J’écris ce papier avec des larmes qui me tombent des yeux. Vous savez que je suis Palestinien, vous devez savoir que mes amis de Cisjordanie sont Palestiniens aussi. Mais vous devez aussi savoir que nous n’avons jamais pu nous voir. Vous savez que nous sommes du même pays, mais nous ne nous sommes jamais rencontrés. Et vous savez que nous n’avons pu que nous parler au téléphone.
J’espère que vous savez aussi que nous avons eu ces deux dernières années pour nous connaître et devenir amis, et vous savez que nous avons publié de nombreux articles pour IMEMC. Vous savez que nous avons souri, pleuré et poussé des ouf de soulagement ensemble.
Mais aujourd’hui, je pleure seul, vous savez. Mes amis de Beit Sahour, Saed et Jenka (une Américaine très bonne), partent pour les States où Jenka habite. Le jeune couple a décidé de quitter la Palestine, recherchant une nouvelle vie, une vie avec aucune occupation militaire, aucun mur d’apartheid, aucun check-point, aucune route de contournement, aucune restriction sur les routes.
Saed, Jenka et Rami (moi), nous ne nous sommes jamais vus en personne ni réunis depuis que nous avons commencé à travailler ensemble il y a deux ans, quoique nous vivons dans le même pays (la Palestine). Mais malheureusement pour notre amitié, le jeune couple est basé en Cisjordanie et moi, Rami Almeghari, suis basé dans la Bande de Gaza.
Vous pourriez nous demander : pourquoi ne vous êtes vous jamais rencontrés ? Assurément, vous auriez pu vous déplacer en voiture, par car ou par train ou même par avion, ainsi vous auriez pu vous rencontrer, la distance entre la Cisjordanie et la Bande de Gaza n’est pas grande du tout. Je vous répondrais très simplement : non, ni moi ni mes amis n’avons pu faire ça. Pas parce que nous vivons dans un désert, non. La Palestine est un endroit magnifique, avec un beau paysage, une belle plage et de jolies montagnes avec de la neige.
Il pourrait vous venir à l’esprit que peut-être nous n’avons pas eu les moyens d’acheter nos billets pour voyager, je vous répondrais seulement : non, là non plus, ce n’est pas le cas.
Mais alors, quel a été votre problème ? demandez-vous. Je réponds encore tout simplement : le problème est l’occupation israélienne qui s’est retirée de la Bande de Gaza unilatéralement et est restée omniprésente à tous les passages de la frontière, contrôlant tous les déplacements, même d’un objet tout simple, même celui d’un chat.
Je suis coincé dans la plus grande prison du monde pendant que mes amis sont encerclés par un mur d’apartheid qui est équipé de caméras de surveillance, aussi ils ne peuvent pas circuler même dans les villes voisines en Cisjordanie, à moins de passer des heures à attendre pour traverser les check-points militaires israéliens.
Pour moi en tant que Gazan, mes déplacements vers l’autre partie des Territoires occupés (la Cisjordanie) sont extrêmement limités à cause des règlements militaires et des mesures de sécurité des autorités israéliennes. Vous savez, la seule sortie que je pourrais vraisemblablement empruntée pour aller à Beit Sahour en Cisjordanie serait le check-point d’Erez, ce qui me ferait traverser ensuite le territoire israélien, quelque chose que peu de Gazans ont obtenu la permission de faire. Erez, qui était très fréquenté comme passage commercial et de voyageurs, est devenu cette année un passage pour les seules urgences médicales qui doivent se rendre de la Bande de Gaza dans les hôpitaux israéliens (et même ces cas précis sont sévèrement restreints). J’habite dans une grande prison humaine. Pas seulement moi, mais aussi toute la population de Gaza qu’on dénombre à 1,4 million de personnes.
Ce soir, j’ai dû me servir d’un téléphone pour dire adieu à mes bons amis en Cisjordanie, et je ne sais pas si même le téléphone n’est pas contrôlé aussi par les autorités de l’occupation israélienne. Mais ne vous inquiétez pas, s’il vous plaît, ne vous inquiétez pas. Saed et moi avons imaginé que nous nous serrions la main et que nous nous étreignions. Vous pouvez le demander à Saed.
Gaza, exclusif pour Imemc - Dimanche 17 décembre 2006
http://www.imemc.org/content/view/2...
Trad. : JPP