Que reste-t-il de l’unité politique palestinienne ? Alors que la crise libanaise trouve un début de dénouement avec l’arrivé des casques bleus dans la partie sud du Liban et le retrait israélien, les observateurs internationaux vont de nouveau tourner leurs regards vers une Palestine en plein chaos économique et politique. Une lutte de pouvoir au sein de l’exécutif, opposition frontale entre le président de l’autorité et le gouvernement palestinien... le temps d’Arafat et de l’unité politique (de façade ou pas) face à l’adversaire israélien semble bien loin.
Ciment de l’identité politique palestinienne par le biais du Fath puis de l’OLP, Yasser Arafat laisse derrière lui un chaos profond, dont l’émergence était aisément perceptible à la fin de sa vie, depuis un jour de décembre 2001 et son confinement par l’armée israélienne à Ramallah, comme le rappelle le biographe Amnon Kapeliouk, dans « Arafat l’irréductible ».
Ouvrage prétexte pour évoquer 50 années de lutte et d’essor politique palestinien, « Arafat l’irréductible » est aussi celui d’une rencontre entre deux hommes. Kapeliouk, journaliste indépendant, collaborateur au « Monde » et au « Monde Diplomatique », et Muhammad Abd ar-Rahman Abd ar-Raouf Arafat al-Qoudwaal-Husseini, dit Yasser Arafat, premier président de l’Autorité Palestinienne.
L’admiration de l’auteur pour son sujet comme un fil conducteur de son récit pourra sans doute agacer le lecteur plus critique vis à vis du leader palestinien et de ses parts d’ombres. En particulier le passage qui ouvre la biographie sur l’ « invulnérabilité légendaire » du leader de l’OLP, doté d’ « un sixième sens animal devant le danger » selon son « compagnon de route », Muhammad Soubeith, et qui dit-on a échappé à plusieurs dizaines d’attentats
Derrière se portait un peu trop héroïque se dégage cependant au fil des pages le chemin sinueux d’une démarche politique complexe et souvent cohérente, d’un grand pragmatisme et surtout d’une combativité à toute épreuve, à l’image de la capacité d’Arafat à survivre à tous les contextes politiques, à toutes les organisations, toutes les guerres, tous les gouvernements israéliens.
En plus d’un récit historique rigoureux et passionnant, « Arafat l’irréductible » constitue par là même une sorte de manuel de la construction politique au Proche-Orient, de l’immédiat après-guerre à la chute du mur, en passant par l’émergence du mouvement des non-alignés. Un ouvrage bien écrit, intelligemment composé et au final précieux, à l’heure où la désagrégation politique de la région brouille les repères et gagne les comités centraux d’organisations politiques que l’on croyait immuables un temps pas si lointain.
« Arafat l’irréductible », par Amnon Kapeliouk
Publié en 2004 chez Fayard, 519 p.,24 euros