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Ténèbres, famine et mort imminente
vendredi 1er février 2008 - Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly
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22 janvier 2008 - Manifestation devant le poste frontière de Rafah pour exiger son ouverture et la fin du blocus - Photo : Reuters

Maher Al-Nazil a demandé à toutes ses connaissances de l’aider à trouver un appartement à louer dans le centre du camp de réfugiés d’Al-Maghazi à Gaza.

Maher vit avec sa femme et ses trois filles près d’un poste de police à l’orée occidentale du camp. Il craint pour sa famille si Israël devait bombarder le poste de police proche. « Je n’arrive pas à effacer le souvenir du mariage où la famille du marié vit sa joie tourner à l’horreur, ni ma douleur quand le siège du Ministère de l’intérieur de Gaza a été bombardé vendredi dernier et je ne veux pas que cela arrive à ma femme et à mes filles » a-t-il déclaré à Al-Ahram Weekly.

Tout comme Maher, la plupart des familles vivant près des ministères, des institutions et des établissements de sécurité à Gaza ont envisagé de louer d’autres maisons par crainte des bombes israéliennes. Pour la plupart, un déménagement est quasiment impossible à cause de leur manque de ressources et de la pénurie d’appartements dans la Bande. Un officier de l’agence centrale de défense civile, Rafiq Youssef, affirme que les maisons se trouvant près des bureaux visés sont en danger. « Des jets militaires israéliens, du type F-16, lancent des bombes de une tonne, avec pour résultat que toutes les maisons dans un rayon de 200 mètres du site bombardé sont touchées » a-t-il dit au Weekly.

Le bombardement aérien de ministères, d’institutions et des bureaux de la sécurité est -jusqu’ici - l’action la plus extrême qu’Israël a entreprise pour forcer le Hamas à cesser de lancer des roquettes contre les colonies israéliennes situées près de Gaza. Le ministre israélien de la défense, Ehud Barak, a dit qu’Israël escalade son offensive militaire pour « peser lourdement sur les Palestiniens » et les « convaincre d’arrêter de lancer des missiles ». Vendredi, il a dit à la radio de l’armée israélienne : « Nous voulons épuiser tous les moyens à notre disposition ».

Israël a détruit de nombreuses institutions de l’Autorité palestinienne, il y a un an et demi quand la branche militaire du Hamas a capturé le soldat israélien Gilad Shalit. La campagne de bombardements qui s’est ensuivie a cessé uniquement quand Israël s’est rendu compte que sa stratégie ne forcerait pas le Hamas à lui remettre le soldat, ni à revenir sur ses conditions concernant l’échange du soldat contre des Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes.

La destruction des institutions officielles a marqué le point culminant de l’invasion terrestre israélienne laquelle a provoqué la perte de nombreuses vies humaines. La tuerie a atteint son paroxysme quand les forces d’occupation ont envahi le quartier de Zeitoun dans la partie sud de la Ville de Gaza tuant 13 membres des brigades Ezzeddin, branche militaire du Hamas, parmi lesquels le fils de Mahmoud Al-Zahhar, important leader de ce mouvement. Dans les cinq jours suivants, 38 personnes ont été tuées dont 18 civils sans armes. Les soldats de l’occupation ont même tué des gens qui essayaient d’aider les blessés comme Mohamed Al-Issa, âgé de 70 ans, abattu par des soldats israéliens alors qu’il s’était porté au secours d’un jeune voisin blessé dans l’invasion de Zeitoun.

Israël n’en n’a pas terminé avec son actuelle escalade. En fait, il a menacé d’assassiner les dirigeants politiques du Hamas, notamment le Premier ministre élu, Ismail Haniyeh, Al-Zahhar, et l’ancien ministre de l’intérieur, Said Siyam, si les tirs de roquettes ne cessaient pas. Le commentateur israélien bien connu, Amnon Abramovich, a dit que la menace d’assassiner des dirigeants est sans valeur, à supposer qu’elle soit vraie. « Ce type de tactique n’a jamais marché avec le Hamas » a-t-il dit à Friday Studio, diffusé la semaine dernière par le Canal deux israélien. « Nous avons assassiné le fondateur et chef du Hamas, le Sheikh Ahmed Yassin, et cela ne les a pas empêchés de continuer à nous attaquer » a-t-il poursuivi.

Non seulement Israël exige que le Hamas arrête de lancer des roquettes, mais il force aussi toutes les autres factions palestiniennes à faire de même alors qu’il refuse pour sa part de reconnaître le Hamas, force politique majeure dans la Bande de Gaza.

Quant aux pressions économiques que représentent le siège imposé par Israël à Gaza et l’embargo sur le fioul et l’électricité, elles ont culminé quand Barak a décidé de fermer complètement les postes frontières de la Bande avec pour conséquence que les aliments de base et le fioul n’entreront pas dans cette zone. Cela équivaut à affamer la population directement - et les répercussions sont graves en termes humanitaires. Gaza est à présent effectivement coupé du monde, plongé dans l’obscurité et otage des caprices des commandants de la force aérienne israélienne et de leurs armes.

