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Gaza : un salut qui viendra d’un bulletin d’informations ?
samedi 13 décembre 2008 - Ramzy Baroud
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Les Gazans passent d’un canal à l’autre, tandis que leurs appels continuent à tomber dans des oreilles de sourds

Quand il y a de l’électricité dans Gaza, la plupart des Palestiniens vivant dans ce territoire appauvri et surpeuplé se rassemblent autour de leurs écrans de télévision. Ce n’est ni « Idole américaine » ni « Danse avec les étoiles » qui les réunissent. Ce sont les bulletins d’information.

Le rapport des Gazans avec les informations venant des médias est complexe et original. Comme la plupart des Palestiniens et où qu’ils soient, ils observent et écoutent attentivement les actualités télévisées du monde, avec l’espoir que leur salut arrivera sous la forme d’un bulletin d’information. Évidemment, ce salut se fait encore attendre.

Cet engouement n’est pas accidentel, car leur fort penchant pour lire, écouter et regarder est indubitable. Les Palestiniens sont profondément attentifs à ce que dit le reste du monde au sujet de leurs souffrances et de leur lutte. D’une façon plus générale, ils se demandent si quiconque du dehors s’inquiète d’eux.

Durant les longs et sévères couvre-feux militaires israéliens lors de la première Intifada à Gaza, ma famille se réunissait autour d’une petite radio, toujours inquiète que les batteries ne s’épuisent, nous laissant alors sans aucune nouvelle, un scénario terrible selon les normes en vigueur dans Gaza.

L’armée israélienne avait l’habitude de couper l’eau et l’électricité dans tout camp de réfugiés pris pour cible. Cette pratique continue à ce jour dans Gaza, mais sur une échelle beaucoup plus grande puisque les carburants sont refusés, que la nourriture et les fournitures médicales se sont raréfiées de façon alarmante, et que les systèmes de traitement de l’eau sont dans un état pitoyable. La politique de punition collective a toujours été au pinacle de la politique israélienne à l’égard de ce malheureux territoire. Cela n’a jamais changé.

Et pourtant, d’une façon ou d’une autre, Gaza s’adapte miraculeusement. Le peuple de ce bout de terre minuscule trouve moyen de faire face à ces incommensurables tragédies, comme en son temps la première caravane de réfugiés, dépouillée de tout et désespérée, avait transformé Gaza à sa manière à la suite de la Nakba de 1948.

Les Palestiniens pleurent ce qu’ils ont perdu, enterrent leurs morts, demandent miséricorde à Dieu, puis la maisonnée se réunit à nouveau autour de son poste, guettant une lueur d’espoir dans les actualités télévisées.

Aujourd’hui leur confiance, ou leur manque de confiance dans n’importe quelle station dépend du fait que cette station présente ou non leur douleur et leur tragédie selon leur point de vue, ou celui d’un porte-parole de l’armée israélienne ; d’où leur rapport d’attirance-répulsion à l’égard des réseaux importants d’informations comme la BBC, la voix de l’Amérique et d’autres.

Bien que la plupart des Palestiniens à Gaza estiment que le réseau Al-Jazeera est plutôt compréhensif vis-à-vis de leur difficile situation, ils ne peuvent lui pardonner de servir de porte-voix pour les officiels israéliens du gouvernement et de l’armée. Mais la plupart des Palestiniens font toujours confiance à Al-Jazeera comme à chaque fois que frappe une tragédie, ce qui arrive souvent.

Les nouvelles à propos de Gaza n’ont jamais été aussi sinistres que ces jours-ci. Chaque jour sont publiés des communiqués venant des fonctionnaires des Nations Unies et des organisations de défense des droits de l’homme, décrivant les effets du siège sur Gaza, l’étranglement de toute une population, et le silence assourdissant de la communauté internationale envers ce qui est maintenant perçu comme la plus pressante des catastrophes humanitaires dans le monde.

