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Les Etats-Unis et Israël veulent renforcer Abbas face au Hamas
jeudi 4 janvier 2007 - Khalid Amayreh

Dans un contexte où les Etats-Unis sont réellement embourbés en Irak et où le rapport Baker-Hamilton met en avant le rôle central que joue le conflit israélo-palestinien pour faire ou défaire la stabilité dans la région, Israël et l’administration Bush, aussi bien que le premier ministre britannique Tony Blair ont adopté une nouvelle devise : renforcer Abbas contre le Hamas.

Naturellement, la devise n’est pas nouvelle et n’est pas vraiment destinée à trouver une issue au conflit israélo-palestinien apparemment insoluble. Le but principal parait être de soutenir « le camp modéré » (le Fatah) contre les « extrémistes » (le Hamas), en particulier sur les plans financier et militaire.

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Milice du Fatah manifestant à Jénine, le 17 décembre 2006 - Photo : AFP/Saif Dahlah

Dans ce contexte de relance de cette nouvelle et vieille politique consistant à diviser pour régner, le premier ministre israélien Ehud Olmert a accueilli dans sa résidence officielle de Jérusalem le Président de l’Autorité Palestinienne (AP), Mahmoud Abbas.

La réunion, qui a eu lieu le 23 décembre a été précédée de tous préliminaires nécessaires ou inutiles, plaisanteries, embrassades et étreintes, représentant un contraste choquant avec la triste réalité des relations entre Palestiniens et Israéliens, et particulièrement depuis qu’Olmert est arrivé au pouvoir cette année.

En effet, depuis que son parti Kadima a remporté les élections générales au printemps, l’armée israélienne a tué plus de 700 Palestiniens dans la Bande de Gaza et en Cisjordanie, la grande majorité d’entre eux étant d’innocents civils.

Il faut également compter la destruction éhontée des routes, des bâtiments, de l’infrastructure civile essentielle aussi bien que le blocus étouffant imposé par Israël et les Etats-Unis sur la Cisjordanie et Gaza et qui a poussé la majorité des Palestiniens au bord de la famine.

"Concessions" israéliennes ?

Néanmoins, et comme c’est souvent le cas dans cette partie du monde, la cordialité était artificielle et avait pour objectif de créer une atmosphère positive qui pourrait arranger ceux qui tirent les ficelles à partir de pays importants, dont George Bush et Tony Blair qui avaient insisté auprès d’Olmert pour que celui-ci fasse preuve de « générosité » envers le faible mais combien « essentiel » chef palestinien.

C’est ainsi qu’Olmert a finalement été obligé, mais de la façon parcimonieuse caractéristique des israéliens, de lâcher 100 millions de dollars sur l’ensemble des revenus liés aux taxes perçues et « confisqués », bloqués par Israël afin d’étrangler le gouvernement dirigé par le Hamas et punir les Palestiniens pour avoir placé ce parti au pouvoir.

Il y avait un plus : Olmert a accepté de lever 27 barrages de route sur les 700 « points d’humiliation, » comme les Palestiniens les appellent, parsemant la carte de la Cisjordanie.

Ces barrages de route sinistres, où les Palestiniens sont systématiquement humiliés, tourmentés et de temps à autre tués par les soldats talmudistes israéliens qui considèrent les non-juifs comme des êtres inférieurs ou même comme de simples animaux, sont les principaux moyens pour brutaliser les Palestiniens et leur faire subir de mauvais traitements.

Le gouvernement israélien espère, au-delà de la naïveté ou de l’arrogance, ou des deux à la fois, que le retrait progressif de 3 ou 4% de ces barrages détestables renforcera la position d’Abbas parmi ses concitoyens et incitera ceux-ci à se féliciter de sa conduite et de son sens politique, comme l’ont fait récemment les Américains après qu’il ait critiqué le Hamas et réclamé des élections anticipées.

En fait, les Israéliens, et à un moindre degré les Américains et les Européens, se félicitent déjà de cette « magnanimité israélienne » (couplée au frein que les israéliens s’imposent en ce moment dans Gaza) coïncidant avec la saison des fêtes et des vacances juives, chrétiennes et musulmanes.

Mais de quelles magnanimité et générosité parlent-ils ? Un chauffeur de taxi palestinien m’a expliqué que « ce serait une insulte au langage que d’appeler concession le retour d’Israël de cent millions de dollars d’argent palestinien. »

« Si un voleur vole vous vole mille dollars, et puis qu’après des négociations laborieuses, il accepte de vous rendre cent dollars, est-ce que ce serait considéré comme une concession de la part du voleur, » m’a rétorqué ce simple travailleur.

La brigade Bader

Les efforts pour renforcer Abbas contre le Hamas se sont poursuivis ailleurs dans la région, notamment en Jordanie où les « représentants » américains et européens ont visité un camp d’entraînement de la « brigade Bader, » une force réduite et en grande partie statique et inefficace de quelques centaines de soldats présentés comme « l’Armée de Libération de la Palestine. »

Les Etats-Unis et Israël ont permis à Abbas de faire entrer ces soldats dans la Bande de Gaza dans le but de consolider « les forces du Fatah » contre le Hamas. Abbas a accepté en silence.

