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Israël/Cisjordanie sud : un seul passage pour les marchandises
lundi 19 novembre 2007 - Jesse Rosenfeld - Palestine Monitor
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Des camions palestiniens pénètrent dans la zone de traitement des marchandises à Tarqumiya.




Israël concentre les échanges commerciaux avec le sud de la Cisjordanie sur un seul passage : Tarqumiya.

Avant deux semaines, le nouveau passage pourrait nuire gravement à l’économie de Hébron.

Une semaine seulement après qu’Israël ait concentré tous les échanges (entrée/sortie) de marchandises avec le sud de la Cisjordanie sur un seul point de passage [avec Israël], la Chambre de Commerce et d’Industrie palestinienne donne l’alerte : l’économie de Hébron, et du sud palestinien dans son ensemble, va être gravement pénalisée d’ici deux semaine si cette pratique se poursuit.

La semaine dernière, l’Administration civile de l’armée israélienne a commencé à tester le check-point de Tarqumiya, près de Hébron, dans le sud de la Cisjordanie. Bien qu’il ne soit officiellement qu’au stade de l’essai, toutes les marchandises venant du sud, y compris de Bethléhem, doivent passer par Tarqumiya. Selon Tim Williams - agent local d’assistance humanitaire pour le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) - l’OCHA avait été informée par les Israéliens que le passage sera très bientôt pleinement opérationnel.

Hébron représente un énorme 33 % de l’économie palestinienne. Maher Haimouni, directeur exécutif de la Chambre de Commerce et d’Industrie à Hébron, explique : « A Hébron, nous avons (nous avions traditionnellement) 5 filières pour expédier nos marchandises partout où il fallait et maintenant, tout doit passer par Tarqumiya qui n’est ouvert que quelques heures par jour ». « Tous les jours, nous avons 1 000 camions qui partent de Hébron pour Israël, ou qui arrivent à Hébron depuis Israël », ajoute-t-il. Mais pour de nombreux véhicules, il n’est pas possible de passer dans les quelques heures où le check-point est opérationnel, surtout si on tient compte des retards que prennent les conducteurs à Tarqumiya. Selon Haimouni, ces retards sont accrus du fait qu’il faut en réalité passer trois check-points à Tarqumiya : un pour les marchandises, un pour les véhicules et un pour les conducteurs.

Dans un fax reçu de l’Administration civile de l’armée israélienne par la Chambre, Israël spécifie que Tarqumiya ne sera ouvert que de 7 h du matin à 4 h 30 de l’après-midi, du dimanche au jeudi, et de 7 h à midi le vendredi. Le fax indique également que le passage restera fermé le samedi et les jours de congés. Le document donne pour instruction que toute marchandise doit être transportée sur des camions à plateau, pas de voitures particulières, qu’elle doit être posée sur des palettes en bois de 1,60 mètre, et qu’il ne doit y avoir qu’un seul type de marchandise par palette. Les palettes seront alors transférées des camions palestiniens sur des camions israéliens, ou vice-versa.

Ce système de palettes est un nouveau problème majeur pour la Chambre. Selon Haimouni, cela ne répond pas du tout à des besoins professionnels et va être une entrave à l’activité commerciale. « Nous avons de nombreux de produits. Des pierres, du verre, du plastique, de la nourriture, des légumes et du papier, mais certains de ces produits ne peuvent pas se mettre sur palette » dit-il. « Comme les pierres, par exemple : chacune pèse 25 tonnes ! »

Ceci fait, dit-il, que le coût de l’acheminement par bateau vers et depuis Israël, va augmenter de 1 200 NIS (208 ? environ) par camion. « Il fallait habituellement 1 500 NIS. Maintenant, pour un camion qui vient d’Israël, il faut 1 700 NIS jusqu’à Tarqumiya, et encore 1 000 NIS de Tarqumiya à Hébron ». En outre, Haimouni fait valoir que les Palestiniens n’essaient même pas d’envoyer de la marchandise à Gaza car cela leur coûte 20 000 NIS (3 400 ? ou 5 000 dollars US) par camion.