Les Palestiniens à Gaza écoutent toujours avec attention. Ils espèrent, bien que sans guère d’illusions, que les Etats-Unis feront pression sur Israël pour alléger le blocus, pour permettre l’accès aux soins aux malades gravement atteints, pour un réapprovisionnement en combustible. Pourtant jour après jour, la situation empire et très peu est fait pour corriger cette injustice.

Quand des responsables internationaux, tels que Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations Unies ou Mary Robinson, ancien haut commissaire aux droits de l’homme, appellent Israël à alléger ou lever son blocus sur Gaza, le mouvement des Gazans est de se rappocher de leurs téléviseurs. Ils veulent encore croire qu’Israël tiendra compte de ces appels, mais c’est toujours en vain.

« Il est presque incroyable » que le monde ne s’inquiète pas « d’une violation aussi choquante de tant de droits de l’homme » à Gaza, a déclaré Robinson, qui est également ancienne présidente de la république d’Irlande, comme en a rendu compte la BBC le 4 novembre. « Leur civilisation entière a été détruite, je n’exagère pas, » a-t-elle ajouté.

Le même jour, Israël est entré dans Gaza avec l’intention de provoquer un affrontement et de rompre la trêve précaire avec le mouvement Hamas ; cette trêve avait en grande partie résisté depuis juin. L’armée a assassiné six Palestiniens et en a blessé trois autres.

John Ging, directeur de l’UNRWA [United Nations Relief and Works Agency] à Gaza, a déclaré au Washington Post le 15 novembre : « c’est une situation désastreuse, et elle ne fait qu’empirer ... Il est sans précédent que les Nations Unies ne puissent pas fournir ses approvisionnements à une population dans une telle situation de détresse ; un grand nombre de ces familles dépendent de nos livraisons depuis des années et la précarité de leur survie est totale [traduction approximative de l’idiome anglais « to live hand-to-mouth » - N.d.T]. »

Depuis lors, le 20 novembre, le même responsable a rapporté qu’Israël a annulé une décision de laisser 70 camions chargés d’aide humanitaire entrer dans la bande de Gaza.

Philip Luther d’Amnesty International a condamné « le blocus israélien [qui] a gravement empiré une situation humanitaire déjà problématique. »

« La malnutrition chronique est en augmentation constante et les insuffisances alimentaires sont une grande préoccupation, » dit un communiqué de la Croix-Rouge publié par The Independent. Le communiqué indiquait que les restrictions israéliennes étaient la cause « de la détérioration progressive de la sécurité alimentaire pour jusqu’à 70% de la population de Gaza ».

Les Gazans passent d’un canal à l’autre et tournent les boutons des radios, de gauche à droite, car les appels continuent à tomber dans des oreilles de sourds. Ils se demandent pourquoi leur situation si pénible n’est pas traitée avec la même urgence que celle de la piraterie en Mer Rouge ou même celle de l’est du Congo, alors que leur misère dure depuis des générations et ne fait qu’empirer.

Ils passent également par les canaux arabes et s’interrogent sur ce jeu apparemment interminable, alors que Gaza est réduit à une totale désolation. Ils écoutent des responsables du Fatah et du Hamas qui s’invectivent et se combattent à propos de gouvernements sans réalité et de territoires sur lesquels ils n’ont aucune souveraineté. Ils balançent leurs têtes de consternation mais continuent à zapper. Peut-être demain apportera-t-il quelques bonnes nouvelles — pour une fois.

(*) Ramzy Baroud est l’auteur de « The Second palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com »

Site Internet :
www.ramzybaroud.net

Du même auteur :

- L’escroquerie du contrat sécuritaire américano-irakien - 6 décembre 2008
- Les droits des femmes en zones de conflits
- Une troisième Intifada en gestation - 25 novembre 2008
- Economie palestinienne : de pire en pire...
- L’unité palestinienne : possibilité réelle ou simple incantation ? - 20 septembre juillet 2008

27 novembre 2008 - Ramzy Baroud - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.ramzybaroud.net/articles...
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach