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Gaza : le Hamas impose le respect de la trêve
lundi 7 juillet 2008 - Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly
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Mahmoud Al Zahar, un des dirigeants historiques du mouvement Hamas

Mohamed Abu Ermana, porte-parole de l’aile militaire du Fatah à Gaza, a été choqué quand des membres du service de sécurité intérieure du gouvernement d’Ismail Haniyeh lui ont demandé de rendre compte à la police. Il avait le jour précédent déclaré devant les journalistes que le Fatah ne reconnaissait pas la trêve négociée par l’intermédiaire de l’Egypte entre le Hamas et Israël et que [le Fatah] continuerait à tirer des fusées vers Israël. Il est à présent en état d’arrestation.

Il parait étrange que le Hamas emprisonne quelqu’un pour sa participation à des attaques contre Israël. Mais étant donné le rejet exprimé par l’opinion publique palestinienne des attaques de fusées à l’initiative de quelques factions palestiniennes juste après que la trêve soit entrée en vigueur, le gouvernement de Haniyeh s’est apparemment senti dans son droit. Selon une enquête d’opinion conduite par le Centre de Recherche Mustaqbal basé à Gaza, 86% des Palestiniens soutiennent l’accord pour une trêve et plus de 70% se disent en opposition avec les factions qui ont violé l’accord.

Une majorité écrasante de Palestiniens rejette les raisons invoquées par quelques factions pour violer la trêve, particulièrement l’argument selon lequel la trêve serait sans valeur parce qu’elle ne concerne pas la Cisjordanie. Il y a une semaine, je voyageais dans un taxi collectif se rendant à Gaza lorsque sont arrivées les nouvelles disant que des militants palestiniens avaient envoyé des fusées en direction d’une colonie israélienne. Dix autres passagers voyageaient avec moi et tous étaient mis en émoi par ce dqu’ils venaient d’apprendre, craignant que cela ne donne une excuse à Israël pour maintenir le blocus sur Gaza et garder les passages frontaliers fermés. Un passager en particulier était exaspéré. Il a fait une embolie à sa jambe et il doit voyager à l’étranger pour se faire rapidement opérer. Les médecins lui ont dit qu’à moins qu’il ne soit soigné à l’extérieurr, sa jambe pourrait devoir être amputée.

Ghassan Abu Samhah, qui est professeur dans une école au nord de Gaza, explique qu’il ne comprend pas les manières cavalières de quelques groupes palestiniens. « Une résistance peut-elle réussir sans une nation pour la soutenir ? Notre peuple peut-il continuer à vivre sans avoir les moyens d’être fort ? Les gens ont besoin d’un répit, » dit-il. Mahmoud Al-Zahhar, un des premiers responsables du Hamas, dit que le refus de quelques groupes d’appliquer la trêve prouve que « des mains invisibles jouent la politique du pire vis-à-vis de l’unité nationale palestinienne » et que certaines personnes ne veulent pas que les Palestiniens aillent de l’avant vers l’unité et la résistance. Il ajoute que le Hamas était en accord avec le Jihad islamique pour « désarmer et arrêter quiconque romprait la trêve ; et quiconque tire des fusées en ce moment essaye simplement de saboter la résistance. »

Al-Zahhar récuse les accusations selon lesquelles le Hamas jouerait le rôle de policier pour le compte d’Israël. La trêve a été convenue avec le plein accord palestinien au niveau national, dit-il, et le Hamas « a pris en charge le projet de la résistance et l’a suffisamment défendu pour ne recevoir de leçon de personne à cet égard ».

Le Hamas a déjà arrêté plusieurs personnes ayant tiré en direction des passages frontaliers, dans un acte dont la raison, selon Al-Zahhar, est de donner à l’Israël une raison de boucler ces passages. Il avertit que les groupes palestiniens qui ne respectent pas la trêve perdront leur appui populaire. L’exclusion de la Cisjordanie de l’accord de trêve, argumente-t-il, donne à des organisations de la résistance l’opportunité de réaliser des opérations en Cisjordanie. L’aile militaire du Hamas a lancé une attaque contre un groupe de colons en Cisjordanie le premier jour de la trêve, ajoute Al-Zahhar.

D’autres sont en désaccord. « Une trêve obtenue par le biais d’un accord avec l’ennemi est par définition pervertie, parce qu’elle ne fait que donner un répit à l’occupant et incite les gens à penser qu’une trêve est très bien tant qu’elle est mutuelle. Mais aucun groupe de la résistance ne devrait être d’accord pour être traité au même niveau que l’occupant, » explique Jamil Al-Majdalawi, un membre du bureau politique du Front Populaire pour la Libération de la Palestine. Selon Al-Majdalawi, une trêve est seulement acceptable en tant qu’élément d’un accord définitif qui met un terme à l’occupation. Il aurait mieux valu qu’une trêve soit déclarée unilatéralement, argumente-t-il. Et dans ce cas, la résistance aurait conservé le droit de répondre à tous les actes d’agression par l’armée israélienne. En outre, les Palestiniens devraient d’abord résoudre leurs divisions internes puis ensuite seulement considérer un accord avec les israéliens, affirme Al-Majdalawi.

Al-Majdalawi critique également l’exclusion de la Cisjordanie de l’accord. « Cette exclusion donne à Israël carte blanche en Cisjordanie. Elle permet également de représenter la Cisjordanie et Gaza comme deux entités séparées. Etant donné les faits sur le terrain, il est tout à fait inacceptable de dire que les Palestiniens de Cisjordanie devraient continuer à résister seuls. » Gaza, ajoute-t-il, est maintenant à la merci des autorités d’occupation qui menaçent à tout moment de réimposer le blocus.

Ayman Youssef, professeur de Sciences Politiques à l’université américaine de Jénine, estime que la trêve vaut la peine d’être tentée. « La souffrance des Palestiniens dans la bande de Gaza avait atteint des proportions inimaginables et les gens ont besoin de pouvoir souffler, » dit-il. Bien que plusieurs hauts responsables dans le gouvernement d’Olmert aient plaidé contre la trêve, Youssef pense qu’Israël a un intérêt à maintenir la trêve, même si ce n’est que pour obtenir la libération du soldat Gilad Shalit. Il ajoute que le succès de la trêve dépend aussi de la politique israélo-américaines envers l’Iran. « Si lsraël et les Etats-Unis prévoient une action militaire, conjointe ou séparée contre l’Iran, ils voudront que la trêve tienne au moins jusque-là. Ce serait embarrassant pour des régimes arabes collaborant avec les Etats-Unis de voir l’Iran attaqué alors que des affrontements auraient lieu entre Israël et les Palestiniens à Gaza. »

Youssef estime qu’indépendamment des motifs qui sont ceux d’Israël pour signer l’accord pour la trêve, celle-ci est dans l’intérêt national palestinien. Il espère que le Hamas pourra maintenir l’ordre et persuader les autres groupes d’appliquer le cessez-le-feu.

Du même auteur :

- Gaza : le calme avant la tempête ?
- Casser les règles du jeu
- Gaza condamnée à la mort lente
- Gaza : au-delà du désespoir

4 juin 2008 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2008/904...
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach