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L’hypocrisie du nucléaire au Moyen-Orient
samedi 8 septembre 2007 - Kathleen et Bill Christison - Counterpunch

La main cachée de Bush, de l’Iran et d’Israël

Internet est surchargé actuellement de rapports sur le caractère inévitable d’une attaque US ou US/Israël contre l’Iran. Certains auteurs prétendent que l’attaque serait imminente. D’autres, dont les auteurs du présent article, arguent seulement que l’attaque aura lieu quelque part avant janvier 2009, moment où l’administration Bush va quitter les affaires. Plusieurs de ces rapports ont déjà été repris par les principaux médias. En fait, on peut quasiment dire qu’aujourd’hui une majorité des experts en politique étrangère traditionnellement prudents et déclarés respectables aux Etats-Unis pensent qu’il est au moins possible que Bush attaque l’Iran avant de quitter ses fonctions de Président.

Le souvenir de la façon dont Bush a bluffé pour envahir l’Iraq en 2003 est si fort que beaucoup de gens reconnaissent absolument qu’il pourrait faire le pari de recommencer. Il l’a dit clairement, dans la « guerre contre le terrorisme », la victoire signifie tout pour lui. Il peut croire aussi qu’une victoire en Iran lui permettrait de retourner la situation avec ses revers actuels en Iraq et également d’accélérer la victoire des USA et d’Israël en Syrie, au Liban et en Palestine. Et il a déjà montré qu’il était prêt à assumer la mort de centaines de milliers, voire même d’un million de personnes avec l’espoir de rentrer dans l’histoire comme un grand commandant en chef.

Le peuple des Etats-Unis est le seul à avoir une chance de l’arrêter, et celle-ci ne peut se présenter que si une forte majorité d’électeurs s’unissent dans un effort maximum pour mettre en accusation Bush et Cheney, tout de suite. Il faut que cela se fasse avant que les USA et/ou Israël ne redoublent d’efforts militaires contre l’Iran.

Tout cela sera difficile et beaucoup pensent que c’est impossible. Nous, citoyens des Etats-Unis, qui ne voulons pas que notre pays soit impliqué dans une guerre plus vaste avec l’Iran, n’auront pas la plupart de la presse écrite et télévisée avec nous, ni les complexes militaro-industriels qui veulent d’autres guerres. Le lobby pro Israël s’opposera farouchement à la mise en accusation de Bush et de Cheney parce qu’elle permettra d’identifier immédiatement les deux principaux dirigeants du pays comme les premiers commanditaires de la guerre avec l’Iran dans le lobby. Dans le même temps, la plupart des dirigeants du Parti démocrate et les candidats démocrates à la présidentielle, à part un ou deux, ne sont pas prêts de soutenir cette accusation car ils sont engagés dans une compétition avec les Républicains ou chaque parti veut montrer qu’il soutient Israël plus que l’autre.

Mais les gens de ce pays ont toute la puissance nécessaire pour mettre ces forces en déroute s’ils l’utilisent pour défendre la justice, particulièrement au Moyen-Orient qui est aujourd’hui la région la plus hautement prioritaire où les politiques américaines et israéliennes jouent un rôle majeur, et la région où ces politiques sont les plus injustes. Nous pensons qu’il n’est nullement impossible de persuader une majorité d’électeurs américains - vu leur répugnance déjà affirmée pour les échecs US en Iraq - de s’arracher du cocon d’un consumérisme agréable mais apathique dans lequel ils se sont réfugiés eux-mêmes, et de participer plus sérieusement au processus politique de notre pays qu’ils ne l’ont fait ces dernières années.