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Toutes les marchandises concernant le sud de la Cisjordanie passent par le check-point de Tarqumiya, près de Hébron.




Les salariés palestiniens de l’industrie à Hébron seront les plus durement touchés par le ralentissement économique qui s’annonce, selon Samor Al Natsheh, président du syndicat des salariés de Hébron, membre de la Fédération générale palestinienne des syndicats. Il dit que les travailleurs seront frappés à la fois par l’envolée des prix des marchandises du fait des restrictions, et par l’importance des licenciements. « Les salariés vont être touchés surtout parce que de nombreuses petites industries, ?des petites entreprises familiales’, vont devoir fermer ». « Dans les moyennes entreprises, il y aura une réduction des effectifs mais dans les plus petites, tous les salariés seront licenciés car l’affaire devra fermer ses portes. Donc, la première chose à faire est d’être auprès des salariés. »

Pour l’OCHA, la concentration des échanges de marchandises sur Tarqumiya aura un impact important surtout parce que l’économie de la Cisjordanie est basée sur l’importation, et qu’à ce passage les marchandises venant d’Israël sont fouillées de fond en comble, provoquant des retards importants. « L’économie palestinienne dépend du commerce mais surtout des importations, le rapport de l’importation à l’exportation est de 6 à 1. » dit Williams.

La pratique de fouiller systématiquement les marchandises qui entrent en Cisjordanie et de les faire passer des camions israéliens sur les camions palestiniens est nouvelle dans les relations commerciales Israël/Cisjordanie ; elle a été utilisée dans le passé seulement sur les passages avec Gaza. Bien qu’Israël prétende que la concentration, les fouilles et les déchargements et chargements des marchandises, dans les deux sens du passage, sont justifiés par la sécurité d’Israël, Williams reste perplexe devant ce que rapporte la sécurité à Israël avec la fouille des marchandises à l’import. « C’est vraiment la bonne question à poser, dit-il, sur le souci sécuritaire à propos des marchandises rentrant en Cisjordanie ». « Certains de ces produits auront déjà été inspectés par la douane au port d’Ashdod et sortis de leurs conteneurs sous scellés douaniers. »

Haimouni ne croit pas que les nouvelles réglementations concernent la sécurité, il pense plutôt qu’il s’agit d’une nouvelle tentative d’Israël de nuire à l’économie palestinienne. « Ils essaient de nous étouffer ! » s’exclame-t-il. « Depuis 1991, nous allons en Israël acheter des voitures. Nous leur achetons des produits et en vendons sur les marchés israéliens sans problème. Pourquoi nous demandent-ils maintenant de faire passer les marchandises par Tarqumiya et de les transférer sur des camions israéliens ? » demande-t-il, mais il n’attend aucune réponse.

Néanmoins, il est sceptique sur une éventuelle protestation de l’Autorité palestinienne contre l’impact destructeur attendu de ce passage sur l’économie palestinienne ; pour lui, elle trouve son propre compte dans la gestion pour le côté palestinien à Tarqumiya. « Nous avons le sentiment qu’elle ne plaide pas pour notre cause » dit Hamimouni. « Tout ce qu’elle veut, c’est de rafler 17 % de taxe sur les marchandises qui passent. Au fond, elle se dit : "Quelle est ma part dans tout ça ?", au lieu de contester la mise en place de ce check-point et de demander à ce que les choses soient rendues plus faciles pour les Palestiniens. »

Haimouni ajoute qu’à une récente réunion avec les membres de la Chambre de Commerce et d’Industrie, certains commerçants avaient accusé l’Autorité palestinienne de fonctionner avec Israël, simplement pour encaisser une part des recettes fiscales.

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Tarqumiya : le lieu de dépôt pour les marchandises venant d’Israël. Derrière, la zone de traitement pour toutes les marchandises qui transitent depuis ou vers la partie sud de la Cisjordanie.




Jesse Rosenfeld est journaliste indépendant, basé à Ramallah.


Du même auteur :

- "Gaza : Où sont passés tous les camions ?" - 8 novembre 2007 - The Electronic Intifada.

16 novembre 2007 - Palestine Monitor - photos : Palestine Monitor - traduction : JPP