Fermer la page
www.info-palestine.net
Les hommes d’affaires palestiniens s’activent en dépit de l’occupation et du siège
mardi 10 juin 2008 - Ma’an News Agency
JPEG - 31.5 ko
Le siège de la conférence à Béthlehem - Photo : MaanImages/Luay Sababa

Ma’an s’est entretenu avec quatre hommes d’affaires à l’occasion de la Conférence d’Investissement pour la Palestine à Bethlehem cette semaine [mercredi 21 mai]. Plus de 1000 personnes ont assisté à cette réunion organisée pour réunir les capitaux nécessaires à des projets du secteur privé en Cisjordanie, à Gaza, et à Jérusalem.

Même ceux venus de la bande de Gaza soumise au blocus israélien étaient optimistes, disant pouvoir maintenir leurs entreprises même dans les circonstances présentes, et les développer lorsque les frontières seront ouvertes et les barrages levés.

Comme d’autres secteurs de la société palestinienne, les personnes avec qui Ma’an a discuté sont déterminées à rester en Palestine et refusent que la brutale occupation israélienne les effacent de la carte sans réaction de leur part.

Nasser ElHelo - Gaza - « Le peuple est notre plus grand capital »

Nasser ElHelo, un entrepreneur de la ville de Gaza, a quitté Gaza pour la première fois depuis décembre 2007 pour participer à la conférence. Il a dit avoir apprécié de pouvoir bien manger à l’extérieur de sa région d’origine sous blocus (« Sans plaisanter, mon poids a augmenté de deux kilos en quatre jours »), de rendre visite à de vieux amis et d’avoir des contacts pour affaires. ElHelo possède plusieurs affaires familiales : une fabrication de portes en acier de haute sécurité, une entreprise pharmaceutique, et une compagnie d’importation de produits alimentaires. Ses entreprises ont également des succursales en Cisjordanie dans Ramallah.

ElHelo a été contraint de licencier 40 de ses 75 employés à Gaza, et il en recrute d’autres en Cisjordanie pour compenser ces licenciements.

« En raison du siège contre Gaza, » explique-t-il, « nous déplaçons de plus en plus nos activités en Cisjordanie. Là nous investissons pour un véritable enjeu, nous construisons une grande implantation pour notre compagnie. Nous augmenterons notre investissement en Cisjordanie jusqu’à ce que le siège de Gaza soit levé, puis nous développerons à nouveau nos activités à Gaza. Et en ce qui concerne Gaza, il n’y aura pas toujours un blocus, aussi nous prévoyons que ce siège sera bientôt levé. Et une grande porte sur le monde Arabe sera ouverte par Rafah, et alors nous redéploierons nos moyens à Gaza. »

ElHelo témoigne que le blocus actuel de Gaza est pire que les fermetures du passé : « Lors des fermetures passées Israël s’engageait, relativement, à permettre ... aux produits à but humanitaire d’entrer dans Gaza, et [autorisait] des exportations. Mais aujourd’hui, avec le siège qui dure depuis 11 mois, ils ne distinguent pas les biens à but humanitaire et non-humanitaire... Nous faisons face à ce problème par exemple pour l’importation d’eau minérale. Il n’y a pas une bouteille d’eau minérale à Gaza. Ce produit est utilisé pour faire le lait du bébé avec de la poudre. Il est interdit depuis juin 2007. C’est un problème pour la santé des enfants en bas âge. »

Interrogé pour savoir s’il pensait que la bande de Gaza se séparait de plus en plus de la Cisjordanie, il a répondu : « Effectivement oui. Physiquement les gens ne peuvent pas sortir de Gaza, et personne ne peut rendre visite à quiconque dans Gaza, et les gens à Gaza souffrent des pressions et agressions israéliennes, aussi les gens sont focalisés sur d’autres questions que continuer à voir des amis et des parents en Cisjordanie et à l’extérieur [des Territoires Occupés. »

Mais ElHelo était plein d’espoir pour une reprise économique dans la bande de Gaza : « À Gaza, le siège affecte l’économie, mais ceci ne durera pas éternellement. Les ressources humaines sont toujours là, à Gaza et en Cisjordanie. Je crois que le capital de la Palestine, ce n’est ni du pétrole ni de l’or, mais ses atouts humains.
« Le capital, l’ argent peuvent être prêtés depuis n’importe quelle partie du monde. Des machines peuvent être importées. Des matières premières peuvent également être importées, mais les capitaux humains, ce n’est pas aussi aisé. Et il est là, à Gaza.

« Nous nous attendons, à Gaza, à ce que la frontière de Rafah soit tôt ou tard ouverte. Alors une porte vers le monde, sans interruptions à cause des Israéliens, sera disponible. Ce futur est proche, et les opportunités accumulées à Gaza seront alors libérées. »

Ziad Al-Tawil - Ramallah - « Nous ne pouvons pas attendre pour développer notre pays »

Ziad Al-Tawil est le directeur financier de la « Salaw Food Company » basée à Ramallah, une société qui exporte de la viande en conserve vers d’autres pays arabes tels que l’Arabie Saoudite, l’Algérie, et le Yémen.

