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Le véritable agenda palestinien de Bush
vendredi 24 août 2007 - Ramzy Baroud - Al Ahram Weekly
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Funérailles de Nasser Mabrouk, militant du FPLP âgé de 38 ans et assassiné à Naplouse par les israéliens le 21 août - Photo : Nasser Ishtayeh/AFP

Les mesures énergiques prises par le gouvernement du Hamas contre les forces de sécurité corrompues dirigées par Mohamed Dahlan et les gangs qui y sont liés semble avoir marqué un tournant dans la politique extérieure de l’administration Bush en ce qui concerne la Palestine et Israël. Ce prétendu changement, toutefois, n’est rien d’autre que la poursuite des efforts de Washington pour bâillonner la démocratie palestinienne, élargir le gouffre qui sépare le Hamas et le Fatah, et pour assurer le succès des projets d’Israël : coloniser et annexer ce qui reste de terre palestinienne.

Il est vital que nous conservions cette réalité apparemment évidente au premier plan de toute discussion politique ayant à voir avec le conflit : les territoires palestiniens occupés ne représentent que 22% de la Palestine historique. À l’heure actuelle, Israël cherche à réduire encore plus cette portion en soumettant officiellement la Cisjordanie et Jérusalem Est occupé.

Gaza n’est concernée par ce projet que dans la mesure où il y a là une chance en or de diviser encore plus les Palestiniens, de brouiller leur projet national et de les montrer sous un jour grimaçant, comme un peuple incontrôlable à qui l’on ne peut se fier en tant que partenaires d’une paix avec des Israéliens bien plus civilisés et démocrates !

En prolongeant le conflit de Gaza, donc le schisme palestinien, Israël va gagner le temps nécessaire à la consolidation de son projet colonial, et à la rationalisation encore plus poussée de politiques unilatérales, sur des points qui devraient - naturellement - faire l’objet de négociations avec les Palestiniens.

De plus, il ne faut pas perdre de vue le contexte régional. Le lobby israélien et ses alliés néo-conservateurs au sein de l’administration Bush et dans les medias brûlent de se lancer dans une confrontation militaire avec l’Iran, ce qui affaiblirait la position politique de la Syrie dans toute négociation avec Israël au sujet du Golan occupé, et ce qui anéantirait la puissance militaire du Hezbollah, à ce jour le plus rude ennemi qu’Israël ait eu à affronter dans son conflit pluri décennal avec les Arabes.

Ainsi, il était d’une importance primordiale que la « montée en puissance » du Hamas soit directement mise en relation avec ses liens avec l’Iran ; de tels liens, bien que très exagérés, servent à présent d’argument pour expliquer l’apparent tournant historique de Bush, d’un soutien à Israël tout en distance discrète (pour ne pas avoir l’air trop impliqué) à l’initiative d’une conférence de paix internationale, dans le seul but d’isoler le Hamas, ce qui aurait pour effet d’affaiblir le camp pro-iranien dans tout le Moyen Orient.

Cela permet aussi de comprendre l’important soutien apporté par les régimes autocratiques arabes à Abbas, et les avertissements des leaders arabes quant à la montée d’une menace iranienne. D’un côté,l’élimination du Hamas serait porteuse d’un message sans ambiguïté pour leurs propres islamistes politiques ; de l’autre, c’est un message destiné aux Iraniens : se tenir à l’écart d’un conflit longtemps perçu comme exclusivement arabo-israélien.

De façon similaire, pour assurer son propre intérêt, le Fatah d’Abbas coordonne activement son action à celle d’Israël pour détruire son puissant opposant, qui représente la grande majorité des Palestiniens des Territoires occupés et sans doute au-dehors. Pour cela, il faut de l’aide : du fric pour s’assurer de la loyauté de ses partisans, des armes pour opprimer ses adversaires, une reconnaissance politique pour asseoir sa propre légitimité comme leader dans le monde, et de nouvelles lois pour délégitimer le processus légal, démocratique, qui a produit la victoire électorale du Hamas de Janvier 2006.

Dans un conflit connu pour ses évolutions atrocement lentes, il faut ni plus ni moins qu’un miracle pour expliquer comment Abbas a pu bénéficier de tous ces avantages à vitesse astronomique !

A partir du moment où Abbas a formé son gouvernement d’urgence, vraisemblablement inconstitutionnel, les sanctions étouffantes ont été levées - plus exactement sur la seule Cisjordanie. Pour bien s’assurer qu’aucune aide ne parvienne à quiconque défie son régime, les services d’Abbas abrogèrent les autorisations de toutes les ONG opérant en Palestine, les obligeant à se plier à de nouvelles candidatures. Celles qui sont loyales à Abbas sont là. Les autres sont hors-jeu.

Armes et entraînement militaire sont aussi arrivés en masse. Les Palestiniens, à qui l’on a refusé le droit de se défendre eux-mêmes, et qu’on a traité de « terroristes » pendant des décennies, sont soudain les destinataires de nombreuses « caches » d’armes arrivant de toute part. Israël annonce son intention de faire preuve de clémence envers les militants du Fatah ; les combattants de la liberté devenus gangsters ne défendront plus leur peuple contre la brutalité d’Israël mais seront utilisés comme miliciens prêts à se charger du Hamas le moment venu.

Quant à la question de sa légitimité régionale et internationale, l’administration Bush « décida » de changer de politique, en faveur d’un engagement direct, appelant à une conférence internationale de paix pour le Moyen-Orient. Cette conférence de paix n’en aura que le nom, car elle ne concernera aucune des revendications majeures des Palestiniens, qui ont alimenté le conflit pendant des années, telles le problème des réfugiés, Jérusalem ou le tracé des frontières.

Israël est bien entendu disposé à des « concessions » si ces efforts aboutissent à recadrer le conflit comme exclusivement intra-palestinien, et du moment qu’il n’y a nulle objection à sa politique d’annexion illégale de la terre palestinienne en Cisjordanie et à Jérusalem.

La réalité c’est qu’il n’y a pas eu de changement dans la politique étrangère américaine en ce qui concerne la Palestine. Les Etats-unis, Israël et une poignée de régimes arabes poursuivent la même politique, à peine ajustée pour s’adapter au nouveau contexte politique.

Abbas et ses hommes peuvent bien jouir des gratifications reçues en échange de leur contribution à la destruction du projet national palestinien, l’avenir prouvera que les « gestes de bonne volonté » d’Israël, le soutien du lobby pro israélien à Washington, et la générosité de ce dernier, ne dureront pas. Abbas pourrait aussi facilement se retrouver prisonnier au sous-sol de son palais présidentiel, exactement comme son prédécesseur, s’il osait affirmer les droits légitimes de son peuple, de loin les vrais perdants de cette bataille éhontée.

(*) Ramzy Baroud est l’auteur de « The Second palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » et rédacteur en chef de PalestineChronicle.com »

Site Internet :
www.ramzybaroud.net

Du même auteur :

- Miracle palestinien à l’ONU : le défaitisme ne connait pas de limite
- Irak : le temps ne résoudra rien
- Tirer les leçons du sang versé à Gaza
- La gauche palestinienne : une occasion manquée

26 juillet 2007 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2007/855...
Traduction : Michel Zurbach