucléaires !

En effet, sur cet aspect particulier, l’hypocrisie a atteint un niveau absurde. En plus du point soulevé dans votre question, le fait est qu’Israël ait été en guerre plus souvent que tout autre état dans la région et presque toujours comme initiateur et agresseur ; non seulement dans les dernières guerres, mais aussi dans les incidents aux passages des frontières, comme cela s’est déroulé dans le passé avec l’Egypte et le Liban. S’il y a un régime dans la région qui est instable et enclin à recourir à la force militaire, c’est bien l’Etat d’Israël. Au sujet des armes de destruction massives israéliennes, la communauté internationale devrait s’inquiéter, étant donné que nous avons vu qu’Israël à la volonté d’utiliser des armes suspectes et une force disproportionnée comme ce fut le cas au Liban en 2006 (bombes à fragmentation) et à Gaza aujourd’hui (tirs d’artillerie de phosphore blanc).

Dans ce sens, il semblerait que les médias conventionnels manquent
de courage face au lobby tyrannique israélien qui régit l’ensemble des médias. Ils censurent toute information émise par la communauté internationale concernant les démonstrations, condamnations et remarques anti-israéliennes. Comment peuvent-ils justifier cette approche unilatérale et hostile de l’information ?

Je pense que les mêmes facteurs influençant la manière dont les Etats-Unis et les gouvernements européens agissent jouent également le même rôle en ce qui concerne les médias. Mais il faudrait également analyser la stratégie des médias. Israël et ses alliés internationaux ont une stratégie médiatique claire, organisée et efficace dans le but de promouvoir leurs messages et leurs images. Bien entendu, il y a un parti pris des médias, mais ce serait inexact de penser que cette position subjective est une finalité en soi. Après tout, je connais un nombre important de journalistes couvrant le conflit, qui essayent de diffuser des perspectives différentes dans leurs journaux et émissions. Du côté palestinien, il n’y a pas de stratégie médiatique, et certainement pas une qui est organisée. Certains de ces détails pratiques peuvent faire une très grande différence en ce qui concerne la couverture médiatique de ce conflit. Cependant, je ne pense pas que cela puisse totalement surmonter le parti paris existant, par contre cela peut initier des changements au niveau des systèmes médiatiques en général.

Je crois également qu’avec la création de nouvelles sources d’information, y compris Al-Jazeera et Press TV, les médias occidentaux conventionnels sont menacés et sont forcés de changer. Même le service en langue arabe de la BBC a forcé certains changements dans son service de langue anglaise. Ces changements bien que subtils sont néanmoins importants.

Finalement, je pense qu’il est relativement facile de minimiser l’impact des médias. Malgré la couverture médiatique, l’opinion internationale penche en faveur de la cause palestinienne et de l’arrêt de l’occupation et de l’oppression. Ce n’est pas forcement l’opinion internationale qui a besoin d’être changée, c’est les actions gouvernementales.

Alors, quelles sont les actions nécessaires pour que justice soit faite ? Comment la communauté internationale peut-elle empêcher Israël de commettre de nouvelles atrocités et de chercher de nouveaux conflits. dans la région ?

La communauté internationale a besoin d’agir sans ambigüité afin de forcer Israël à stopper son agression à Gaza. Ceci devrait comprendre l’arrêt immédiat de toute relation diplomatique (comme au Venezuela et en Bolivie) ; un embargo total sur les armes à destination d’Israël, l’établissement d’un tribunal criminel sous le ICC (mandaté par le Conseil de Sécurité) pour condamner les crimes de guerre israéliens. Même si ceci peut être un processus de longue haleine, nous devons nous souvenir que les Palestiniens, contrairement à pratiquement tout autre peuple dans le monde, sont totalement dépendants de l’aide de la communauté internationale, parce que c’est la communauté internationale qui est responsable de la partition originale et le déplacement des Palestiniens. De plus, les Palestiniens n’ont pas d’Etat, d’armée ou toute autre moyen de défense. L’Assemblée Générale des Nations Unies peut aussi agir en prenant des mesures radicales, et elle devrait le faire - ce serait une manière d’annihiler le veto américain.

Et que pensez-vous d’une enquête internationale sur l’utilisation d’armes non conventionnelles, sur le massacre massif de femmes et d’enfants longuement assiégés dans une Bande de Gaza densément peuplée, sur la mort de journalistes et de représentants de la communauté internationale ?

Il est nécessaire d’établir un tribunal qui jugera les crimes commis à Gaza. Mais ce n’est pas suffisant. Les crimes des 60 dernières années doivent être pris en considération. Depuis 1948, Israël a jouit d’une impunité sans pareil, la leçon qu’elle en a tirée et qu’il n’y a aucune conséquence pour ses actions et aucune limite. Pendant 60 ans, les Palestiniens ont été les victimes de cette « liberté d’action ». Ce n’est pas suffisant de dénoncer les crimes commis par Israël à Gaza aujourd’hui. Il faut aussi dénoncer ceux commis à Deir Yassin, à Tantoura, à Lid, dans le camp de réfugiés de Jénine, dans les prisons israéliennes, ainsi que dans des centaines d’autres endroits et ceci pendant de longues années. Tous ces crimes ont été commis en violation du droit international et du respect des droits de l’homme. Bien entendu, je verrai d’un très bon ?il la création d’un tribunal jugeant les crimes commis à Gaza, mais ceci ne devrait être qu’un début.

* Kourosh Ziabari est un journaliste iranien et correspondants pour les médias. Il écrit pour Global Research, Tehran Times, Iran Review, Veterans Today et Salem News.
Ses articles et ses interviews ont été publiés dans 10 pays. Il a reçu en 2010 du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, la médaille de la Jeunesse iranienne.
Blog en anglais : http://cyberfaith.blogspot.com

23 janvier 2009 - Communiqué par l’auteur
Traduction de l’anglais par Christine Rossetti