Lorsque nous l’avons questionné pour savoir si, selon lui, l’investissement venant de l’étranger permettrait de surmonter l’occupation, il a répondu : « Je pense que ceci dépend de l’Autorité Palestinienne. Si l’investissement vient d’en dehors, d’autres investisseurs de l’extérieur seront encouragés pour venir dans notre pays. »

« Nous devons survivre ici, nous devrons trouver de nouvelles occasions, de nouveaux investissements, » a-t-il ajouté. « Nous vivons sous occupation depuis 60 ans. Si nous attendons jusqu’à ce qu’il n’y ait aucun obstacle et aucune occupation pour améliorer notre situation, nous ne ferons rien. Ainsi nous devons faire tout ce qui permettra de développer notre pays pour voir comment nous pouvons surmonter l’occupation, » dit-il encore.

Rahjat Al Wadia - « Nous n’arrivions pas à croire que nous étions sortis de Gaza »

Rahjat Al-Wadia, un homme trés grand portant un costume gris, est venu à Bethlehem depuis Gaza à la recherche d’investissements pour une nouvelle compagnie spécialisée en impression numérique et qu’il espère pouvoir ouvrir. Il n’avait pas quitté Gaza depuis 3 ans.

Il sourit largement en racontant la façon dont lui-même et les autres gazouites ont obtenu des permis de sortie pour assister à la conférence. « Quand on nous a fait savoir que nos autorisations étaient prêtes, cela nous a beaucoup étonnés. Nous ne pensions pas pouvoir sortir de Gaza pour aller à la conférence. »

« Il n’y a aucun service d’impression numérique à Gaza ; nous essayons de développer ce secteur. Nous espérons réussir en trouvant l’appui et les fonds nécessaires pour ce projet. »

A la fin du second jour de la conférence, Al-Wadia a expliqué qu’aucun investisseur n’avait placé de fonds dans le projet, mais que certains d’entre eux avaient montré de l’intérêt.

Toute la famille d’Al-Wadia est à Gaza, mais il était heureux de retrouver ses anciens amis à l’occasion de la réunion, dont certains qu’il n’avait pas vus depuis cinq ans, bien qu’ils ne soient qu’à deux heures de Gaza depuis la Cisjordanie. La vie dans Gaza est morne, dit-il : « Nous n’avons rien. Vous n’avez pas de gaz pour préparer vos repas. Vous n’avez pas d’essence pour votre voiture. La situation à Gaza est très mauvaise. Nous espérons que peut-être prochainement elle s’améliorera, mais pour l’instant elle est très mauvaise. »

Interrogé pour savoir si les dollars étrangers pouvaient servir à aider l’économie de Gaza même si le blocus israélien se poursuivait, il répond : « Ce sera très difficile, mais nous espérons que monsieur Abu Mazen, notre président, et monsieur Salam Fayyad, le premier ministre, aiderons à résoudre le problème. »

Haitham Abu Shaaba - « L’unité est notre seul espoir »

S’exprimant dans un anglais fluide et avec des termes techniques, l’investisseur de Gaza, Haitham Abu Shaaba nous fixe à travers ses lunettes et explique pourquoi il est persuadé que Gaza rebondira bientôt.

La division actuelle entre Gaza et la Cisjordanie est « provisoire. Ce qu’il y a, c’est que les soucis quotidiens dans Gaza sont différents des soucis quotidiens de la personne qui vit en Cisjordanie. Mais... il y a une grande volonté de la part des gens de revenir à la situation d’avant. Et je suis sûr que le conflit politique va se résoudre dans les prochains mois. Cela a été répété dans différentes interventions durant la conférence. »

« C’est notre seul espoir, » ajoute-t-il, « nous ne voulons pas un Etat du Hamas et nous ne voulons pas un Etat du Fatah. Nous voulons un Etat palestinien avec un gouvernement et un président. »

En attendant, explique Abu Shaaba, « la vie à Gaza est très difficile. Ce qui se produit est que chacun régresse de deux ou trois niveaux en termes de travail au jour le jour. Au lieu de réfléchir à des stratégies et concepts de développement des affaires et de leur réalisation dans une structure [institution ou entreprise], vous pensez aujourd’hui à la maintenance et à l ?approvisionnement en carburant tout en minimiser les heures de travail. Cela fait partie de nos responsabilités, mais c’est le côté déplaisant du travail. »

« Cependant, la volonté de rester à Gaza pour les entreprises existantes est réelle. Nous avons noté que pendant la conférence beaucoup d’investisseurs de Cisjordanie et étrangers ont exploré des potentialités de projets dans Gaza. Leur principale préoccupation est : ?y a-t-il un quelconque espoir ?’ Et nous leur avons dit que ?si nous sommes ici, c’est qu’il y a de l’espoir.’ Nous sommes venus parce qu’il y a un espoir. Ceci a été vraiment bien mis en avant parce que nous avons réussi à présenter Gaza comme lieu d’investissement prêt à se lancer dès que les conditions politiques le permettront. »

Anan Anabtawi - Naplouse

Anan Anabtawi, directeur de la compagnie « NABCO National Aluminium Profile » basée à Naplouse est à la recherche de 4 millions de dollars pour développer son usine, la plus grande entreprise industrielle dans les territoires palestiniens, qui fait vivre 125 employés et dispose de cinq chaînes de production.

