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Liban : les crimes délibérés d’Israël
lundi 20 août 2007 - Jonathan Cook

Cette semaine marque le premier anniversaire de la fin des hostilités appelées à présent officiellement la Deuxième guerre israélienne contre le Liban. Les combats avaient duré un mois et consisté principalement en bombardements israéliens de l’infrastructure civile et des zones résidentielles libanaises. Les milices chiites du Hezbollah avaient riposté par des attaques à la roquette contre le nord d’Israël.

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Les voitures passent à côté de la maquette d’une roquette utilisée par le Hezbollah qui célèbre cette semaine l’anniversaire de sa "divine victoire" sur Israël.

Les hostilités se soldèrent par la mort de plus de mille civils libanais et d’un nombre réduit, mais inconnu, de combattants du Hezbollah ; du côté israélien, il y eut 119 victimes parmi les soldats et de 43 parmi les civils.

Quand Israël et les Etats-Unis se sont rendus compte qu’ils ne pourraient pas faire plier le Hezbollah à coup de bombes, ils ont poussé pour l’adoption de la résolution 1701 au Conseil de sécurité des Nations unies. Cette résolution prévoit l’installation au sud du Liban d’une force internationale de maintien de la paix élargie, l’UNIFIL, chargée de contenir le Hezbollah et d’essayer de désarmer ses quelques milliers de combattants.

Toutefois, depuis la guerre, quantité de faits nouveaux importants sont passés inaperçus. Plusieurs d’entre eux mettent sérieusement en doute la version israélienne des événements de l’été dernier. Pour cette seule raison, il vaut la peine de revenir aux événements.

La guerre a commencé le 12 juillet par des vagues de frappes aériennes israéliennes contre le Liban après que le Hezbollah eut tué trois soldats et capturé deux autres à la frontière nord (cinq autres soldats ont été tués par une mine terrestre quand leur tank a pénétré au Liban à la poursuite des assaillants). Depuis longtemps le Hezbollah avait dit qu’il capturerait des soldats s’il en avait l’occasion pour inciter Israël à faire un échange de prisonniers. Depuis son retrait du sud Liban en 2000, après une occupation de vingt ans, Israël détient toujours une poignée de prisonniers libanais.

Le premier ministre israélien Ehud Olmert, largement incriminé pour l’échec militaire devant le Hezbollah, a chargé le comité Winograd d’examiner comment l’entreprise avait échoué. Jusqu’ici, le comité s’est longuement étendu sur les échecs militaires et politiques du pays, mais n’a guère expliqué comment les fautes ont été commises ni par qui. Olmert est toujours au pouvoir, bien qu’il soit immensément impopulaire.

Ce sont donc les medias israéliens qui ont dû s’atteler à la tâche de réécrire l’histoire de l’été 2006. Le week-end dernier, un éditorialiste du journal libéral Haaretz est allé jusqu’à admettre que la guerre avait été « commencée par Israël contre un assez petit groupe de guérilleros ». Ce constat a dû incommoder les partisans d’Israël, notamment ses défenseurs de premier plan qui, comme Alan Deshowitz aux Etats-Unis, avaient prétendu qu’Israël n’avait d’autre choix que de bombarder le Liban.

D’autres rapports ont récemment révélé que les Nations unies corroborent maintenant l’un des principaux arguments justifiant la poursuite de la résistance par le Hezbollah, à savoir qu’Israël ne s’est pas pleinement retiré du territoire libanais en 2000. Le mois dernier, les cartographes de l’ONU ont tranquillement admis que le Liban est fondé à réclamer sa souveraineté sur la petite zone fertile des Fermes de Shebaa toujours occupée par Israël. Celui-ci prétend que ce territoire est syrien et qu’il sera rendu à la Syrie lors d’entretiens de paix futurs avec Damas bien que la Syrie soutienne la position libanaise. Les médias internationaux ont ignoré l’aveu de l’ONU.