L’accusation elle-même portera plus sur le passé que sur l’avenir puisqu’une action juridique ne peut être engagée (ne peut mettre en accusation) et faire condamner une personne que pour ses actions passées, non pour des actions qu’elle ferait même probablement dans le futur. De la sorte, la mise en accusation portera sur l’Iraq et la politique intérieure de l’administration Bush, pas sur l’Iran. Mais en même temps, une fois que nous aurons gagné l’intérêt des gens, ceux-ci devraient avoir une conscience plus grande des actes planifiés par le gouvernement pour l’avenir et de sa politique passée. Si nous agissons vite, nous aurons le temps de montrer comment le projet d’attaquer l’Iran nécessite plus que jamais le maximum d’efforts pour une mise en accusation, qu’elle réussisse et réussisse maintenant.

Le premier point à faire observer pour convaincre les gens est que l’Iran lui-même soutient qu’il n’a pas, à aujourd’hui, l’arme nucléaire et qu’il n’a pas l’intention de la fabriquer à l’avenir. La première partie de cette allégation est exacte ; les preuves à l’appui sont surabondantes. Mais la déclaration de l’Iran selon laquelle il ne développera pas l’arme nucléaire est sujette à caution, même si l’Agence internationale de l’énergie atomique (AEIA) n’a trouvé aucune preuve contraire. Les autres nations du Moyen-Orient et d’Asie du Sud qui ont acquis l’arme nucléaire ces 50 dernières années - Israël, l’Inde et le Pakistan - ont toutes menti aux Etats-Unis, à l’ONU et à d’autres pays, en prétendant ne pas fabriquer l’arme atomique alors qu’en réalité elles étaient en train de la développer. L’Iran pourrait bien faire la même chose.

Plus important est la logique évidente de la situation. En tant qu’Etat-nation dans un monde d’Etats-nations, l’Iran sait qu’il a tout autant le droit de développer l’arme nucléaire que les Etats-Unis, Israël et les autres puissances nucléaires. Comparé à Israël, l’Iran a une population et un territoire bien plus importants. Aussi, pourquoi serait-il permis à Israël de posséder plusieurs centaines de têtes nucléaires et interdit à l’Iran d’en avoir ? L’explication avancée par les partisans d’Israël disant qu’Israël n’a jamais signé le traité de non prolifération (TNP) de 1970 alors que l’Iran l’a signé est fallacieuse. Le TNP de 1970 est devenu, en pratique, lettre morte. Aux termes du traité, les Etats-Unis et les autres Etats signataires détenteurs de l’arme nucléaire s’engageaient à entamer des négociations sérieuses pour la destruction de leurs propres armes, ils ne l’ont jamais fait ni même tenté depuis 1970. Si on découvrait que l’Iran était en train de développer son propre armement atomique, les officiels iraniens auraient beau jeu de proclamer, la main sur le c ?ur, qu’ils seront heureux d’arrêter de violer le traité dès que les USA le feront.

Puisque les Etats-Unis lancent actuellement un programme de revalorisation de leur armement nucléaire et de la capacité de leurs systèmes de lancement, et ne montrent absolument aucune intention de négocier pour supprimer ces capacités, l’Iran serait dans une position juridique très solide. L’Iran pourrait également arguer qu’avec de tels changements dans sa région du monde (Israël, l’Inde et le Pakistan détenant aujourd’hui leur propre arsenal nucléaire), il va lui falloir se retirer du traité et acquérir sa propre force de dissuasion. Il ne l’a pas fait, pas encore, parce qu’il affirme toujours qu’il ne veut pas l’arme nucléaire, mais cette option lui est toujours et tout à fait légalement ouverte. A ce propos, tout argument prétendant qu’Israël est un pays plus moral et « meilleur » que l’Iran - et à ce titre plus méritant de posséder l’arme nucléaire - évoque là une supériorité dans la vertu qui mérite uniquement d’être balayée d’un revers de main.

