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Les check-points israéliens dans les Territoires occupés
jeudi 2 août 2007 - Miftah
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Une lumière qui passe au vert permet d’entrer dans une cage tournante en métal
vers un détecteur de métaux.

D’après une note publiée récemment par la Banque mondiale intitulée Restrictions de mouvements et d’accès en Cisjordanie, le Bureau de coordination des Affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) indique que le nombre d’entraves physiques en Cisjordanie a augmenté de 44% et a été porté à 540 dans l’année qui a suivi l’Accord sur les mouvements et accès de novembre 2005. En mars 2007, il était monté à 546.

Selon l’Accord sur les mouvements et accès, Israël devait « faciliter les déplacements des personnes et des marchandises en Cisjordanie et réduire au minimum les perturbations dans la vie des Palestiniens ». C’était une obligation pour Israël en tant que puissance occupante. Pourtant, ces check-points (points de contrôle) existent toujours, plus excessifs, plus pesants et minutieux que jamais, rendant la vie incroyablement difficile pour les résidents de Cisjordanie.

Qu’est-ce qu’un check-point ?

Ces « entraves physiques » sont opérationnelles depuis la victoire d’Israël sur les forces arabes coalisées en 1967. Les check-points sont censés protéger Israël, cependant ils ne sont pas installés que sur la frontière entre Israël et la Cisjordanie, la plupart fonctionnent dispersés sur toute la Cisjordanie, isolant les Palestiniens les uns des autres, séparant les communautés et rendant l’entrée des villes et des cités de Cisjordanie presque inaccessible.

Les check-points (hawajez) ne sont pas tous des postes militaires permanents tenus et commandés par des soldats israéliens. Sur les 528 check-points recensés en septembre 2006, 83 étaient occupés par du personnel armé israélien pendant que 445 n’étaient que de simples barrages routiers empêchant les déplacements et consistant en des barrières de métal, des monticules de terre ou des barricades de béton. Il existe aussi les « check-points mobiles », qui sont des barrages temporaires installés au gré des officiers israéliens.

Le rapport de la Banque mondiale estime que « les Palestiniens subissent des restrictions sur quelque 41 tronçons de routes en Cisjordanie, couvrant une distance approximative de 700 km ».

Le processus

Quand les Palestiniens se rendent à leur travail ou en reviennent, ils doivent tenir compte du temps qu’il leur faudra pour passer les check-points. Mohammed Assadi, journaliste à Reuters, déclare qu’un déplacement de 60 miles (96,5 km) de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie, à Ramallah, peut prendre maintenant jusqu’à 5 heures du fait qu’il faut passer par au moins 4 check-points.

Vouloir passer les check-points en voiture sans une autorisation écrite israélienne peut s’avérer un pari risqué car il peut falloir énormément de temps pour la fouille et l’identification, avec comme résultat attendu de longues files d’attente. Par conséquent, la plupart des Palestiniens choisissent de prendre un car jusqu’au check-point, de le passer à pied et de prendre un autre car de l’autre côté.

Comme les check-points sont devenus quelque peu inévitables, un fil continu dans le tissu de la société palestinienne, ils fournissent aux marchands palestiniens un endroit où ils sont sûrs d’exposer leurs marchandises à une forte concentration de clients palestiniens potentiels. Des milliers de voyageurs journaliers sont en effet obligés de passer chaque jour par les check-points, lesquels offrent ainsi à ces vendeurs de nouveaux emplacements de marché. On vend de tout sur ces stands, des fruits, des légumes, des chaussures, des jouets, des boissons, et mêmes des oiseaux chanteurs.

