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Démasquer l’AIPAC
mardi 9 octobre 2007 - William A. Cook - PalestineChronicle
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Est-ce que cela n’en fait pas des terroristes résidant K street,
dans notre Capitole national ?




« Le Sénat n’a rien fait de pire que cela, Ray »

Ray Suarez (journaliste à PBS News Hour - 2 octobre 2007) : « Vous dites que la législature nationale de ce pays, au lieu de respecter la volonté des citoyens des Etats-Unis, a voté la résolution contre l’Iran, fustigeant la Garde républicaine, à cause de l’ "American-Israeli political Action Committee" ? » (AIPAC).

Mike Gravel (candidat démocrate aux présidentielles) : « Attendez. Une information va (sic) être diffusée sur la façon dont tout ceci s’est présenté. Aussi, la réponse est oui, la réponse toute simple. ...C’est ce qui est en jeu avec cette résolution. Et c’est au summum de l’immoralité, de l’irresponsabilité, et le Sénat des Etats-Unis, avec les Démocrates à sa présidence, a voté pour le passage de cette résolution. Il n’a rien fait de pire que cela, Ray. »

En posant cette question, Ray Suarez laisse entendre que nos sénateurs ont capitulé devant les désirs de l’AIPAC, en sachant que leur vote allait à l’encontre de la volonté exprimée par le peuple américain. Gravel, autrefois sénateur de l’Alaska pendant la guerre du Vietnam, répond sans hésiter, « oui », la réponse toute simple est oui. Dès lors, la question évidente qu’il fallait poser était : « Pourquoi pensiez-vous que nos sénateurs voteraient contre les souhaits exprimés par leurs électeurs et en faveur d’un lobby d’intérêts particuliers ? ». Mais elle ne lui fut jamais posée.

Heureusement, Seymour Hersh, dans une interview accordée à Amy Goodman le même jour, répondait à une question posée par Goodman, une question tirée de la critique de Gravel contre Hillary Clinton qui a voté cette résolution. Goodman insistait sur les 76 votes en faveur de la résolution, des Républicains et des Démocrates, et a demandé à Hersh de réagir à cette critique de Gravel : « C’est fantastique, » avait déclaré Glavel, « Nous débattons de la fin de la guerre. Et, mon dieu, nous sommes tout simplement en train de commencer une guerre aujourd’hui. Il y a eu un vote au Sénat aujourd’hui. Joe Lieberman, l’auteur de la résolution sur l’Iraq, a rédigé une nouvelle résolution, et elle est avant tout le moyen officiel pour laisser George Bush faire la guerre à l’Iran. Et je veux féliciter Biden pour avoir voté contre, Dood pour avoir voté contre, et j’ai honte pour vous, Hillary, pour avoir voté ce texte. Vous ne pourrez pas effacer cela, parce que ce qui est fait est fait, si cette guerre a lieu, nous envahirons, et ils n’attendent qu’un prétexte pour le faire. »

La question de Goodman à Hersh a été assez simple : pourquoi 76 sénateurs ont-ils voté une telle résolution. Réponse de Hersh : « L’argent. Beaucoup d’argent juif de New York. Allons, ne rigolons pas avec ça. Une partie importante de l’argent juif, et beaucoup de Juifs américains de premier plan qui soutiennent la position israélienne disant que l’Iran est une menace existentielle. Et je pense que c’est aussi simple que cela... c’est à quelque chose près la politique américaine pour 2007. »

La Garde républicaine d’Iran sur la liste des organisations terroristes

Gravel a compris l’importance qu’il y avait à laisser à Cheney et Bush toute liberté d’attaquer la Garde républicaine d’Iran en tant qu’organisation terroriste, plutôt qu’en tant qu’organisation militaire de l’Etat, légalement constituée pour assurer la protection des citoyens de l’Etat. Ils n’ont pas besoin de loi du Congrès
pour attaquer une organisation terroriste et, - il cite la définition de l’encyclopédie Encarta pour le mot terrorisme « Actes violents commis par des groupes non gouvernementaux ou des individus, c’est-à-dire par des gens qui ne s’intègrent pas et ne servent pas officiellement dans les forces militaires... » -, ils ont édulcoré la définition du terrorisme afin qu’elle ne puisse s’appliquer à un Etat nation. Cheney et Bush sont maintenant libres d’envahir l’Iran pour liquider l’organisation terroriste qu’abrite ce pays.

