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Une fissure dans le mur
mercredi 10 octobre 2007 - Miko Peled - The Electronic Intifada
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Manifestations de résidents palestiniens contre le bouclage de la ville de Qalqilia - Août 2007 - Photo : Khaleel Reash/MaanImages

Les militaires israéliens aujourd’hui ne sont pas sans ressembler à l’Armée Rouge pendant les dernières années de l’Union soviétique, quand tout ce qui restait n’était que l’apparence d’une superpuissance. “Entrer dans l’esprit israélien official est une expérience qui en vaut la peine même si elle est corsée », disait Edward Said dans son article « Dignité, solidarité et colonie pénitentiaire » ("Dignity, Solidarity and the Penal Colony."). C’est ce qu’on ressent quand on essaie de comprendre le processus de paix qui semble ne mener à rien au Moyen-Orient.

A observer cette saga qui n’en finit pas, on en vient à comprendre que la paix n’est pas une priorité pour Israël et à vrai dire les gouvernements israéliens n’ont jamais caché que toute paix qui n’a pas comme préalable le contrôle total d’Israël sur la Palestine historique ne présentait aucun intérêt pour eux.

Il n’y a pas une ombre de preuve pour soutenir l’affirmation israélienne de volonté de paix basée sur deux Etats indépendants sur le territoire historique de Palestine/Israël. Israël a utilisé très habilement les 40 dernières années pour renforcer son emprise sur les territoires occupés en 67 et pour créer un état d’apartheid de facto sur l’ensemble Israël /Palestine

Les gouvernements israéliens consécutifs ont utilisé sans vergogne le soi disant processus de paix pour couvrir l’expansion en Cisjordanie et la mise en place de ce que l’on appelle le génocide lent du peuple palestinien.

La décision de la Cour suprême israélienne de déplacer la barrière de séparation et de rendre de la terre aux habitants de Bil’in a donné l’impression que la justice était rendue. A vrai dire cette décision pourrait bien être la première fissure dans le mur de séparation et même, jusqu’à un certain point, une faille dans l’armure des toutes puissantes forces de « défense » israéliennes. Les dirigeants ce cette lutte ont tenu bon et n’ont pas accepté de compromettre leurs objectifs ni leur intégrité et ils peuvent être fiers à plus d’un titre. Pourtant il est peu probable que la barrière sera modifiée ou que la terre sera rendue.

Depuis 60 ans, Israël est déterminé à “l’oblitération de tout un peuple par des méthodes lentes et systématiques d’asphyxie, de meurtre et d’étouffement de la vie quotidienne », selon les mots d’Edward saïd. Personne dans le gouvernement israélien n’admettra l’illégitimité de l’occupation de la Palestine, ils n’admettront jamais les crimes qu’ils ont commis, tels que le vol de la terre ou le meurtre de civils innocents, et donc le département de la « Défense » ne sera pas tenu par la décision de la Cour suprême qui va contre ce qu’il entend faire.

En même temps, il est important de noter que ce monstre de système qu’on appelle les forces de “défense” israéliennes, montre des signes de faiblesse. Les militaires israéliens aujourd’hui ne sont pas sans ressembler à l’Armée rouge pendant les dernières années de l’Union soviétique, quand tout ce qui restait n’était que l’apparence d’une superpuissance. L’armée israélienne souffre d’un sérieux manque de motivation chez les jeunes recrues et d’une augmentation du nombre de jeunes qui essaient d’éviter le service militaire qui est par ailleurs obligatoire, selon de récentes histoires rapportées par la presse israélienne. Partout dans l’armée l’usage de la drogue est rampant, particulièrement dans les unités de combat d’élite. Alors que le problème de la drogue n’est pas nouveau (la drogue était endémique dans l’armée israélienne il y a 20 ans déjà), son utilisation par des unités de combat impliquées dans des opérations quotidiennes semble avoir augmenté de façon spectaculaire. Ce qui n’est pas vraiment surprenant si l’on considère que le terme « combat » est synonyme de violence, de meurtre, de déplacement forcé de civils sans armes.

Pour en rajouter, l’armée israélienne a subi une grave défaite l’a passé lors de son attaque contre le Liban. Ce fut une victoire militaire et morale et les commandants israéliens ont été complètement humiliés par le Hezbollah. A Gaza aussi les militaires ont montré leur ineptie. Malgré un usage massif de la force, l’armée israélienne n’a pas pu arrêter le lancement de roquettes sur Israël. Tout récemment quelques dizaines de jeunes recrues ont été blessés par une roquette qui est tombée sur une grande base militaire près de Zikkim, au nord de Gaza. Enfin, malgré tous leurs services de renseignement, l’IDF est incapable de trouver le soldat Gilad Shalit qui est détenu à Gaza. Au vu de tout cela, faut-il s’étonner que les officiers israéliens cherchent un dérivatif dans la drogue ?

Edward Saïd parle des soldats israéliens comme de “brigades de bourreaux volontaires”, et franchement, on ne peut pas l’en blâmer. Dans une histoire récemment rapportée par le quotidien israélien Yediot Aharonot , le jeune commandant d’un char raconte une « bataille » contre trois « hommes armés » suspects près du mur qui emprisonne Gaza : « le premier a été pris dans la chenille de mon char (et est mort écrasé), nous avons coincé le deuxième, les autres se sont échappés ». Le jeune lieutenant a reçu des félicitations par son officier supérieur pour son courage et son habileté, mais on lui a signifié qu’un char tire d’une distance d’1.5 kilomètre, pas de très près. « C’était pratiquement du corps à corps » dit le commandant.

Char israélien dans Gaza le 4 septembre 2007
On peut se demander, si ces « hommes armés » étaient seulement suspects, pourquoi ils ont été exécutés. S’ils étaient vraiment armés, comment se fait-il que le char se soit tellement approché ? Mais la question plus générale à laquelle ce rapport apporte une réponse est : « pourquoi y a-t-il encore des chars israéliens à Gaza ? Selon ce rapport, Israël revendique comme zone de sécurité un périmètre de 300 mètres à l’intérieur de Gaza (du côté gazaoui du mur) et n’autorise personne à approcher.

Alors que nous nous lançons dans l’expérience corsée qu’est la tentative de comprendre Israël, nous ne pouvons éviter conclusion qu’Israël n’a aucune intention de mettre fin à l’occupation. Il n’existe aucun projet pour libérer les Palestiniens de l’asservissement ou pour autoriser l’émergence d’une démocratie qui inclue la liberté des Palestiniens. Le combat commun non violent doit donc continuer jusqu’à ce que des droits égaux soient octroyés aux deux peuples sur l’ensemble de Palestine/Israël. Ce sera une bataille difficile.

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Miki Peled

Comme ils l’ont fait à Bil’in, la bête sauvage que sont les militaires israéliens réagira à la non violence par toute la violence dont elle est capable.


Miko Peled est un écrivain et militant pacifiste israélien qui vit aux Etats-Unis. Il est co-fondateur de la Fondation Elbanna Peled en mémoire de Smadar Elhanan et Abir Aramin.


Du même auteur :

- Il est temps d’aller voir Gaza
- Bil’in et la prochaine Intifada

Miko Peled - The Electronic Intifada, le 1er octobre 2007
Traduction : Claude Léostic, AFPS