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Peu de recours juridiques pour les femmes palestiniennes victimes de violences
samedi 6 octobre 2007 - IRIN

RAMALLAH - Les femmes palestiniennes victimes de violence domestique ont peu de chances de s’en sortir ou de pouvoir traîner leurs agresseurs en justice ; elles se heurtent en effet à un système judiciaire favorable aux accusés et à une tendance générale à considérer la victime comme responsable de ses propres maux, selon les experts des droits de la femme.

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Les femmes palestiniennes peuvent être assassinées pour avoir eu des relations sexuelles avant ou hors du mariage pour, soi-disant, "laver l’honneur de la famille" - Photo : Tom Spender/IRIN

En outre, de nombreuses femmes victimes de viol sont ensuite tuées par des membres de leur famille dans le cadre de « crimes d’honneur », pour avoir déshonoré leur famille.

« Les meurtriers sont très rarement arrêtés ou inculpés », et lorsqu’ils le sont, la peine maximale qu’ils risquent de se voir infliger est de six mois, selon Masshour Basisy, directeur général de la planification au ministère des Affaires féminines de l’Autorité palestinienne (AP).

« La violence contre les femmes est perçue comme un sujet tabou au sein de notre société patriarche, et à cause des problèmes liés à l’occupation [...] des territoires [palestiniens], elle n’a pas été traitée comme il se doit », a expliqué à IRIN Dima Nashashibi, directrice adjointe du Centre d’orientation juridique et sociale pour les femmes (WCLAC) de Ramallah.

Le rapport de HRW

« Les femmes palestiniennes dont le conjoint est violent ou représente une menace pour leur vie ont deux recours juridiques : porter plainte pour violence conjugale ou engager une procédure de divorce pour préjudice physique », peut-on lire dans un rapport publié l’année dernière par Human Rights Watch (HRW).

Selon le rapport, intitulé A Question of Security : Violence against Palestinian Women and Girls [Une Question de sécurité : La violence contre les femmes et les filles palestiniennes], pour choisir l’une ou l’autre de ces deux options légales, les femmes doivent pouvoir prouver qu’elles sont victimes de violences extrêmes, et une charge de la preuve particulièrement lourde incombe à la victime.

De plus, « ni le code pénal jordanien ni le code pénal égyptien en vigueur respectivement en Cisjordanie et à Gaza ne reconnaît les violences sexuelles perpétrées entre deux conjoints », selon HRW.

Toujours d’après le rapport, conformément au droit des familles en vigueur dans les Territoires palestiniens occupés (TPO), les femmes palestiniennes doivent présenter deux témoins oculaires, sans lien de parenté avec elles, si elles souhaitent engager une procédure de divorce pour violences conjugales.

Une plainte obligatoire n’est déposée que si la victime est hospitalisée pour une période de 10 à 20 jours. En outre, le juge peut, à sa discrétion, rendre une fin de non-recevoir pour « faute mineure » si la durée d’hospitalisation est inférieure, selon HRW.

A cela s’ajoute le manque de professionnels de la médicine et d’employés du ministère de la Santé spécialement formés à s’occuper de femmes victimes de violences, à préserver les preuves des violences perpétrées et à respecter le principe de confidentialité.

« La loi n’oblige pas la police à arrêter ni à inculper les auteurs des violences pour des agressions mineures », a expliqué à IRIN M. Basisy, du ministère des Affaires féminines.

« Crimes d’honneur »

« De plus, au cours des trois ou quatre dernières décennies, moins de 12 hommes ont été incarcérés pour "crime d’honneur". Notre ministère a proposé à plusieurs occasions que des changements soient apportés au code pénal mais ceux-ci ont été rejetés par le Conseil judiciaire suprême », a indiqué M. Basisy, qui faisait ici référence au bureau palestinien chargé d’approuver la législation avant que celle-ci ne soit soumise au Conseil législatif palestinien.

Selon les estimations des professionnels, 51 « crimes d’honneur » ont été commis dans les TPO au cours des trois dernières années, et 12 personnes ont été tuées jusqu’ici, en 2007. A en croire certains militants, le véritable bilan serait bien plus élevé : en effet, rares sont les femmes qui prennent la peine de déclarer les agressions dont elles sont victimes, étant donné les difficultés rencontrées pour déposer plainte et la « honte » ressentie.

Malgré tout, des progrès ont été réalisés sur le plan éducatif par le biais d’un certain nombre d’ateliers sur la violence domestique, organisés par le WCLAC à l’attention de la police cisjordanienne, selon Mme Nashashibi.

Si, au début, de nombreux officiers de police n’étaient pas conscients du problème, a-t-elle expliqué, après avoir suivi les cours, certains étaient intervenus dans plusieurs affaires et avaient eux-mêmes amené des femmes battues au refuge.

Les obstacles

Malgré tout, le statut des femmes au sein de la société compromet encore leur capacité à s’échapper d’un foyer violent.

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Les femmes palestiniennes dont le conjoint est violent ou représente une menace pour leur vie ont deux recours juridiques : porter plainte pour violence conjugale ou engager une procédure de divorce pour préjudice physique, selon HRW - Photo : UNICEF-oPt

« Entre autres obstacles, si une femme quittait son mari, elle serait incapable de subvenir à ses propres besoins, et seules 12 pour cent des femmes palestiniennes travaillent hors du foyer », a observé Mme Nashashibi.

« Elle perdrait aussi probablement la garde de ses enfants et le soutien de sa famille, étant donné que les tribunaux ont tendance à favoriser les pères dans la lutte pour la garde des enfants », a-t-elle ajouté.

Afin d’offrir une sécurité aux femmes victimes de violences, les ministères des Affaires sociales et des Affaires féminines de l’Autorité palestinienne, en collaboration avec le WCLAC, ont ouvert trois refuges pour femmes battues à Naplouse, Jéricho et Bethlehem, en Cisjordanie. A trois, ils permettent d’accueillir 50 femmes pour un mois chacune.

« Nous offrons aux femmes un conseil juridique et sociale », a expliqué Mme Nashashibi. « Selon les circonstances propres à chaque cas, les femmes retournent chez elles après leur séjour au refuge, si la menace a pu être supprimée par le biais du conseil ou d’une intervention familiale, ou bien nous leur trouvons un hébergement d’urgence dans un autre refuge, si c’est trop dangereux ».

4 octobre 2007 - IRIN News - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.irinnews.org/fr/ReportFr...