Cependant, les familles des soldats devront rester en Jordanie et les soldats eux-mêmes devront retourner chez eux en Jordanie après « avoir mené à bien leur mission ».

C’est vraiment une étrange ironie qui refléte le triste état de la réalité arabe contemporaine qu’une petite et symbolique force militaire, portant le nom d’ « Armée de Libération de la Palestine » et dont la raison d’être serait la libération de la Palestine, pourrait être maintenant déployée dans Gaza à la demande d’Israël et des Etats-Unis, non pas pour libérer la Palestine mais pour combattre leurs camarades Palestiniens dont le but est justement la libération de la Palestine.

Il n’y a aucun doute que la vaste majorité des Palestiniens regardent tout cela avec une mélange d’embarras et de désespoir. En réalité, la plupart des Palestiniens considèrent positivement le retour d’une partie de leur argent volé par Israël ainsi que le retrait de quelques barrages de route israéliens.
Il est cependant tout à fait clair que la majorité des gens considèrent ces petites étapes juste comme des astuces de relations publiques visant à rendre plus présentable une réalité très triste.

Nouvelle confiscation de terre palestinienne

Inutile de dire que ce sentiment est en grande partie justifié. Rien que cette semaine, le gouvernement israélien a décidé de confisquer plusieurs kilomètres carrés de terre palestinienne autour de la colonie juive de Maali Adomim, 10 kilomètres à l’est de Jérusalem.

Ce nouveau vol de terre, qui séparerait complètement la région méridionale de la Cisjordanie (les régions de Bethlehem et d’Hebron) du reste du territoire occupé, peut difficilement être pris pour un geste de bonne volonté à l’égard d’Abbas.

Ce vol prouve que l’Amérique et Israël ne sont pas intéressés par une véritable paix dans la région, mais ont plutôt l’idée de renforçer Abbas [âgé de 72 ans], pour lui permettre de brader la cause palestinienne devant son peuple.

Cette braderie prendrait la forme d’un état palestinien provisoire avec des frontières provisoires et tout le reste également provisoire, en reprenant les mots d’un responsable contrarié du Fatah.

Et l’espoir des Etats-Unis et d’Israël, ou plus correctement leur souhait, est que les « Palestiniens », comme par exemple Abbas, admettent cet arrangement ; la question palestinienne tombera alors dans l’oubli, particulièrement si les Etats-Unis, l’Europe et leurs alliés arabes injectent des milliards dollars ou d’euros dans l’économie palestinienne virtuellement décimée. De cette façon, d’après les calculs américains, les Palestiniens seraient incités à oublier Jérusalem, les colonies, les réfugiés et même Dieu.

Mais ceci n’est rien de moins qu’un souhait morbide. Il n’y a aucun doute que quelques Palestiniens iraient chercher « n’importe quoi » tant qu’ils bénéficieraient d’une vie plus facile et plus heureuse. Mais il s’agit d’une minorité infime et considérée par la vaste partie de la population comme des parasites et des agents américains.

Même les Israéliens se rendent compte de ce fait. Plus tôt cette semaine, le responsable du Shin Beth, Youval Diskin a indiqué au cabinet ministériel israélien que si des élections sont tenues dans les Territoires Palestiniens Occupés, les chances de gagner pour le Fatah seraient près de zéro.

C’est probablement l’une des principales raisons qui fait qu’Abbas est peu disposé à donner une date pour l’élection présidentielle et les élections législatives qu’il dit vouloir organiser.

Invitation à Amman

Néanmoins, et en dépit du fossé entre le Hamas et le Fatah, le roi Abdullah de Jordanie a invité Abbas et le premier ministre Ismaël Haniya à Amman, apparemment afin d’obtenir qu’ils acceptent de former un gouvernement d’unité nationale.

Abdullah, probablement l’ « ami » le plus proche des Etats-Unis dans le monde arabe (la Jordanie a été un relais important pour les vols secrets organisés par la CIA), s’inquiète apparemment du fait que les affrontements inter-Palestiniens puissent dégénérer en Jordanie, où une grande partie des citoyens Palestinien et Jordaniens soutiennent le Hamas.

La Jordanie a toujours adopté une posture plus ou moins hostile vis-à-vis du Hamas, principalement pour des raisons politiques étant donné que l’opposition politique principale en Jordanie vient de la confrérie musulmane dont le Hamas représente le volet palestinien.

Cependant, le roi de Jordanie semble avoir compris qu’il était futile de vouloir ignorer le Hamas. Par conséquent, l’invitation est susceptible d’avoir été coordonnée avec les Israéliens et les Américains.

1° janvier 2007 - Palestine Times - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.ptimes.org/Main/default....


Traduction : Claude Zurbach