La partie piétonnière du check-point est abritée du soleil pour apporter quelque soulagement au voyageur palestinien, ce qui est bienvenu car il ne sait combien de temps il lui faudra attendre. Les Palestiniens attendent sur une file jusqu’à ce qu’une lumière passe au vert, ce qui donne l’autorisation d’entrer dans une cage tournante en métal vers un détecteur de métaux. Une fois passé ce détecteur, il leur faut alors répondre à certaines questions et présenter leur carte d’identité spécifique (jordanienne, cisjordanienne, jérusalémite, ou permis de travail, ou passeport pour les étrangers). Si quelqu’un est jugé ne pas posséder les documents suffisants au regard des conditions de son déplacement, il est renvoyé à l’extérieur du check-point, escorté par un soldat israélien.

A un check-point situé à un endroit stratégique important, comme celui de Qalandya qui sépare Ramallah de Jérusalem-Est, il peut y avoir jusqu’à 26 soldats israéliens en service. 20 sont des soldats qui supervisent et contrôlent le check-point et les autres sont des appelés.

Le quart de million de colons israéliens en Cisjordanie n’a pas à passer par les check-points. Ces colons ont libre accès aux routes de contournements qui leur sont réservées et qui relient les colonies de Cisjordanie à Israël.

Les incidents aux check-points

Les check-points dispersés sur toute la Cisjordanie affectent les Palestiniens et leur mode de vie de nombreuses façons différentes. L’économie en souffre, l’enseignement est dans une situation de déclin dangereuse et les familles se retrouvent divisées, mais tous ces problèmes sont supplantés à tout instant par des plaintes accablantes pour des injustices majeures sur les check-points, à savoir des violations des droits humains.

  • Human Rights Watch indique qu’en septembre 2000, trois salariés palestiniens ont dû être hospitalisés après avoir été battus par des soldats israéliens selon le quotidien israélien Ha’aretz. Pour s’expliquer, le soldat israélien a ces mots : « Nous n’avons rien fait de spécial... tout le monde le fait. »
  • Un père palestinien a été giflé et battu au check-point d’Huwara, près de Naplouse, par un soldat israélien parce que son fils se cramponnait aux vêtements de son père. Il lui a été mis une couverture sur la tête pour que ses cris ne soient pas entendus. Selon certaines sources, le sergent israélien a déclaré que l’homme avait frappé parce que « cela est su par tout le monde et ainsi personne ne cherche à nous tromper ».
  • Avant le retrait israélien de Gaza en 2005, une femme soldate israélienne a obligé un Palestinien à boire une bouteille d’un liquide de nettoyage sous la menace de son arme.
  • Le Centre international des Médias du Moyen-Orient, (IMEMC) évoque des cas de fouilles à nu sur des femmes comme sur des jeunes filles.
  • B’Tselem, une organisation israélienne pour les droits humains signale que depuis le déclanchement de l’Intifada en 2000, 38 personnes sont mortes parce que bloquées ou retardées sur les check-points alors qu’elles se rendaient à l’hôpital.
  • Palestine Monitor précise qu’il y a eu 116 décès au total, les personnes ayant été retardées ou empêchées de passer aux check-points. 31 de ces morts sont des bébés mort-nés.
  • Le même article montre comment 19 femmes et 29 nouveaux-nés sont morts à des check-points entre septembre 2000 et décembre 2002.

Ce genre de traitements inhumains contre la population occupée est complètement opposé à la façon dont devrait se comporter une puissance occupante à l’égard de cette population.

  • L’article II du Code de Conduite de 1979 à l’attention des officiers chargés d’appliquer la loi insiste sur leur obligation de « respecter et de protéger la dignité humaine, de respecter et de faire respecter les droits humains de chacun ».
  • L’article 55 de la Quatrième Convention de Genève : « L’approvisionnement en vivres et en produits médicaux de la population occupée doit être assuré ».
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L’attente.

Effets sur les infrastructures économiques et sociales palestiniennes

Les check-points ont également un effet nuisible sur l’économie, l’enseignement, les relations familiales et la santé en général d’une population au milieu de check-points.