« Au cours des années nous avons rencontré deux problèmes, » dit-il, « un problème majeur est qu’une de nos chaînes de production d’une valeur 6 millions de dollars a été arrêtée par les israéliens en 2000 suite à une interdiction soudaine d’une matière première qui est l’acide phosphorique dans des concentrations élevées nécessaire à la production. Les israéliens ont prétexté des problèmes de sécurité et prétendent que cette matière première pourrait être employée pour des explosifs, ce qui est tout à fait vrai en termes de chimie mais il en faut de grandes quantités pour produire des explosifs. Vous avez besoin de laboratoires spéciaux et c’est quelque chose que nous n’avons pas en Palestine. »

« Depuis l’année 2000 la ligne de production a été arrêté et nous avons perdu 60% de notre part de marché. Maintenant après toutes ces années nous avons mis au point une formule chimique qui nous permet de produire avec les mêmes matières premières, mais avec une concentration inférieure. Cette façon de faire exige que nous utilisions 6 fois la quantité requise par rapport à un produit de concentration plus élevée mais la chose positive est nous allons faire breveter cette formule chimique parce que personne dans le monde n’emploie ce type de production avec cette concentration inférieure et nous allons regagner 60% de nos ventes. Cela signifie que nous allons devoir employer au moins 80 techniciens et ingénieurs supplémentaires d’ici la fin 2008. »

Interrogé sur ce qu’il espérait voir sortir de la conférence, il répond : « Je pense que la conférence fournira des exemples montrant que la Palestine est un endroit pour investir, en même temps qu’elle montrera que le secteur privé palestinien a des problèmes techniques sur le terrain. En dépit de tout cela nous fournissons des exemples de succès. »

« Il est frappant que tout le monde craint de venir en Palestine, d’y investir et d’y avoir des associés à cause de tout ce que l’on entend dans les médias au sujet de la Palestine. A présent ils peuvent constater qu’ils ont des partenaires de même niveau en Palestine, des gens désireux de travailler et qui sont des professionnels, » ajoute-t-il.

Dans l’espoir de trouver des investisseurs à la conférence, Anabtawi a indiqué qu’ils avaient commencé à restructurer la compagnie NABCO et à se préparer pour de nouveaux associés. Il est à la recherche de 4 millions de dollars. Pour l’instant il n’y a eu aucune promesses - « Ceci prouve que les Palestiniens sont également des gens qui savent prendre des risque et qui sont déterminés à investir en Palestine plutôt que n’importe où ailleurs. »

« Au lieu de dire que nous rencontrons des obstacles en raison des points de contrôle, nous disons que nous accomplissons des progrès en dépit de tous les difficultés que nous avons en Palestine. Si les conditions étaient meilleures, nous accomplirions tellement plus de progrès. »

« Naturellement nous avons des problèmes logistiques, nous avons des problèmes d’importation, nous avons des problèmes de concurrence inégale en raison du manque de protection du marché que nous avons en Palestine. Et parfois nous perdons notre avantage parce que nous ne contrôlons pas nos frontières. Les importateurs israéliens et palestiniens importent des marchandises de l’extérieur. Ils les obtiennent par les frontières israéliennes et les Israéliens ne veulent pas vraiment laisser passer des marchandises qui sont parfois à moindre coût juste parce qu’elles ne sont pas pour le marché israélien. Tant que c’est pour le marché de la Cisjordanie et de Gaza ils ne s’en soucient pas vraiment. Ainsi est perdu l’avantage concurrentiel parce qu’une qualité inférieure signifierait un prix inférieur. » [En fait les Israéliens empêchent par ce biais les entreprises palestiniennes de produire à moindre coût et à ainsi concurrencer les produits manufacturés en Israël et à coût plus élevés -N.d.T].

Anabtawi envoie ce message aux investisseurs potentiels : « S’ils veulent vraiment investir en Palestine, la seule manière de faire est de travailler avec les hommes d’affaires palestiniens, avec des entreprises solides qui sont sur place. La deuxième chose est, je pense, que la majeure partie de la vraie raison pour venir en Palestine est la sympathie à l’égard des Palestiniens. C’est une façon de contribuer au développement de l’économie palestinienne. Si vous voulez construire une économie pour un Etat, ce doit être en premier avec l’industrie et puis avec un État indépendant. Puisqu’un État indépendant ne peut être mis en place qu’avec le soutien d’une industrie solide construite localement. »

Sur le même thème :

- Conférence de Bethlehem : investir à l’ombre de la colonisation
- Conférence Palestinienne d’Investissement : réalités et perspectives
- Conférence de Bethléhem : développement ou normalisation ?

22 mai 2008 - Ma’an News Agency - Vous pouvez consulter cet article à : http://www.maannews.net/en/index.ph...
Traduction de l’anglais : Nazim