Le point clé est que les capacités nucléaires de l’Iran ne sont pas actuellement, et ne le seront pas au moins pour quelques années encore, une menace significative pour les Etats-Unis bien que dans ce même délai, elles peuvent être considérées en Israël comme une menace un peu plus sérieuse. Par conséquent, dans la mesure où les potentialités d’armement nucléaire de l’Iran sont la véritable cause des politiques agressives américaine et israélienne envers l’Iran, ces politiques sont mises en ?uvre davantage au profit d’Israël qu’à celui des Etats-Unis. En réalité, il est probable que le principal motif qui se cache derrière les politiques des USA et d’Israël (comme ce fut le cas pour l’Iraq) n’a rien à voir avec l’armement nucléaire mais davantage avec l’intention de provoquer un changement de régime en Iran et de renforcer la domination commune des USA et d’Israël sur tout le Moyen-Orient. Cela soulève une question plus vaste à savoir si une telle domination répond vraiment aux meilleurs intérêts des Etats-Unis, ou si elle est favorisée à Washington principalement parce qu’elle est impulsée par le lobby pro israélien.

Une autre observation doit être faite qui devrait aussi aider à convaincre les électeurs américains à s’opposer de toutes leurs forces à une guerre contre l’Iran. Bush aime à dire que l’Iran est l’Etat qui dirige le financement du terrorisme dans le monde. Naturellement, quand il dit cela, il ne précise jamais à son auditoire quelle est sa définition du terrorisme. En fait nous ne pouvons pas nous souvenir de chaque fois ou de chaque discours, depuis que ladite guerre contre le terrorisme a été déclanchée, où Bush a expliqué clairement ce qu’il entendait quand il prononçait ce mot de terrorisme.

La plus juste définition du terrorisme est « l’emploi de la violence contre des civils à des fins politiques ». Si on accepte cette définition, qui est fréquemment reprise, la déclaration de Bush selon laquelle l’Iran est l’Etat qui dirige le financement est tout simplement inexacte. En choisissant l’un des critères suivants qui touchent aux civils - massacres, destructions de maisons, assassinats ou coups et blessures ou mauvais traitements sur des malades à un check-point - quel gouvernement diriez-vous être le premier pourvoyeur de terrorisme de ces cinq dernières années ? Une précision : provoquer « un choc et la peur » est une juste définition pour au moins une forme de terrorisme qui utilise l’avion, les bombes modernes et les missiles. Les tirs de snippers sur des enfants à Gaza en est une autre. La destruction des oliviers qui représentent les revenus de base de familles entières et aussi la confiscation par la force de la terre sur laquelle il y avait les oliviers en est une autre encore. Mais alors, il y en a beaucoup d’autres, dont l’usage de la torture sur les prisonniers.

C’est si facile, et pourtant si répréhensible, de classer l’Iran comme le coupable numéro un du terrorisme. Au moins, nous, les Américains, devrions comprendre que beaucoup dans le monde nous regardent comme des terroristes et, de loin, bien pires qu’en Iran. Pour avoir avancé le « terrorisme » comme justification d’une guerre contre l’Iran alors que les USA se rendent précisément bien plus coupables encore de terrorisme, Bush et Cheney doivent, sans l’ombre d’un doute, être assignés et condamnés, aussi vite que possible, de sorte qu’ils ne puissent jamais commencer cette guerre.


Bill Christison a été haut responsable à la CIA. Il a servi comme officier dans les services de renseignements des Etats-Unis et comme directeur du bureau des analyses régionales et politiques de l’Agence américaine.

Kathleen Christison est une ancienne analyste politique de la CIA et a travaillé sur les questions du Moyen-Orient pendant 30 ans. Elle est l’auteur de Perceptions of Palestine et de The Wound of Dispossession

Ils peuvent être contactés à l’adresse : kathy.bill.christison@comcast.net.

Des mêmes auteurs :

- Un mouvement mondial pour la justice de Bill Christison - CounterPunch - 30 août 2007.
- Atrocités en Terre promise de Kathleen Christison - CounterPunch - 23 juillet 2006.

6 septembre 2007 - CounterPunch - traduction : JPP