Suite à des « avertissements d’ordre sécuritaire par les échelons supérieurs » des renseignements israéliens, certains check-points ont été aussitôt fermés. B’Tselem indique qu’en 2006, il y a eu 78 jours de fermeture de check-points. Quelque 150 000 travailleurs des Territoires occupés n’ont pas pu se rendre à leur travail à cause de ces fermetures. En outre, en raison des fermetures et des contrôles sécuritaires renforcés, les camions important ou exportant des marchandises vers ou depuis les Territoires occupés sont limités en nombre et contrôlés minutieusement. Pour tous les véhicules utilitaires privés et publics, il faut des permis spéciaux, indépendamment du permis du conducteur. En outre, des rapports du Bureau des statistiques palestinien confirment fréquemment l’évidence de la défaillance et de la dégradation de l’économie palestinienne. Le rapport B’Tselem se concentre sur les propriétaires et les dirigeants d’entreprises dans les Territoires occupés et analyse autant qu’il évalue la productivité salariale, les achats des ressources et les problèmes de transports des marchandises. Toutes les parties du rapport montrent une évolution de plus en plus négative.

Les check-points ne font pas qu’augmenter le temps de parcours des enfants pour l’école, ils les découragent pour longtemps d’y aller. Palestine Monitor souligne que les enfants sont victimes d’insultes, de coups et reçoivent des malédictions par les soldats israéliens. Conséquences de ces intimidations, de plus en plus d’enfants abandonnent l’école ou remettent à plus tard leur scolarisation.

Ces entraves physiques agissent également comme un outil assez efficace pour empêcher les membres d’une même famille de se voir entre eux. Il n’y a aucun passage entre la Cisjordanie et la bande de Gaza. Si un individu détient une carte d’identité de Cisjordanie, il lui est interdit de séjourner à Jérusalem, et donc en Israël. Les soldats israéliens se réservent aussi le droit de refuser l’entrée à des personnes qui, selon eux, n’auraient pas les documents adéquats pour entrer dans certaines villes de Cisjordanie. A certains check-points, en Cisjordanie, il faut avoir plus d’un certain âge pour passer.

Les check-points servent à s’assurer que ce système perfectionné d’entrée et de retour est bien appliqué avec la fiabilité et l’efficacité les plus grandes.

Palestine Monitor rapporte que depuis l’apparition des check-points et des difficultés bien connues pour les passer afin de se rendre aux établissements médicaux, les Palestiniens maintenant font en général très peu de bilans de santé, avec par conséquent moins de vaccinations et de cours prénatals. 14% des femmes en fin de grossesse préfèrent accoucher à leur domicile (contre 8,2% auparavant) plutôt que de prendre des risques pour elles-mêmes ou leur bébés en essayant de passer un check-point qui peut les amener à accoucher d’un mort-né ou à mourir. Auparavant, 95,6% des femmes suivaient des soins post-natals après leur accouchement, aujourd’hui, 82,4% seulement.

Coûts d’exploitation

Ces moyens hautement élaborés et contraignants pour contrôler les pratiques des Palestiniens dans leurs déplacements, répartis par centaines à travers toute la Cisjordanie, ont évidemment un coût. L’efficacité de ces obstacles imposants a un prix, cependant comme les Israéliens croient que les check-points concernent la sécurité de leur Etat, ils sont prêts à n’épargner aucune dépense pour les rendre plus sûrement opérationnels et même pour les étendre davantage. Israël est bien plus préoccupé à dépenser du temps, de l’argent et des ressources pour défendre son quart de million de colons et ses soldats qui gardent ces check-points en Cisjordanie que pour les retirer progressivement et ?uvrer à une solution viable avec deux Etats. Malgré ses promesses rhétoriques dans la presse, il consolide en réalité ses positions au lieu d’engager des mouvements de retrait.