Entre temps, tout indique qu’Israël prépare une autre série d’attaques contre le Hezbollah. Le nouveau ministre de la défense, Ehud Barak, responsable du retrait de l’an 2000, s’est donné pour priorité d’établir des systèmes anti-missiles tels que le « Dôme d’acier » afin de neutraliser la menace que représentent les roquettes du Hezbollah. Il utilisera à cette fin une partie des 30 milliards de dollars d’aide militaire états-unienne récemment annoncée.

Pendant la guerre, Israël avait notamment prétendu qu’il s’était efforcé de protéger les civils libanais lors des bombardements aériens. Le nombre des victimes ferait penser le contraire, et de plus en plus d’autres preuves vont dans ce sens.

Un aspect choquant de la guerre a été le largage par Israël, dans les derniers jours des combats, d’au moins un million de bombes à sous munitions, vieux explosifs fournis par les Etats-Unis dont le taux de ratés est de 50 pour cent. Les bombinettes minuscules, en fait de petites bombes terrestres, ont jonché le sud Liban après le cessez-le-feu négocié par les Nations unies ; elles auraient tué jusqu’ici 30 civils et en auraient blessé au moins 180 autres. Les commandants israéliens ont admis avoir lancé 1,2 million de ces engins tandis que l’ONU les chiffre à près de trois millions.

A l’époque, on soupçonnait Israël d’avoir saisi le bref délai qui lui restait avant la fin de la guerre pour rendre inhabitable le sud Liban - centre à la fois de la population chiite du pays et de sa milice, le Hezbollah - et empêcher ainsi le retour de centaines de milliers de chiites qui avaient fui les premiers bombardement israéliens.

Les organisations des droits humains ont qualifié de crime de guerre l’utilisation par Israël des bombes à sous munitions. D’après les règles établies par Dan Halutz, chef de l’état-major à l’époque, les bombes n’auraient dû être utilisées que dans les zones ouvertes et non peuplées ; toutefois, un taux de ratés aussi élevé n’aurait guère empêché de causer ultérieurement des victimes civiles.

Après la guerre, l’armée a ordonné une enquête principalement pour apaiser Washington inquiet de ce que l’on dise partout que c’était lui qui avait fourni les munitions. Les conclusions, qui auraient dû être publiées il y a des mois, n’ont pas encore été rendues publiques.

Le retard n’est pas surprenant. Un premier rapport de l’armée divulgué à la presse israélienne a révélé que les bombes à sous munitions avaient été lancées sur des centres peuplés du Liban en infraction flagrante du droit international. Udi Adam, chef du commandement du Nord à l’époque, en avait apparemment donné l’ordre. Une investigation du Département d’Etat états-unien est arrivée à la même conclusion.

Israël espérait justifier le grand nombre de civils libanais tués pendant la guerre en alléguant que les combattants du Hezbollah s’étaient régulièrement cachés parmi la population civile libanaise et que c’est à partir de là qu’ils avaient lancé leurs roquettes. Les groupes de droits humains ont trouvé de maigres preuves étayant cette accusation, mais Jan Egeland, haut fonctionnaire de l’ONU, a apporté de l’eau au moulin en accusant le Hezbollah de « s’être lâchement mêlé à la population ».

Il y a toujours eu de fortes raisons de soupçonner la véracité des affirmations israéliennes. Le Hezbollah avait aménagé en zone rurale un système sophistiqué de tunnels et de bunkers souterrains qu’Israël ne connaissait guère ; il y cachait ses roquettes et c’est à partir de là qu’il attaquait les soldats israéliens lors de leur tentative d’offensive terrestre. Il tombe aussi sous le sens que les combattants du Hezbollah refuseraient de mettre en danger leurs familles vivant dans les communautés du sud Liban en lançant des roquettes depuis leurs villages.

Maintenant, les journaux israéliens affichent en première page des rapports émanant de sources militaires israéliennes mettant fortement en doute les affirmations d’Israël.

