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La C.I.J doit juger les criminels ignorés par la Commission Winograd
dimanche 17 février 2008 - Michel Warschawski - AIC
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Il est possible de tirer des enseignements de la jurisprudence de Nuremberg relative à la responsabilité des organes juridiques ou assimilés.




La Commission Winograd a terminé ses travaux et présenté ses conclusions le 30 janvier. Elle a imputé l’entière responsabilité de l’échec au Liban à l’armée et, contrairement à la plupart des auteurs en Israël, j’ai trouvé un certain réconfort dans cette approche : dans un Etat où l’armée constitue un type d’autorité dominant et un corps autonome, souvent supérieur à la Knesset et au gouvernement, et qui met ce dernier face à ses propres choix pour ses actions sur le terrain, elle doit assumer ses responsabilités et pas seulement dans les succès mais aussi dans les échecs. Rien, bien sûr, ne doit exonérer le niveau politique de sa responsabilité car il a été élu pour prendre la responsabilité du gouvernement de l’Etat, y compris dans les domaines où l’armée n’agit pas comme il le souhaiterait.

Cependant, ce qui m’a outré à la lecture des 600 pages du rapport Winograd, c’est l’absence totale de référence à la question primordiale qui aurait dû être examinée dans cette enquête sur cette seconde guerre du Liban : les crimes de guerre et les violations systématiques du droit international pour tout ce qui concerne la défense des civils en temps de guerre. Cette carence rend les membres de la pas si respectable Commission Winograd co-responsables de ces crimes de guerre. A partir de là, il nous faut tirer deux conclusions tangibles.

La première, c’est que la Cour internationale de Justice de La Haye doit être saisie. Le droit international fait obligation aux Etats de juger les individus accusés de crimes de guerre, et si ces Etats ne s’en acquittent pas, l’affaire doit être portée devant une juridiction internationale. Si la Commission Winograd a agi dans le cadre de son mandat tel que limité par le gouvernement qui l’a désignée, elle a néanmoins failli en sa qualité d’organe dont la responsabilité impliquait d’examiner la question des droits humains et les présomptions sérieuses sur les crimes de guerre commis par l’armée israélienne au Liban. L’Etat libanais, comme tout autre Etat ayant directement ou indirectement subi des dommages par la guerre du Liban, est par conséquent tenu d’exiger que les gens suspectés de crimes de guerre et qui n’ont pas été jugés dans leur propre pays soient déférés devant une cour internationale.

La deuxième conclusion est tirée de l’esprit des procès de Nuremberg, où l’on a estimé que les juges qui avaient considéré que ne constituaient aucune faute les crimes perpétrés par le régime nazi devaient être également inculpés, et plusieurs d’entre eux ont même été jugés pour crimes de guerre. Sans mettre évidemment sur le même plan les crimes nazis et les crimes de guerre de l’armée israélienne au Liban (qui comprennent, ne l’oublions pas, des bombardements de population civile, des destructions importantes de villages entiers dans le Sud Liban, l’arrêt de l’électricité pour la population civile de Beyrouth et au-delà), il est possible de tirer des enseignements de la jurisprudence de Nuremberg relative à la responsabilité des organes juridiques ou assimilés.

Il apparaît que le juge Winograd, l’éternel postulant à la Haute Cour, Ruth Gavison, et les autres membres de la Commission peuvent, tous, être accusés au moins d’avoir fermé les yeux sur les crimes de guerre, et moi (qui ai été condamné à 30 mois de prisons pour avoir fermé les yeux), je sais qu’en vertu de la loi telle qu’elle est appliquée dans notre région, fermer les yeux est considéré comme une transgression de la loi. Je ne sais pas si la loi internationale applicable par le tribunal de La Haye stipule que « fermer les yeux » constitue un motif de condamnation, je préconise donc de s’en remettre à l’appréciation des juges de la Cour internationale de Justice. J’espère qu’ils auront à juger les crimes de guerres israéliens au Liban, y compris de la responsabilité de ceux qui n’ont pas trouvé opportun de les traiter dans leur rapport d’enquête.

Michel Warschawski est journaliste et écrivain. Fondateur du Centre d’information alternative (AIC) en Israël, il est l’un des représentants du courant radical antisioniste en Israël. Parmi ses livres : Sur la frontière (Stock - 2002), A tombeau ouvert - la crise de la société israélienne (La Fabrique - 2003), A contre ch ?ur (Textuel - 2003).

Du même auteur :

- "En Israël ou à La Haye, Ehud Barak doit être jugé !" - 1er février 2008.

- "Pourquoi devrions-nous soutenir l’Autorité palestinienne ?" - 23 janvier 2008.

12 février 2008 - Alternative Information Center - traduction : JPP