Pourquoi prétendre qu’un bras officiel du gouvernement de l’Iran est une organisation terroriste alors qu’il est si évident que c’est faux ? Parce que Cheney et Bush, et leur alliance néocons/AIPAC, n’ont pas réussi à convaincre le peuple américain de la menace que serait l’Iran pour les USA si, par la suite, ce pays acquerrait les capacités nucléaires. La résolution Kyl-Lieberman donne à l’administration l’autorisation d’attaquer l’Iran en se servant de la première résolution votée par le Congrès pour l’invasion de l’Afghanistan du fait que l’Iran est réputé maintenant recéler des terroristes qui menacent l’Amérique.

Nous pourrions nous demander si cette éventualité est sérieuse. Newsweek a publié un article le 1er octobre sur le raid « secret » d’Israël sur la Syrie. Sur ce raid, Sam Gardiner, ancien colonel de l’Air Force considéré comme un expert en simulation d’exercice militaire, fait cette observation : « Même si Israël y va seul (attaquer les capacités nucléaires iraniennes), on nous le reprochera (les Etats-Unis). Par conséquent, nous aurons des représailles contre les intérêts américains. » En clair, les Etats-Unis sont liés à Israël et à ses intérêts par un cordon ombilical qui détermine comment et quand nous devons faire la guerre et avec qui. Pour Israël, l’Iran représente une juste et primodiale punition ainsi que sa première cible. Le « mystérieux raid sur la Syrie » amplifie ce point ; seul, un contrôle sur les médias par « un black-out presque total sur l’opération » a empêché l’opinion américaine de comprendre les conséquences potentielles de la résolution Kyl-Lieberman votée le 2 octobre, un mois seulement après le « raid » d’Israël. Si la Syrie avait réagi à cette agression injustifiée par des missiles ou des bombes sur Israël, le Congrès US aurait été obligé de déterminer quelle réponse y apporter. Avec la résolution Kyl-Lieberman en main, seul Bush peut donner cette réponse en évoquant les liens de l’organisation terroriste iranienne avec la Syrie, et spécialement le Hezbollah. Une menace sur Israël est une menace sur les Etats-Unis.

C’est cette réalité qui rend l’étude récente de Mearsheimer et Walt si dangereuse pour les lobbys pro-israéliens, surtout pour l’AIPAC. En effet, les auteurs définissent l’AIPAC comme un regroupement d’une multitude de lobbys juifs sous ce parapluie, y ajoutant les néo-cons non juifs, les évangélistes chrétiens de l’extrême droite et d’autres sympathisants.

Cacher au peuple américain les risques encourus par les liens Israël/Etats-Unis

Le fait que Gravel ait conscience de cette menace, comme il l’a exprimée à PBS, a permis pour une fois d’exposer en public la réalité de notre soutien total aux intérêts israéliens. Le « raid » du 6 septembre 2007 par l’armée de l’air israélienne contre la Syrie, n’aurait pas, s’il avait été celui de la Syrie contre Israël, suscité une réflexion objective titrée dans la presse américaine : « Les murmures de la guerre ». En effet, cet article ne s’est pas concentré sur le mépris d’Israël de la loi internationale ou de ses conséquences, mais plutôt sur la façon dont Israël avait les moyens de lancer des bombes, nucléaires ou conventionnelles, jusque sur l’Iran. Il va plus loin en retournant cette opération injustifiée à l’avantage d’Israël, disant à quel point l’existence même de cet Etat était menacée par la bombe atomique, présentant ainsi Israël comme une victime potentielle et non comme l’auteur d’un acte violant la charte des Nations unies.