Le Président Bush croit évidemment ce qu’il dit quand il déclare, « Israël a le droit de se défendre » puisqu’il soutient Israël sans réserve. Les USA actuellement incluent Israël dans leur budget national et lui allouent environ 3 milliards de dollars chaque année en subventions et en prêts. Israël, il y a à peine plus d’un an, a demandé 450 millions de dollars supplémentaires (à peu près le double de ce que les USA ont promis à l’Autorité palestinienne pour améliorer son infrastructure, ses services de sécurité et en aides humanitaires, tout compris). Cet argent est destiné à « améliorer » l’efficacité des check-points et à payer l’installation de scanners haute technologie et de dispositifs spéciaux de détection d’explosif. L’organisation israélienne La Paix Maintenant a revendiqué que l’argent américain soit utilisé pour l’installation de systèmes perfectionnés sur les postes situés sur la Ligne Verte, car l’utiliser pour l’autre côté de la barrière de séparation (laquelle n’est généralement pas sur la Ligne Verte mais à l’intérieur des territoires palestiniens - ndt) serait ne pas respecter la politique US qui « refuse de dépenser les impôts US pour soutenir l’activité coloniale israélienne et perpétuer l’occupation par Israël de la Cisjordanie ».

De façon controversée, au début de cette année, la Banque mondiale a envisagé d’aider Israël dans le financement de la modernisation des check-points. Bien que la Banque mondiale ne puisse pas aider Israël en raison de son revenu par habitant trop élevé, elle réfléchit à la façon de s’impliquer pour rendre les check-points plus efficaces, de sorte que davantage de Palestiniens puissent aller travailler et améliorer leur économie.

On a même entendu circuler des propos favorables à une initiative visant à inviter les Palestiniens à financer eux-mêmes l’entretien des check-points, prétendant que ce serait à leur avantage.

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N’importe quand, n’importe où, au gré de l’armée d’occupation.

Droit international et droit relatif aux droits humains pendant une occupation

L’article 33 de la Quatrième Convention de Genève stipule que « L’usage par un gouvernement d’occupation de peines collectives ou de mesures d’intimidation contre la population occupée est interdit. ».

En vertu de la loi relative aux droits de l’homme, le gouvernement d’occupation doit assurer la liberté de déplacements, un niveau de vie satisfaisant et une vie aussi normale que possible à la population.

En vertu du droit international, l’occupation de la Palestine est illégale, de même que l’implantation de colonies dans les territoires occupés.

Human Rights Watch indique qu’en totale opposition à tous ces textes, les check-points étalent « un système de peines collectives et sont une violation flagrante de l’obligation d’Israël, en tant que puissance occupante, d’assurer le bien-être à la population sous son contrôle. »

Palestine Monitor considère le système de check-points comme l’outil pour judaïser et consolider l’occupation illégale israélienne, autant que pour humilier les Palestiniens avec des contrôles qui agissent sur eux pour leur rappeler en permanence qu’ils sont occupés.

Sources :

- Note de la Banque mondiale sur les « Restrictions de mouvements et d’accès en Cisjordanie » de mai 2007.
- International Crisis Group
- Human Rights Watch
- Rihgt to enter
- B’Tselem
- Reuters
- La Paix Maintenant
- Bureau des Statistiques palestinien
- Palestine Monitor
- IPCRI (Centre et recherches et d’information Israël/Palestine)

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Check-point de Qalandya entre Jérusalem et Ramallah,
avant qu’il ne devienne un ’passage frontalier’. (Photo G. Pasquer)

Sur la colonisation de la Cisjordanie occupée :

- Le Mur - Trois ans après la décision de la CIJ, l’accès à leurs terres est toujours refusé aux Palestiniens - The Electronic Intifada - juillet 2007.
- Les enclaves : "La vie en cage : les enclaves palestiniennes". - Palestinian Agricultural Relief Committees.
- Colonisation : "D’abord, s’attaquer aux colonies et au mur israéliens" - Stephanie Koury - 5 août 2007

28 juillet 2007 - Miftah - traduction : JPP