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Mahmoud Abbas : Un dirigeant fantoche
mardi 25 septembre 2007 - Gideon Lévy
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Mahmoud Abbas, lors d’une conférence de presse à Ramallah le 20 septembre 2007 - Photo : AP/Emilio Morenatti

Mahmoud Abbas devrait rester chez lui. Les conditions actuelles devraient lui interdire de se rendre à Washington. Ses rencontres avec Ehoud Olmert tournent graduellement à l’humiliation pour son peuple : rien de bon n’en sortira. Le spectacle des visites amicales du dirigeant palestinien à Jérusalem est devenu insupportable à la conscience, avec ce déluge de baisers sur la joue de l’épouse d’un Premier ministre qui menace, dans le même temps, d’imposer le blocus à un million et demi de personnes appartenant à son peuple, de les plonger dans le noir et de les affamer.

Si Abou Mazen était un vrai leader national, et pas un petit revendeur, il devrait annoncer qu’il n’y aura ni conférence ni rencontres tant que le blocus de Gaza ne sera pas levé. S’il était doté d’une stature historique, il ajouterait qu’il n’y aura de conférence que si Ismaïl Haniyeh en est. Lui aussi représente les Palestiniens. Et si Israël voulait vraiment la paix et pas simplement avec un dirigeant fantoche un « accord de principes » ne menant à rien, il s’empresserait de respecter cette exigence. Israël devrait lui aussi être intéressé à ce qu’Abou Mazen soit considéré par son peuple comme un dirigeant et non comme une marionnette à fils actionnée par Israël et les Etats-Unis ou par des considérations de pouvoir à court terme.

Le faible Abou Mazen dispose maintenant de pouvoir. A un moment où Washington et peut-être Jérusalem aspirent tellement à ce prétexte à photos baptisé « Conférence pour la paix » afin de pouvoir présenter un « résultat » quelconque, il pourrait et devrait faire peser la menace d’un boycott de sa part pour essayer d’obtenir au moins quelque chose pour son peuple. Dans Gaza maintenant aux mains du Hamas qu’il exècre, vivent aussi des Palestiniens et Abou Mazen ne peut pas continuer d’ignorer la situation inhumaine dans laquelle ceux-ci vivent, emprisonnés par Israël.

Mais Abou Mazen donne l’impression de n’être rien de plus qu’un survivant politique. Ce n’est ni naïveté ni faiblesse s’il prête la main au bal masqué américano-israélien : Gaza est maintenant pour lui, non moins que pour Israël, un « territoire hostile ». Entre Israël et lui existe par conséquent une unité d’intérêts honteuse et qui ne sera utile à aucun des deux camps. A en juger par son comportement, non seulement Abou Mazen ne s’oppose pas à ce qu’Israël fait subir à Gaza, mais peut-être même s’associe-t-il à la doctrine aberrante selon laquelle ces pressions brutales amèneront la capitulation du Hamas et le retour des habitants dans le giron du Fatah. En fait, Abou Mazen démontre par là qu’il n’est pas un poulet-qui-n’a-pas-encore-ses-plumes, comme l’appelait Ariel Sharon, mais un coq cynique pour qui le bien de son peuple est le cadet des soucis.

Un véritable sommet pour la paix devrait réunir toutes les parties au conflit. La paix se fait entre ennemis acharnés. La question décisive n’est pas de savoir si oui ou non l’Arabie Saoudite y participera - c’est sans importance - mais si pourra s’y rendre une véritable représentation palestinienne. Abou Mazen représente tout au plus la moitié de son peuple et il peut aboutir, dans le meilleur des cas, à un demi-accord qui ne pourra pas tenir l’eau face à une puissante opposition du Hamas. Il est dans l’intérêt de toutes les parties, y compris celui d’Abou Mazen, d’amener le Hamas à la table des discussions. Un sommet pour la paix, sans le Hamas et sans la Syrie, n’est qu’une vaste blague. Mais la coalition myope du trio artificiel, Jérusalem-Washington-Ramallah, tente de présenter la vision fallacieuse de « discussions sur la paix » sans la participation des partenaires décisifs, et le monde applaudit à cette mystification.

Il semble difficile d’attendre d’Abou Mazen qu’il s’élève au-dessus de ses considérations étroites et demande qu’on invite le Hamas, qui a été élu, faut-il le rappeler, pour diriger le gouvernement palestinien lors d’élections démocratiques. Mais le minimum qu’on puisse exiger de celui qui porte le glorieux titre de « Président de l’Autorité Palestinienne », serait qu’il essaie de se préoccuper de tous ceux qui appartiennent à son peuple, en particulier quand ils sont plongés dans une détresse aussi terrible. Cependant, au lieu d’ ?uvrer à un cessez-le-feu et à l’ouverture de Gaza au monde, on s’occupe en ce moment de la formulation d’un nouveau document - qui ne vaudra pas le papier sur lequel il sera signé et sera aussitôt expédié dans la poubelle de l’Histoire comme ceux qui l’auront précédé - ainsi que de nouvelles mesures brutales à imposer aux habitants de Gaza.

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Gideon Lévy

Il n’est pas permis à Abou Mazen de participer à cette farce qui déferle sur nous depuis Washington.



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Gideon Lévy - Ha’aretz, le 23 septembre 2007
Version anglaise : Puppet leader
Traduit de l’hébreu par Michel Ghys