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Palestine : le temps de la crainte et de l’obscurité
vendredi 14 septembre 2007 - Samah Jabr - Palestine Times

C’est une nouveau temps en Palestine : celui de la crainte et de l’obscurité, d’une peur d’un nouveau genre où seuls les pires mensonges et l’hypocrisie triomphent. Avez-vous écouté les dernières nouvelles locales ? On nous dit que 13 Palestiniens ont été « tués » dans Gaza par des soldats israéliens. Des termes tels que « innocents » et « martyres » ont été censurés. Pour expliquer le meurtre de deux jeunes garçons, les informations ajoutent que des militants dans Gaza utilisaient ces jeunes pour transporter les petites rampes de lancement des fusées !

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Invasion israélienne dans Naplouse - Août 2007 - Photo : MaanImages/Rami Swidan

Et en même temps qu’avait lieu avec le support européen la coupure d’électricité dans Gaza, un appel était lancé depuis Ramallah au peuple de Gaza pour qu’il se révolte contre le Hamas... Un appel vraiment particulier dans l’obscurité !

Alors que les Etats-Unis garantissent aux israéliens 30 milliards de dollars en aide militaire --- ce qui est qualifié par les officiels comme « un investissement à long terme pour la paix » --- la secrétaire d’état américaine Condolezza Rice apporte avec elle « la bonne nouvelle » d’un don de 80 millions de dollars au gouvernement de Ramallah afin de soutenir ses forces de sécurité.

« Le camp modéré » en Palestine obtient l’argent et les moyens matériels pour se maintenir par la force si nécessaire. Plus ils auront d’argent, plus notre horizon politique se rétrécira et plus s’effaceront nos intérêts nationaux.

Les chefs du Fatah, les médias qui lui sont affiliés et les membres du gouvernement de Ramallah supposé indépendant utilisent un langage rempli de sectarisme et de provocation. Tout en courant après un dialogue avec Israël, ils ferment la porte au dialogue national avec le parti du Hamas --- élu par la majorité du peuple --- et tournent le dos à la reconstruction de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) qui avait été pourtant décidée dans les accords du Caire et de la Mecque.

Depuis qu’il a perdu le contrôle de Gaza, le président Mahmoud Abbas a agi avec une détermination qui ne lui est pas coutumière : en plus d’expulser le Hamas du gouvernement de coalition et de mettre en place un cabinet d’urgence, il s’est embarqué dans un affrontement à grande échelle avec les partisans du groupe, ce qui comprend des centaines d’arrestations en Cisjordanie et tout un plan pour assécher ses financements.

Les décrets présidentiels créent des divisions parmi les gens du peuple aussi bien que parmi nos combattants.
Oui, après n’avoir touché aucun salaire pendant 18 mois, nous avons touché un peu d’argent, mais 23 000 personnes dans Gaza n’ont rien perçu. Les hommes des services de sécurité attaquent les journalistes et les étudiants des universités en Cisjordanie s’ils font connaître leur désaccord avec la position officielle du Fatah concernant les événements dans Gaza.

Abbas a même renvoyé le vieux dirigeant du Fatah et ancien ministre de l’intérieur de l’Autorité Palestinienne (AP) Hani Al-Hassan de son poste de premier conseiller auprès du président palestinien, suite aux remarques faites par Al-Hassan lors d’une entrevue avec la télévision d’Al-Jazeera d’expression arabe.

Al-Hassan avait expliqué que l’épreuve de force récente dans Gaza n’était pas une confrontation entre le Fatah et le Hamas mais entre d’un côté le Hamas et de l’autre la faction de Dahlan, utilisant pour les partisans de Dahlan le terme de « groupe de Dayton, » faisant ainsi référence au Général américain Keith Dayton qui était responsable de l’armement et du financement de Dahlan. Al-Hassan a indiqué que le Hamas a dû faire ce qu’il a fait pour protéger la cause nationale. La même nuit, des hommes armés et masqués ont ouvert le feu sur sa maison dans Ramallah !

Comme geste destiné à Abbas, un nombre important de militants recherchés [par Israël] appartenant au Fatah en Cisjordanie ont déposé leurs armes dans le cadre d’un accord par lequel Israël leur accorde une amnistie. Presque 150 des 178 militants des brigades des martyres Al-Aqsa proches du Fatah ont signé les documents qui certifient leur démission de l’organisation paramilitaire et leur promesse de renoncer au « terrorisme ». Cette étape non seulement criminalise la résistance et divise les combattants, mais elle est aussi censée détruire l’esprit de la résistance et permettre à Israël de se concentrer sur l’opposition à Abbas.