Depuis la fin de la guerre, le Hezbollah a apparemment déménagé la plupart de ses roquettes pour les cacher des forces de maintien de la paix de l’ONU ; celles-ci ont effectué des recherches à grande échelle dans le sud Liban pour désarmer le Hezbollah aux termes de la résolution 1701. Selon l’ONU, la FINUL a repéré quelque 33 de ces bunkers souterrains - soit plus de 90 pour cent - et détruit les armes du Hezbollah qu’elle y a trouvées, y compris des roquettes et des lance-roquettes.

Les medias israéliens ont relevé que l’armée israélienne appelle ces sites des « réserves naturelles » ; de même, l’ONU n’a pas annoncé avoir découvert de bunkers du Hezbollah dans des zones urbaines. Se fondant sur des sources militaires, Haaretz disait le mois dernier : « La plupart des roquettes lancées contre Israël pendant la guerre de l’année dernière provenaient des « réserves naturelles ». Bref, Israël ne prétend plus que le Hezbollah envoyait ses roquettes depuis des zones habitées par des civils.

Selon un rapport de l’ONU, le Hezbollah a déménagé ses roquettes des bunkers souterrains et a abandonné ses rampes de lancement rurales. La plupart des roquettes auraient été déplacées au nord du fleuve Litani, hors de portée des surveillants de l’ONU. Mais, selon l’armée israélienne, certaines auraient été réinstallées dans des villages chiites proches pour les cacher de l’ONU.

Il s’ensuit, relève Haaretz, que les commandants israéliens ont averti le Liban que lors d’hostilités futures l’armée « n’hésitera pas à bombarder, voire à détruire totalement, des zones urbaines après avoir donné à leurs habitants l’occasion de fuir ». Ils n’ont pas expliqué en quoi cette pratique différerait de celle suivie pendant la guerre. Le Hezbollah était alors basé dans ses « réserves naturelles », ce qui n’empêchait pas les civils d’être bombardés dans leurs villes et leurs villages.

Si les nouvelles affirmations de l’armée israéliennes étaient vraies (contrairement aux anciennes), il faudrait condamner le déplacement de roquettes dans les villages. Toutefois, ce n’est pas d’Israël que cette condamnation devrait émaner puisque son armée enfreint le droit international en cachant ses armes dans les zones civiles à une échelle bien plus importante.

J’ai pu observer directement les combats depuis le côté israélien de la frontière l’année dernière. J’ai vu à plusieurs reprises qu’Israël avait construit beaucoup de ses installations militaires permanentes, y compris des fabriques d’armes et des camps militaires, et avait établi des positions d’artillerie temporaires, à proximité, et dans certains cas à l’intérieur, de communautés civiles dans le nord d’Israël. Nombre de ces communautés sont arabes : les citoyens arabes constituent près de la moitié des habitants de la Galilée.

Situer des bases militaires près de ces communautés est une action particulièrement imprudente de la part de l’armée vu que les villes et les villages arabes n’ont pas les abris publics ni les sirènes d’alerte aérienne existant dans les communautés juives. Dix-huit des 43 civils israéliens tués étaient arabes, proportion qui a surpris beaucoup d’Israéliens juifs qui présumaient que le Hezbollah ne viserait pas les communautés arabes.

Il n’est souvent pas encore possible de préciser où les roquettes du Hezbollah sont tombées à cause de la censure militaire israélienne qui interdit toute discussion permettant d’identifier un site militaire. Pendant la guerre, Israël a tiré profit de cette règle : par exemple, on a beaucoup parlé de la roquette du Hezbollah qui est tombée près d’un hôpital sans mentionner toutefois que celui-ci jouxtait un grand camp militaire. Si ce camp avait été atteint, on aurait toujours parlé de l’hôpital.

