« Le Quartet pour le Moyen-Orient a accepté de soulager la crise humanitaire dans les Territoires occupés, sans s’occuper de sa cause »
Après un jour de débats diplomatiques exténuants à huis clos, les USA, l’UE, l’ONU et la Russie, mardi, ont finalement accepté d’agir pour alléger la crise humaine et économique que connaît l’Autorité palestinienne, provoqué par Israël et par leurs propres décisions pour des sanctions. « Le Quartet a montré son accord pour un mécanisme international limité dans la portée et dans la durée, opérant dans la transparence et de façon responsable », a déclaré Kofi Annan, secrétaire général des Nations unies. Le mécanisme essayera de répondre aux « besoins humains essentiels des Palestiniens », selon un fonctionnaire UN.
Le Quartet a été poussé par un fort désir de montrer qu’il faisait quelque chose pour les Palestiniens qui manquent d’argent et de nourriture, mais aussi la Banque mondiale et les ministres des Affaires étrangères égyptien, jordanien et saoudien, tous ceux qui participaient à la réunion à New York. Mais ce désir était chez certains nettement plus fort que chez d’autres. Condoleezza Rice, par exemple, était sinistre quand elle s’est adressée à la presse.
« La portée de ceci [de ce nouveau mécanisme] montre que la communauté internationale essaye toujours de répondre aux besoins du peuple palestinien ». a-t-elle déclaré. Mais la solution de fond à la crise passe par « un gouvernement palestinien qui accepterait ses responsabilités et les engagements internationaux pour diriger. »
Il est facile de comprendre l’exaspération de la secrétaire d’Etat. Depuis que le Hamas a été élu en janvier, la politique américaine à son égard a été : « pression et isolement », selon les propres mots de David Welch, son assistant. Le but, apparemment, était d’obliger le Hamas à accepter Israël et les conditions du Quartet avant de l’admettre internationalement, à savoir : sa reconnaissance de l’Etat juif, son adhésion aux accords antérieurs OLP/Israël et la renonciation à la violence. Mais concrètement, « pression et isolement » ne sont que des moyens détournés pour changer le régime.
Et le changement a bien paru se produire. Samedi dernier, fait mineur mais significatif, les enseignants de l’Autorité palestinienne ont protesté contre le non paiement de leurs salaires depuis deux mois. Lundi, à Gaza, la violence a éclaté entre Fatah et Hamas, la plus dure depuis les élections, des combats de rue entre les milices du « gouvernement » et les forces de sécurité de l’« opposition », qui ont fait trois tués palestiniens.
Même le Président de l’AP, Mahmoud Abbas - que beaucoup au secrétariat d’Etat jugent maintenant comme un « contrepoids » très insuffisant au Hamas - a commencé à s’exprimer durement. « Si le Hamas continue à se comporter comme il le fait maintenant » (déclaration aux diplomates étrangers la semaine dernière) « j’interviendrai contre lui, d’autant que les conditions posées par la communauté internationale sont aussi les miennes ».
Tous ces différents procédés étaient supposés créer une situation, que souhaitait les Américains, où « le gouvernement Hamas devait s’effondrer et le Fatah (de M. Abbas) reprendre le contrôle », révèle un diplomate occidental. La décision du Quartet a mis un coup d’arrêt à ce processus, au moins pour l’instant. C’est aussi la réalité qui l’a rendue nécessaire.
En manigançant la disparition du Hamas - par l’arrêt de leurs propres aides et par les sanctions contre les donateurs qui essayeraient d’y pallier -, Israël et le Quartet ont condamné les Palestiniens à la misère et à d’autres formes de punitions collectives, telles que l’insuffisance de soins médicaux.
Mardi, les membres du Quartet ont pris connaissance de rapports de la Banque mondiale selon lesquels les prévisions précédentes de 67 % de taux de pauvreté et de 40 % de taux de chômage pour les Territoires occupés étaient maintenant des « sous-estimations ». Au contraire, « si l’Autorité palestinienne reste insolvable ou insuffisamment solvable pendant plusieurs mois, les conséquences institutionnelles qui s’ensuivront pourraient être irréversibles et pourraient conduire à une situation ou la Cisjordanie et Gaza deviendront ingouvernables. »
Dans le même sens, selon les ministres des Affaires étrangères d’Egypte, de Jordanie et d’Arabie saoudite, les résultats politiques d’un effondrement des institutions palestiniennes ne serait pas de nouvelles élections mais une « guerre civile », avec des accrochages entre Fatah et Hamas dans une Bande de Gaza sous les balles.
Finalement, l’idée naïve pour que le ministère de la Santé palestinien soit remplacé par l’OMS (Organisation mondiale de la Santé) et par d’autres ONG a été exposée vivement. Mais dans les faits, ce ministère gére 64 % de tous les services de santé des Territoires occupés et toutes ses dépenses hors salaires (médicaments, équipements médicaux, etc.) sont assurées par des donations étrangères, ont indiqué les membres du Quartet. Alors qu’ils arrivaient à New York, la presse américaine faisait déjà état de morts de Palestiniens, qui auraient pu être totalement évitées, dans les hôpitaux de Ramallah et de Gaza. Sans argent pour les médicaments et les équipements, des centaines suivront.
Donc, Rice s’est inclinée devant l’inévitable et une certaine forme d’aide internationale sera accordée aux Palestiniens. Mais elle reste encore peu claire.
Les diplomates disent que « le mécanisme international » répondra aux besoins de bases des Palestiniens - surtout en matière de santé et d’éducation - tout en contournant toujours le gouvernement légitime de l’Autorité palestinienne, dont ses ministres de la Santé et de l’Education. On ne sait clairement si le « mécanisme » pourra tout payer, ou seulement quelques-uns, ou aucun des 165 000 salariés de l’Autorité palestinienne.
S’ils restent sans salaire, le Quartet pourra avoir créé une « situation encore plus dangereuse » indique Ghazi Hamad, porte-parole du cabinet de l’Autorité palestinienne. « Dans deux semaines, nous n’auront plus d’argent du tout. Il n’y aura rien pour financer la santé et de l’éducation. Le Quartet doit discuter avec nous. Nous sommes élus par le peuple palestinien ».
Correspondant en Palestine pour The Economist et la revue Middle East International, Graham Usher est l’auteur du livre sur le processus d’Oslo : Dispatches From Palestine : The Rise and Fall of the Oslo Peace Process
http://weekly.ahram.org.eg/2006/794...
Traduction : JPP