Dimanche dernier, le journal Maariv a signalé qu’un haut commandant de l’armée israélienne avait dit que le but des pressions militaires et économiques exercées par Israël sur la Bande de Gaza était de forcer le public palestinien à se rebeller contre le gouvernement du Hamas. Cette déclaration est dans le droit fil de celles qu’ont faites plusieurs ministres israéliens. Pourtant, il semble qu’Israël abatte mal ses cartes. Selon un sondage effectué par le centre de recherche de al-Mustaqbal situé à Gaza, le Hamas a gardé sa popularité tandis que celle du Fatah - principale alternative en termes de capacité d’organisation - a baissé, particulièrement en Cisjordanie.

Essam Adwan, professeur de science politique à l’université Al-Aqsa de Gaza, croit que le résultat est logique. « Bien que le niveau de vie des Palestiniens ait baissé sensiblement sous le gouvernement du Hamas, de vastes secteurs du public palestinien continuent à soutenir leur gouvernement parce qu’Israël est en guerre contre lui » a-t-il dit au Weekly.

Siyam maintient que les pressions militaires et économiques exercées sur le Hamas visent non seulement à mettre fin aux tirs de roquettes, mais concernent aussi Shalit. « Nous ne cèderons sur aucune condition que nous avons posée pour la libération de Shalit et Israël doit libérer les détenus palestiniens figurant sur la liste remise par les intermédiaires égyptiens » a-t-il déclaré au Weekly.

En ce qui concerne les opérations futures de la résistance au vu de l’escalade israélienne, Siyam indique que le Hamas continuera à résister jusqu’à ce que le peuple palestinien ait obtenu ses droits légitimes et juridiques. Il a ajouté que jamais un peuple occupé n’a renoncé à revendiquer ses droits comme nation simplement du fait de l’oppression par l’occupant.

Le Hamas affirme que l’escalade actuelle par Israël fait suite au feu vert que lui a accordé le Président américain, George W Bush, pendant sa visite à Tel Aviv. Le porte-parole du mouvement, Fawzi Abu Barhum, a dit que l’administration états-unienne a donné toute latitude à Israël pour commettre ses crimes. « Les déclarations du porte-parole du Département d’Etat américain qui considère que les actions des forces d’occupation à Gaza sont de l’auto-défense, prouvent que l’administration américaine participe à la perpétration de crimes de guerre à Gaza - qu’elle justifie les crimes contre notre peuple palestinien » a-t-il dit au Weekly.

« Ceci prouve que l’occupation israélienne et l’administration américaine poursuivent leur guerre d’extermination contre notre terre et notre peuple » a-t-il ajouté.

Pourtant, il est également évident que l’escalade militaire israélienne dénote le sentiment d’impuissance du gouvernement israélien et des milieux militaires devant le départ de l’ensemble des colons vivant près de la Bande de Gaza qui fuient les tirs de roquettes. Les statistiques publiées par le Département de l’éducation sur Sdérot -colonie la plus exposée aux tirs - montrent que la plupart des familles ont quitté la ville poussées par la peur. La situation est arrivée à un point où le Ministre de l’intérieur, Avi Dichter, a signalé au Premier Ministre Ehud Olmert, dimanche dernier, que Sdérot s’effondrerait s’il n’était pas mis fin aux tirs de roquettes depuis Gaza.

En Israël, des appels ont été lancés pour que l’on cherche une solution autre que militaire. Dans son éditorial de Yediot Aharonot, Yair Lapid, journaliste connu et présentateur de nouvelles, a écrit que l’armée israélienne n’a pas de solution pour le problème des roquettes et qu’il faut arriver à un accord avec le Hamas sur une trêve. Lapid a laissé entendre qu’il serait dangereux d’essayer d’arrêter le tir des roquettes en intensifiant les opérations militaires ou en essayant de réoccuper la Bande de Gaza, car selon les estimations de l’armée israélienne une invasion entraînerait la mort de douzaines de soldats. Lapid a insisté sur le fait que la société israélienne ne peut pas accepter la perte de ses soldats.

Dans le même journal, Yegal Sima, a lancé une mise en garde contre le recours aux solutions militaires. Il avait parlé à une centaine d’anciens des services de renseignements et ils lui avaient tous dit que la résistance populaire à l’occupation ne pourrait pas être écrasée. « Sans de véritables négociations politiques, Gaza empoisonnera notre âme et aucune protection ne pourra sauver Sdérot » a-t-il écrit. « Sdérot et Khan Younis et Beit Hanoun sont reliés les uns aux autres comme des frères siamois » a-t-il ajouté.

C’est toutefois une autre question que de savoir si le gouvernement israélien et l’establishment militaire, qui s’appuient souvent uniquement sur la violence, comprendront que prendre le Hamas en compte est la seule façon de progresser. Le peuple de Gaza continue à vivre dans la peur, la faim et le dénuement tandis que le pouvoir se couvre les yeux devant l’évidence.

Du même auteur :

- Abattre les murs de la prison
- Feu vert américain pour de nouvelles atrocités
- Frappe sur tel Aviv
- Le Hamas en ligne de mire

24 janvier 2008 - Al Ahram weeklt - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2008/881...
Traduction de l’anglais : AMG