Si la Syrie avait attaqué Israël, le caractère explosif d’une telle attaque injustifiée et déplacée contre un pays innocent aurait fait les grands titres de la une et la couverture de tous nos magazines d’informations. Pourtant, l’attaque injustifiée et déplacée d’Israël contre la Syrie est titrée ainsi dans US News : « Israël essaie de frapper la Syrie », même pas un article qui informerait le peuple américain des risques qu’il a couru avec l’opération illégale de son allié contre son voisin. Et comme si ce n’était pas assez, l’importance d’une nation bombardant une autre nation sans avoir été provoquée fait que la cote d’Ehud Olmert a monté de 10 %, contre les morts et les destructions provoquées par cette action illégale, avec photo à l’appui ; une photo non pas de morts et de destructions, mais d’Olmert donnant son sang pour ses compatriotes. Ce comportement ignoble de l’Etat Teflon n’a provoqué aucun tollé, aucune indignation, ni de la part des Etats-Unis, ni des Nations unies, ni de l’Union européenne, ni de l’OTAN. Rien que le silence.

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Pratiquement, chacun de nos représentants se soumet aux mêmes lobbys,
votant chaque année en moyenne une centaine de résolutions en faveur d’Israël,
rédigées par les gens des lobbys...




Si on considère par exemple les conséquences qu’aurait une utilisation par Israël des cadeaux américains en bombes nucléaires « bunker buster » (briseuses de blockhaus) sur la Syrie ou l’Iran, autre scénario possible comme avec ce « raid » (Raid est le nom d’un produit anti-moustiques), les choses sont claires : « ...des quantités énormes de produits radioactifs se propagent dans l’air et contaminent le peuple d’Iran et les pays environnants... ces retombées entraînent cancers, leucémies, et maladies génétiques chez ces populations pour les années à venir, une catastrophe médicale et un crime de guerre aux dimensions immenses, » (Dr Helen Caldicott, « La puissance nucléaire n’est pas la réponse »). Aucun tollé, rien que le silence. Pourquoi ?

Que signifie pour le peuple américain le contrôle de l’AIPAC sur notre Congrès ? Sans doute, cette influence a poussé les Etats-Unis dans la guerre contre l’Iraq avec ses conséquences inévitables en morts, destructions et endettement, laissant le pays sans résolution ; elle a cristallisé la très forte perception dans le monde que le mépris d’Israël pour les résolutions des Nations unies - exigeant son respect de la loi internationale sur le droit au retour des Palestiniens et son retrait des territoires occupés -, n’était pas seulement toléré par les Etats-Unis, mais que c’était la politique des Etats-Unis, faisant ainsi des Etats-Unis un associé dans le crime international ; elle est responsable du traitement illégal par Israël des Palestiniens avec des assassinats aveugles d’enfants et de femmes, l’emprisonnement de toute une population conduisant à une pauvreté extrême, à la malnutrition et à la maladie, avec son contrôle total sur la vie de ces gens qui n’ont aucun recours pour vaincre l’occupation puisqu’ils n’ont aucun moyen, des pratiques tolérées par les Etats-Unis et qui transforment les Etats-Unis de nation compatissante et moralement responsable en une nation amorale et hypocrite ; et, désespoir absolu, cette influence place l’Amérique au seuil d’une guerre parmi les plus dévastatrices contre un peuple qui n’a rien fait contre les Etats-Unis, qui n’a occupé aucun territoire d’une autre nation, qui n’a envahi aucune autre nation et qui a signé le traité de non prolifération nucléaire, des actes diamétralement opposés à ceux de notre Etat-client, Israël. Voilà ce que vendent à l’extérieur les représentants de nos électeurs, rampant, contrairement à Mike Gravel, devant le lobby insidieux qui contrôle notre destin. Aucun tollé, rien que le silence. Pourquoi ?