Abbas a décrété que toutes les milices de Cisjordanie devaient désarmer. Le décret ne fait aucune référence quant à la façon dont l’ordre serait imposé et à qui s’opposerait aux forces israéliennes quand elles viendront envahir une ville ou un village palestinien ; il ne parle pas non plus de la police qui a fait sa reddition dans la prison de Jéricho [...] et dont les membres enlèvent leurs uniformes et déposent leurs armes toutes les fois que les forces d’occupation sont en ville.

Le comité central de l’OLP soutient Abbas en approuvant tous les décrets qu’il a publié et toutes les décisions qu’il a prises comme président de l’OLP et président de l’AP. Après la prise de contrôle par le Hamas de la bande de Gaza à la mi-juin, le comité central a invité le comité constitutionnel de l’OLP à discuter l’élaboration d’une constitution permanente et la mise en place d’élections présidentielles et législatives anticipées ; il a aussi invité le comité exécutif de l’OLP, le Conseil National Palestinien, et les organisations et factions nationalistes à discuter la possibilité de tenir une session ordinaire du PNC (Conseil National Palestinien).

Abbas projette de réunir le comité central de l’OLP dans Ramallah pour obtenir son accord pour la formation du gouvernement de Salaam Fayyad. La prise de pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza a forcé Abbas à rechercher une alliance avec ses rivaux politiques, tels que la direction de l’OLP basée et représentée par Farouk Al-Qaddoumi, et du secrétaire général du Front Démocratique de Libération de la Palestine (FDLP), Nayef Hawatmeh. Les deux sont invités à Ramallah parce que le président de l’AP a besoin de les avoir de son côté contre le Hamas.

Abbas n’a pas réussi à convaincre le parlement dominé par le Hamas de donner son aval au gouvernement de Fayyadh. Il projette à présent de remplacer le parlement par le comité central de l’OLP, un projet dénoncé comme inconstitutionnel par les experts juristes palestiniens. Al Qaddoumi a qualifié l’OLP, telle qu’elle est aujourd’hui, de « corps illusoire et illégal, » ajoutant que le comité de direction de l’organisation était un organisme peu représentatif et n’avait aucun droit de supplanter les organismes élus comme le Conseil Législatif Palestinien.

Le chef de file du bloc du Fatah à l’Assemblée nationale, Azzam Al-Ahmad, a déclaré afin d’essayer de légitimer ce coup de force : « Quand quelqu’un viole les règles, il n’a aucun droit de faire la moindre remarque à ceux qui procèdent de la même façon. »

De façon à « soutenir le gouvernement palestinien modéré et pro-occidental en Cisjordanie, » Israël a dégelé 50 millions de dollars sur les centaines de millions de dollars de recettes fiscales et douanières dérobées après que le Hamas ait gagné les élections, et a construit une comédie autour de la libération de 250 prisonniers du Fatah et du FDLP en prison --- oubliant les 11 000 prisonniers palestiniens --- leur laissant juste le temps de servir de geste de bonne volonté ; puis Israël a promis d’ouvrir quelques-uns des checkpoints militaires qu’il impose à travers la Cisjordanie en échange d’un renforcement des pressions d’Abbas sur le Hamas. Dans les trois semaines qui ont suivi cette mascarade, 350 Palestiniens ont été arrêtés à l’écart des médias.

L’incapacité d’Abbas à obtenir n’importe quelle concession politique signicative de la part d’Israël pour en finir avec l’occupation de la Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem-est ou pour résoudre les questions à plus long terme comme Jérusalem, les réfugiés, les frontières définitives, le mur, les colonies, etc., est évidente. Les gestes d’Israël en direction de l’Autorité Palestinienne aussi bien que la coopération croissante avec le nouveau gouvernement cesseront si Abbas accepte à nouveau un gouvernement d’unité nationale avec le Hamas, a fait savoir à Abbas le premier ministre israélien Ehud Olmert.

A la mi-août, Abbas a déclaré que personne ne pouvait forcer Israël à accepter le droit au retour. Intéressant ! Cette position est identique à celle d’Israël ! Je me suis souvenu de son communiqué lamentable sur le pain et la démocratie : « Si nous devons choisir entre le pain et la démocratie, nous devons choisir le pain ! »

Dans sa première conférence tenue récemment avec la presse israélienne et rapporté par Ha’aretz, le chef du gouvernement palestinien d’exception, M. Salaam Fayyadh, a déclaré que « le droit au retour ne devrait pas concerner Israël parce que la solution doit paraître acceptable à Israël. » Ignorant totalement la résolution 194 des Nations Unies qui stipule : « ... les réfugiés souhaitant retourner dans leurs maisons et vivre en paix avec leurs voisins devront y être autorisés au plus tôt, et une compensation devra être versée pour la propriété de ceux qui choisissent de ne pas rentrer..., » Fayyadh affirme que le droit au retour est une question qui peut être résolue entre les Israéliens et les Palestiniens. Mais je dois alors poser la question : quels Palestiniens ? Le gouvernement inconstitutionnel de Ramallah ? Les conseillers d’Abbas qui ont été démocratiquement battus aux élections ? Ou Fayyadh et son parti qui ont remporté seulement 2% des voix des Palestiniens ?

