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Sauvegarder le passé de la Palestine pour le futur
lundi 30 mai 2005 - Leïla El-Haddad

Caché dans un misérable camp de réfugiés palestiniens, se trouve un surprenant trésor historique qui garde vivant le rêve de beaucoup. A un coin de rue du camp de réfugiés palestiniens de Ma’shook, au sud du Liban, un homme âgé de 68 ans, Muhammad Dakwar, nous indique le chemin dans une sombre galerie constituée de deux pièces dont il a la garde avec sa femme.

A l’intérieur, des pièces de vêtements palestiniens traditionnels sont accrochées à des étagères ; d’anciennes poteries en argile vieilles de plusieurs dizaines d’années ainsi que des plats en cuivre sont disposés avec goût sur des rayons, parmi un mélange d’objets domestiques palestiniens traditionnels.

De rustiques exemples préservés de la terre palestinienne - de la poussière, des pierres et des branches d’oliviers - sont imparfaitement disposés sur des feuilles et marqués des noms des villes ou villages d’origine.

Tout ceci fait partie de ce que Dakwar dit être le seul musée palestinien en exil, et selon certaines estimations, le seul et unique musée consacré à l’héritage palestinien dans le monde.

Sacrifice personnel

Dakwar, un enseignant de l’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East) maintenant à la retraite, a fondé ce musée il y a de cela quinze ans et en a, à lui seul, supporté les frais depuis l’origine, refusant de faire payer un quelconque droit d’entrée aux visiteurs.

C’est pour cette raison qu’il s’est retrouvé à la limite de la ruine financière.

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Des Palestiniens sont regroupés autour d’un véhicule détruit par une attaque aérienne israélienne, le 17 mai 2007 à Gaza - Photo : AFP/Mohammed Abed

La plus grande partie des articles du musée proviennent de dons généreux faits par des Palestiniens et des philanthropes à travers le monde, mais beaucoup de ces articles ont été acquis par Dakwar lui-même.

« J’ai dépensé la totalité de ma prime de retraite pour maintenir ce musée ouvert. Je suis toujours sans un sou, mais je suis prêt à recourir à la mendicité pour maintenir ce musée ouvert au public », dit-il en admettant qu’il avait dû mettre fin au site internet du musée pour cause de manque de financement.

Le musée a été mis en place en 1989, mais non reconnu de façon officielle par le gouvernement libanais, et ce n’est que huit ans plus tard, en 1997, que Dakwar a eu le permis légal de construire son musée.

Au lieu de cela, selon Dakwar, le musée était enregistré comme « Comité Palestinien pour la Culture et l’Héritage » - un comité, puisque les Palestiniens ne sont pas autorisés à mettre sur pied des institutions au Liban.

Un véritable trésor

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Bien que petit, le musée abrite une impressionnante collection de près de 2 500 objets artisanaux, incluant le verrou de l’infâme prison d’Akka (Acre) où, sous la domination britannique, ont été détenus et exécutés certains des premiers fedayins palestiniens (qui s’étaient eux-mêmes sacrifiés) durant la révolte de 1936.

C’est aussi un trésor de devises de Palestine utilisées sous le mandat britannique, et certaines pièces de monnaie remontent aussi loin que la période romaine.
La galerie inclue aussi une librairie de près de 10 000 livres et journaux, beaucoup d’entre eux étant des éditions rares.

Le musée expose également des objets domestiques utilisés en Palestine, mais à l’origine importés d’Europe ou des Amériques, tels un moulin à café suédois, un flacon de sels de bain « Old Spice », et une bouteille en verre d’origine anglaise pour bébé et unique en son genre.
La disparité des objets est constante dans le temps et témoigne du soudain et pressant départ de milliers de réfugiés palestiniens, et de tout ce qu’ils ont dû abandonner derrière eux lors de l’exode massif de 1948, dans l’espoir non réalisé de retourner dans leurs demeures après quelques jours.

Dakwar insiste sur l’utilisation de la date de 1948 - la date de la « Nakba » palestinienne - ou catastrophe, comme référence pour dater les articles exposés.
« Ceci n’est pas une coïncidence que de centrer le musée autour de 1948 » explique-t-il avec érudition. « Je veux être certain que les gens à venir comprennent ce que signifie cette date pour les Palestiniens. Ceci fait partie des objectifs du musée ».

Palestine divisée

En 1948, les juifs déclarèrent leur Etat en Palestine après que les Nations-Unies aient voté la partition de la Palestine, et des centaines de milliers de Palestiniens ont été réduits à l’état de sans-abris et forcés de fuir, leurs villages étant détruits ou dépeuplés.

Dakwar était un de ces réfugiés, fuyant du village palestinien de Qadeetha près de la ville de Safad. Il trouva refuge au Liban avec sa famille à l’âge d’à peine 11 ans. Son village fut vidé de sa population par Israël dans les jours qui ont suivi la guerre de 1948.

Le musée et le camp de réfugiés de Dakwar sont à seulement 15 kilomètres de la frontière de sa Palestine.

Le matin, lorsque le temps est assez clair, depuis les toits les plus élevés du camp on peut apercevoir la ville de al-Naqura, pas loin de son propre village. Mais la distance parait aussi longue que si elle était de 50 000 kilomètres. Comme réfugié, Dakwar n’a pas droit au retour dans sa maison.

Et ainsi, il a fait de sa vie une mission pour préserver la Palestine dans son refuge, quelque chose qu’il considère comme sa contribution personnelle à la lutte de peuple de Palestine.

Il espère un jour faire don de son musée à la Palestine - lorsqu’il y aura un gouvernement palestinien en lequel il ait suffisamment confiance pour le lui confier.

Pour l’instant, il restera une exposition en exil pour les 400 000 réfugiés palestiniens au Liban, « de façon à ce qu’ils n’oublient jamais d’où ils viennent, et où ils espèrent rentrer un jour ».

Tyr, Liban - al-Jazeera
Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/NR/exe...
Traduction : Claude Zurbach (CCIPPP)