Il semble probable que le Hezbollah - qui avait auparavant envoyé des drones sans pilote au dessus d’Israël, tout comme Israël avait envoyé ses propres drones espions au Liban - savait où se trouvaient bon nombre des bases militaires. La question est de savoir, si ce sont elles que le Hezbollah essayait d’atteindre ou - comme la plupart des observateurs, inspirés par Israël, l’ont prétendu - s’il voulait en fait plutôt tuer des civils ?

On ne connaîtra sans doute jamais toute la réponse dans la mesure où - ne connaissant que son comportement - nous ne pouvons pas connaître les intentions du Hezbollah pas plus que nous ne pouvons connaître celles d’Israël pendant la guerre. Toutefois, Human Rights Watch a prétendu que vu le manque de précision de ses roquettes, chaque fois que le Hezbollah les lançait en Israël il les tirait en fait contre des civils. Le Hezbollah était donc coupable de crimes de guerre pour avoir utilisé ses roquettes quelles que fussent les intentions de ceux qui les lançaient.

En d’autres termes, selon cette interprétation du droit international, seul Israël avait le droit de tirer des missiles et de lancer des bombes parce que son matériel militaire était plus sophistiqué et donc, bien sûr, plus meurtrier.

Néanmoins, de nouvelles preuves suggèrent fortement, que indépendamment de savoir si le Hezbollah avait le droit ou non de tirer ses roquettes, ce sont souvent des objectifs militaires qu’il s’efforçait sans doute d’atteindre, même s’il y a rarement réussi. L’Association arabe des droits humains basée à Nazareth, a établi un rapport sur les frappes de roquettes du Hezbollah contre des communautés arabes du nord depuis l’été dernier. Il n’est pas certain qu’elle puisse jamais publier ses conclusions du fait des lois militaires israéliennes en matière de censure.

L’information actuellement disponible est pourtant intéressante. L’association a examiné les communautés arabes dans le nord frappées par des roquettes du Hezbollah, souvent à plusieurs reprises ; elle a constaté qu’il y avait au moins une base militaire ou une batterie d’artillerie à proximité, voire dans quelques cas, à l’intérieur de ces communautés. Dans certaines communautés il y avait plusieurs sites de ce type.

Ceci ne prouve pas l’intention du Hezbollah de ne frapper que des bases militaires, bien entendu. Mais cela indique que dans certains cas c’est évidemment ce qu’il essayait de faire, même si ses ressources techniques ne le lui permettaient pas à coup sûr. Cela donne aussi à penser qu’en termes de droit international, le Hezbollah ne s’est pas plus mal comporté, et s’est probablement beaucoup mieux comporté, qu’Israël pendant la guerre.

Les données rassemblées jusqu’ici indiquent qu’Israël : premièrement, a donné au Hezbollah des raisons légitimes pour attaquer le poste frontière en refusant de se retirer du territoire libanais des Fermes de Shebaa en 2000 ; deuxièmement, a lancé une guerre d’agression en refusant de commencer des pourparlers sur un échange de prisonniers proposé par le Hezbollah.

Troisièmement, Israël a commis un crime de guerre grave en utilisant intentionnellement des bombes à sous munitions contre des civils libanais ; quatrièmement, il a bombardé à plusieurs reprises des communautés libanaises tuant de nombreux civils alors qu’il ne s’y trouvait pas de combattants du Hezbollah et cinquièmement, il a mis en grand danger ses propres civils, principalement arabes, en faisant de leurs communautés des cibles pour les attaques du Hezbollah et en ne les protégeant pas.

Il est évident que, pendant la deuxième guerre du Liban, c’est Israël qui a commis les crimes de guerre les plus graves.


Jonathan Cook est journaliste, il habite Nazareth, en Israël. Il est l’auteur de « Blood and Religion : the Unmasking of the Jewish and Democratic State » (Pluto Press).

De Jonathan Cook :

- Pourquoi l’Iran ne commence-t-il pas par rayer ses propres Juifs de la carte ?
- Interview
- La peur des Israéliens de perdre le soutien américain

16 août 2007 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2007/858...
Traduction de l’anglais : amg