La poignée de membres du Congrès qui ont critiqué Israël chatiés publiquement

Finalement, on en revient à se demander pourquoi ces 76 sénateurs ont voté une résolution qui « raye les désirs du peuple américain de la carte », pourquoi ils empruntent une traduction volontairement falsifiée et répétée du message du président iranien à son peuple. Mais ces 76 ne sont pas les seuls. Pratiquement, chacun de nos représentants se soumet aux mêmes lobbys, votant chaque année en moyenne une centaine de résolutions en faveur d’Israël, rédigées par les gens des lobbys, se courbant obséquieusement avant l’assemblée annuelle de l’AIPAC, où l’existence même du lobby est vendue comme « un profit important pour les Etats-Unis et pour Israël », et où personne n’ose questionner ni critiquer l’Etat d’Israël de peur de subir le même sort que ceux qui l’ont fait, et qui ont perdu leur fauteuil au Congrès. On pourrait parler de coercition. Peut-on le savoir ? Il suffit de rechercher dans les annales du Sénat et du Congrès lesquels ont exclu de leur mandat Paul Findley, Cynthia McKenny, Charles Percy et quelques autres rebelles qui ont eu le courage de critiquer Israël. « La poignée de membres du Congrès qui ont porté des critiques contre Israël, durant ces 40 dernières années, ont été châtiés publiquement avec un bonnet d’âne figuratif ou, pire, ils ont perdu leur fauteuil au bénéfice d’adversaires soutenant l’AIPAC » (NewsMax.com, 1er mai 2006. « Israël, le troisième rail de la politique étrangère américaine », Arnaud de Borchgrava, rédacteur au Washington Times).

Chose intéressante, les Etats-Unis définissent le terrorisme (18 USC 2331) comme « des actes violents ou des actes dangereux pour la vie humaine qui... semblent être destinés (i) à intimider ou contraindre une population civile ; (ii) à influencer la politique d’un gouvernement par l’intimidation ou la coercition ; (iii) à affecter la conduite d’un gouvernement par l’assassinat ou l’enlèvement. » Ne pourrait-on soutenir que notre Congrès, dans son soutien total à la politique israélienne ne tenant aucun compte de son impact négatif sur le pays et de son mépris pour les désirs exprimés par nos citoyens, comme la résolution Kyl-Lieberman le prouve, ne pourrait-on soutenir que notre Congrès est « influencé » par « intimidation et coercition » par ces lobbys ? Ajoutez à cette réalité l’influence qu’ils exercent sur nos médias où ils limitent la perception de l’opinion à des mensonges et des mythologies dont ils se servent pour justifier les actes de l’Etat israélien, et la force de persuasion des lobbys qui empêche le peuple américain de maîtriser son propre destin. Est-ce que cela n’en fait pas des terroristes résidant K Street, dans notre Capitole national ?

N’est-il pas évident aujourd’hui que l’orientation de la politique américaine pour l’Iran, et notre invasion préventive presque certaine de cette nation, pour le compte d’Israël, est commandée par la même coterie d’individus qui nous ont poussés à la guerre désastreuse contre l’Iraq - les Podhoretz, Wurmser, Perle, Feith, Crystal, Kagan, Krouthammer, Abrams et autres, trop nombreux pour les citer tous, ces chiens de guerre qui ne sentent aucune culpabilité à envoyer les fils et les filles des autres combattre dans des guerres qu’ils font avec tant d’éloquence, dans leur tête, assis devant leur ordinateur et conduisant à leur mort des gens qu’ils n’ont même jamais rencontrés.

Les chiens de la guerre se sont regroupés
Pour établir leur plan de bataille,
Ils se font de petites tapes dans le dos,
Et se serrent la main.

Les postes de combat qu’ils dispersent
Pour conduire la mêlée,
Ces guerriers du sublime
Qui nous fait pleurer ou prier.

Ils s’agitent derrière le clavier maintenant
Qui crache leur tromperie ;
Leur but, la fin qu’ils désirent,
Qui rend leur vie bien pleine.

Ces vainqueurs n’éprouvent aucun regret
Alors qu’ils écrivent de brillantes épithètes,
Et exercent ainsi leur art solitaire,
Et gravent l’épitaphe d’un autre.

William Cook est professeur d’anglais à l’université de La Verne en Caroline du Sud et auteur de Tracking Deception : Bush’s Mideast Policy.
Il peut être contacté à l’adresse : cookb@ULV.EDU.




A propos de l’AIPAC :

- Voyage au coeur du lobby pro-israélien à Washington
- Israël, l’Amérique et l’AIPAC
- Bush, l’AIPAC et la Palestine

5 octobre 2007 - PalestineChronicle - traduction : JPP - sous-titres par la traduction. (photo K Street : AFP/K. Bleier)