Aujourd’hui, on nous demande de conclure un accord qui soit acceptable pour Israël, les Palestiniens devant abandonner le droit au retour. Mais le droit au retour appartient aux millions de réfugiés Palestiniens qui n’ont autorisé ni Abbas ni Fayyadh à abandonner leurs droits.

Après l’échec du projet Dayton dans Gaza, Israël a maintenu complètement bloquée la sortie principale de la bande de Gaza depuis Rafah vers l’Egypte. Plus de 6000 Palestiniens, bon nombre d’entre eux étant âgés et malades, sont resté bloqués dans le désert égyptien pendant plus de six semaines ; 32 d’entre eux sont morts alors qu’ils attendaient, 6 bébés sont nés et plusieurs personnes ont perdu la vue parce que la raison pour eux d’aller en Egypte était de traiter leurs yeux.

Le journal Ha’aretz nous rapporte que « Israël a accédé à la demande gardée secrète d’Abbas de ne pas autoriser l’ouverture du poste-frontière de Rafah au sud de la bande de Gaza. » Et que « la délégation palestinienne aux Nations Unies a bloqué une initiative du Conseil de sécurité visant à exprimer les inquiétudes de l’organisation concernant la crise humanitaire dans la bande de Gaza. » Le gouvernement d’Abbas ne le nie pas ; cependant, le ministre de l’information Riad Al-Malki explique qu’il y a deux femmes qui se sont entraînées en Iran parmi les personnes bloquées dans Rafah !

Le terme « résistance » a été bani de la plateforme du gouvernement d’exception ; Abbas a été jusqu’à déclarer que la résistance armée à l’occupation était illégale, et les forces d’Abbas ont arrêté ceux suspectés de résistance. Toutes les personnes vivant sous occupation ont le droit d’universel de résister à cette occupation par tous les moyens possibles, y compris la résistance armée. Alors pourquoi pas les Palestiniens ?

En dépit des recommandations venant du Fatah et d’autres pays arabes de profiter immédiatement de l’expulsion du Hamas du gouvernement de coalition, un aide d’Olmert leur a répondu qu’il était prématuré d’entamer des discussions sur un accord final pour une paix israélo-palestinienne. Malgré cela, Abbas rencontre Olmert dans la maison de ce dernier et la Ligue Arabe a envoyé sa première délégation composée des ministres des affaires étrangères de Jordanie et d’Egypte à Jérusalem ! La normalisation a déjà eu lieu sans obtenir quoi que ce soit d’Israël. Israël et les États-Unis font pression pour que débutent des négociations au niveau diplomatique et que se tienne une conférence internationale pour bétonner les concessions palestiniennes dans le cadre d’un nouvel accord plus scandaleux que celui d’Oslo.

Le futur proche verra des décisions politiques majeures pour la région prises dans des salles fermées et dans le dos des palestiniens. Jusqu’à aujourd’hui les signes avant-coureurs sont sinistres. Il y a un sentiment général dans notre peuple que le groupe qui monopolise la prise de décision palestinienne est instrumentalisé pour offrir des solutions aux problèmes israéliens dûs à l’occupation et ne se préoccupe pas des intérêts nationaux palestiniens.

Il y a un consensus international pour traiter avec une minorité peu représentative contre le souhait général de ceux qui ont voté. Ce que chacun semble ignorer est que lors des élections le Hamas a également eu la majorité en Cisjordanie ; cette majorité ne laissera pas une direction si peu représentative détruire notre cause.

La seule manière de résoudre la crise est de dépasser la crainte et les mensonges et d’initier en plein jour un dialogue national avec toutes les organisations nationales et les dirigeants honnêtes mais aujourd’hui réduits au silence.

* Samah Jabr est une psychiatre qui pratique dans sa Jérusalem natale.

De la même auteure :

- Ne prenez pas les oiseaux de Palestine en otage
- Mémoires de douleurs et blessures nouvelles
- Une alternative possible à l’amputation
- Palestine : occupation et santé mentale

5 septembre 2007 - Palestine Times - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.ptimes.org/main/default....
Traduction : Claude Zurbach