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Les colons de Hébron : la honte ordinaire
lundi 15 janvier 2007 - Danny Rubinstein - Ha’aretz
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Harcèlement à Hébron (archive)

La semaine dernière, la chaîne 10 de télévision israélienne a diffusé un court reportage vidéo filmé dans le quartier de Tel Rumeida à Hebron, où l’on voit une femme appartenant à la communauté des colons juifs de ce quartier, Yifat Alkobi, bousculer brutalement et insulter ses voisins, membres de la famille palestinienne Abou Aisha. Il y a quelques mois,
B’Tselem, le Centre israélien d’information pour les droits de l’homme dans les territoires occupés, avait fourni une caméra à la famille Abou Aisha pour qu’elle puisse filmer ce qui se passait près de chez eux. Ils disposent aujourd’hui de nombreux clips vidéo de ce genre. Ce qui est intéressant dans
celui-ci, c’est que la bousculade et les insultes ont eu lieu alors qu’à quelques mètres de là, des soldats israéliens ont observé la scène sans lever le petit doigt.

Personne ne s’est particulièrement ému de ces images, à commencer par Yifat
Alkobi elle-même, convoquée pour interrogatoire, mais qui n’est même pas
venue. Dans la ville, il y a un groupe d’observateurs internationaux, appelé
TIPH (Temporary International Presence in Hebron), qui a publié un
communiqué disant que le film ne contenait rien de nouveau. "Depuis des
années, nous publions des informations sur les harcèlements, les biens
endommagés, les destructions de bâtiments, les jets de pierres et les
fenêtres brisées, commis par les colons à l’encontre des habitants arabes.
Par le passé, nous nous sommes souvent adressés à l’armée et à la police,
sans résultats"
, disent les observateurs. Ils envoient leurs rapports au
gouvernement israélien, à l’Autorité palestinienne et aux gouvernements des
six pays qui ont envoyé des observateurs (Norvège, Italie, Suède, Danemark,
Suisse et Turquie). B’Tselem s’est aussi hâté de prévenir qu’il ne fallait
pas faire de Yifat Alkobi un bouc émissaire. Le fait est que la
responsabilité de ce qui se passe à Hebron incombe à tous les gouvernements
qui ont permis et continuent de permettre que ces scènes honteuses se
produisent.

Les chiffres sont connus. Des milliers d’Arabes qui habitaient la partie de
Hebron sous contrôle israélien (selon l’accord passé par le gouvernement de
Benjamin Netanyahou [à Wye Plantation, ndt]), bien peu sont restés. La
famille Abou Aisha de Tel Rumeida habite une maison qui a été surnommée "la
maison cage" à cause des barreaux qui l’entourent, destinés à la protéger
des harcèlements des colons. Les autres familles arabes isolées qui sont
restées dans le quartier près des colons ont tendance à se cacher de la même
manière. En d’autres termes, les colons de Hebron ont réussi à se
débarrasser presque complètement de leurs voisins arabes, chose que l’armée
et la police n’ont rien fait pour empêcher, ce qui veut dire que, dans les
faits, ils ont aidé les colons.

La droite israélienne, qui soutient les colons de Hebron, a glissé depuis
longtemps sur la pente du racisme. Lors d’une réunion récente à Jérusalem,
un officier de police (juif) haut gradé, qui a quitté son service, a dit à
des invités étrangers comment il devait agir à l’égard de colons installés
dans des quartiers arabes ; qui refusent d’obéir aux ordres de policiers
arabes. "Vous êtes arabes, et nous ne vous parlons pas. Vous n’avez qu’à
amener un policier juif"
, disent-ils. Les invités canadiens furent choqués.
L’un deux, haut fonctionnaire du gouvernement canadien, a dit que quiconque
oserait faire ce genre de remarque au Canada serait immédiatement jeté en
prison. Ici, cela passe sans problème.

Tous les colons ne ressemblent pas à ceux de Hebron. Il y a des colons qui
tentent d’établir des relations de bon voisinage avec les Arabes. Mais les
uns comme les autres se défendent des accusations de racisme et de
dépossession en disant que telle a été la situation sur la terre d’Israël
depuis le début du sionisme. Tel-Aviv, elle non plus, n’a pas été seulement
bâtie sur du sable, et partout en Israël, de Dan au Nord à Beer Sheva au
Sud, des Arabes ont été expulsés et dépossédés. Alors, que leur reprochent
les gens ?

Quel que soit le cliché que véhiculent ces revendications et ces arguments,
ils sont pertinent aujourd’hui, quand de nouveaux plans politiques
surgissent après la fin d’Oslo. Dans le processus nouveau, s’il est mis en
oeuvre, il n’y aura pas d’échappatoire et il faudra fixer une frontière de
principe. Et dans les négociations avec les Palestiniens, le seul point de
départ possible est la ligne Verte. Après 1967, et pendant plus de 20 ans,
on a évoqué en Israël et dans la région une "option jordanienne". Le Royaume
de Jordanie dispose d’une capitale grande et animée, Amman, et de grands
territoires. Si des négociations avaient eu lieu avec la Jordanie, le
contrôle israélien sur une certaine portion des territoires n’aurait pas été
le même que dans le cadre de négociations avec les Palestiniens, qui n’ont
pas de capitale, et presque pas de territoires. C’est perdre son temps que
de parler avec les Palestiniens si nous n’abordons pas les négociations avec
pour principe la ligne Verte. Toute autre option est susceptible de conduire
au phénomène obscène des colons de Hebron et de Tel Rumeida

Ha’aretz, 15 janvier 2007 - http://www.haaretz.com/hasen/spages...
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant