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Si le Kosovo peut être indépendant, alors pourquoi pas la Palestine ?
jeudi 21 février 2008 - John V. Whitbeck - Arab News

Comme prévu, le Kosovo a proclamé unilatéralement son indépendance et les Etats Unis ainsi que la plupart des pays de l’Union Européenne avec lesquels cette déclaration a été coordonnée, ont rapidement apporté une reconnaissance diplomatique à ce « nouveau pays », une action qui devrait impressionner toute personne attachée à la loi internationale, et, avec raison, être considérée comme extraordinairement téméraire.

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Paysans kosovars - Photo : AP

Les conséquences potentiellement déstabilisantes de ce précédent ( que les USA et l’UE bizarrement estiment qu’il ne faut pas voir comme un précédent) ont été beaucoup discutés en se référant à d’autres portions malheureuses d’états souverains reconnus internationalement, états avec de forts mouvements séparatistes qui pratiquent une auto-détermination précaire mais efficace comme l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud, la Transnistrie, le Ngorno-Karabakh, la république serbe de Bosnie, la Chypre Nord de la république turque et le Kurdistan iraquien ainsi que d’autres minorités mécontentes ailleurs dans le monde. Une de ces conséquences potentiellement constructive n’a pas encore été discutée.

L’impatience américaine et européenne à découper une portion d’un membre des Nations Unies (reconnue universellement, même par eux, et qui constitue une portion du territoire souverain de cet état), en apparence parce que 90% de ceux vivant dans cette portion du territoire de l’état soutiennent la séparation, cette impatience donc contraste grandement avec la patience sans limites des USA et de l’Union Européenne quand il s’agit de mettre fin à l’occupation belligérante de 40 ans de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza (aucune de ces portions n’est reconnue par quelque pays que ce soit comme faisant partie du territoire souverain d’Israël et au quel Israël a même proclamé une souveraineté sur une petite portion de la Jérusalem Est occupée). Chaque habitant légal de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza cherche de fait la liberté et cela depuis 40 ans. Et à cause de cela, ils sont punis, sanctionnés, assiégés, humiliés et, jour après jour, tués par ceux-là même qui prétendent avoir un haut niveau de moralité.

Aux yeux des américains et des européens, une déclaration d’indépendance kosovare de la souveraineté serbe doit être reconnue même si la Serbie n’est pas d’accord. Mais leur attitude a été radicalement différente quand la Palestine a déclaré le 15 novembre 1988 son indépendance vis-à-vis de l’occupation israélienne. Les Etats-Unis et les pays européens (qui, à leurs yeux, constituent à eux seuls la « communauté internationale » à l’exclusion d’une grande partie de l’espèce humaine) ont été à ce moment là remarquablement absents alors que plus de 100 pays avaient reconnu le nouvel état de Palestine. Leur non-reconnaissance a rendu cette déclaration d’indépendance purement symbolique à leurs yeux et malheureusement également aux yeux de la plupart des autres pays y compris la Palestine.

Pour les Etats-Unis et l’Union Européenne, pour qu’une déclaration d’indépendance palestinienne soit reconnue et effective, elle doit être négociée sur une base bilatérale inégale entre la puissance occupante et le peuple occupé et la puissance occupante doit être d’accord. Pour les Etats-Unis et l’Union Européenne, les droits et les désirs d’un peuple souffrant et brutalisé depuis longtemps ainsi que la loi internationale, sont hors de propos.

Pour les Etats-Unis et l’Union Européenne, les Albanais Kosovars ayant joui de près de 9 années d’administration onusienne et de la protection de l’OTAN, ne peuvent pas attendre plus longtemps pour acquérir leur liberté alors que les Palestiniens, qui subissent plus de 40 années d’occupation, peuvent attendre éternellement.

Avec le « processus d’Annapolis » ne menant à rien comme cela avait clairement été prévu dès le début par les Israéliens et les Américains, le précédent du Kosovo offre à la direction palestinienne basée à Ramallah (acceptée comme telle par la « communauté internationale » car elle est perçue comme servant les intérêts israéliens et américains), une opportunité en or pour saisir cette initiative, remettre l’agenda et restaurer sa réputation ternie aux yeux de son propre peuple.

Si cette direction croit vraiment, malgré toutes les preuves du contraire, qu’une « solution de deux états » décente soit encore possible, c’est maintenant le moment idéal pour réaffirmer l’existence légale de l’état de Palestine (bien que toujours sous une occupation belligérante) dans les explicitement 22% de la Palestine mandataire qui n’a pas été conquise et occupée par l’ état d’Israël jusqu’en 1967 et de demander à tous les pays qui n’avaient pas accordé en 1988 une reconnaissance diplomatique à l’état de la Palestine (particulièrement les Etats-Unis et l’Union Européenne) de le reconnaître maintenant.

La direction Kosovar Albanaise a promis de protéger la minorité serbe du Kosovo, minorité prise de peur et qu’on s’attend à voir fuir. La direction palestinienne pourrait promettre d’accorder une période de temps généreuse aux colons israéliens vivant illégalement dans l’état de Palestine et aux forces d’occupation israéliennes de se retirer tout en envisageant une union économique avec Israël : des frontières ouvertes et un statut de résident permanent pour ceux des colons qui accepteraient de vivre en paix sous un gouvernement palestinien.

Pour éviter bien sûr que les Etats-Unis et l’Union Européenne considèrent cette initiative comme une plaisanterie, il faudra qu’il y ait des conséquences significatives et explicites au cas où ces pays se comporteraient ainsi. Une des conséquences serait la fin de l’illusion d’une solution de « deux états ».

La direction palestinienne ferait clairement savoir que si les USA et l’UE, ayant juste reconnu un deuxième état albanais dans le territoire souverain d’un état membre des Nations Unies, refusent de reconnaître maintenant un état palestinien dans une toute petite portion de la patrie palestinienne occupée, elle dissoudra l’Autorité Palestinienne (qui du point de vue légal aurait dû cesser d’exister en 1999 à la fin de la période intérimaire de 5 ans selon les accords d’Oslo) et le peuple palestinien cherchera dès lors la justice et la liberté à travers la démocratie en recherchant de façon persistante et non violente les pleins droits de citoyenneté dans un seul état : Israël/Palestine, libre de toute discrimination basée sur la race et la religion, avec les mêmes droits pour tous ceux qui y vivent comme dans toute démocratie.

La direction palestinienne a toléré l’hypocrisie et le racisme occidental et a joué le rôle de d’imbéciles crédules trop longtemps. Il est temps de donner un coup de pied de manière constructive et de secouer la « communauté internationale » pour qu’elle réalise enfin que le peuple palestinien ne va pas tolérer plus longtemps les injustices et les abus intolérables.

Si pas maintenant, alors quand ?

*John V. Whitbeck est un avocat international qui a conseillé l’équipe de négociations palestinienne avec Israël.

Du même auteur :

- Sionisme : sur « le droit d’Israël d’exister »

19 février 2008 - Arab news - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.arabnews.com/?page=7&amp...
Traduction : Ana Cléja