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Libération ET éducation
samedi 9 décembre 2006 - Rami Bathish

D’après mon ami et collègue Ja’far, du village d’Al-Mazra’a, un peu au nord de Ramallah, ses quatre enfants attendaient avec impatience le début de la nouvelle année scolaire, le 2 septembre 2006. Il se passe quelque chose de presque euphorique à ce premier jour d’école, quand les élèves, après avoir dévoré les libertés de leur « temps libre » pendant tous leurs congés d’été, sont prêts à retourner avec plaisir dans l’atmosphère de calme et de concentration de leurs salles de classe, retrouvant leurs camarades dans une quête de connaissances et d’éducation.

Majdal, la fille aînée de Ja’far (12 ans), une fille organisée s’il en est, avait acheté ses fournitures et un nouveau cartable deux semaines avant le 2 septembre ; elle doit rentrer en 7ème niveau. Son fils Muhammad (6 ans) a posé plus de soucis aux jeunes parents jusqu’au dernier jour des vacances ; il a subtilement associé diplomatie et persévérance pour être prêt juste pour le Jour J ! Néanmoins, il était tout aussi excité le matin du 2 septembre ; il est, après tout, sur le point de rentrer en 1er niveau.

Les enfants de Ja’far, c’est-à-dire aussi Sameeha (10 ans) et Rula (9 ans), tout comme les 800 000 autres écoliers palestiniens, sont restés à la maison pendant leurs deux mois d’été. Ils n’ont pu assister qu’à leur premier jour d’école, juste avant que leur mission d’élève ne soit interrompue par la grève des enseignants palestiniens (qui dure toujours le 2 novembre) déclanchée à cause de l’incapacité du gouvernement Hamas à payer les salaires qui leurs sont dus. Au lieu de rejoindre le 7ème niveau, Majdal a été « promue » par Ja’far à la responsabilité écrasante d’ENSEIGNANTE de ses trois frères et s ?urs dans une classe improvisée à leur domicile à Al-Mazra’a.

Il y a actuellement des dizaines de milliers de maisons, en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, dont les jeunes habitants, comme Majdal et Muhammad, n’ont pas le privilège de s’éveiller le matin avec le sentiment d’avoir un but. Leur éducation a été mise en attente jusqu’à nouvel ordre ; ou plus précisément, jusqu’à ce que quelqu’un ne s’en occupe.

Depuis le déclanchement de la seconde Intifada en septembre 2000, l’armée israélienne a tué 576 écoliers palestiniens, en a blessé 3 471 et arrêté 669, et en plus, elle a tué 32 enseignants, en a blessé 54 et arrêté 176. Toutes ces atrocités (dont Israël DOIT être jugé responsable) ont laissé de profondes cicatrices dans le c ?ur et l’esprit de tous les Palestiniens, sans épargner les salles de classe et les cours de récréation des écoles palestiniennes, la rupture prolongée du processus d’éducation palestinien doit être appréciée dans ce contexte.

Il faut qu’une initiative concertée pour agir et redresser cette dégradation au c ?ur de la société civile palestinienne soit prise collectivement par le Hamas (qui est le premier responsable du paiement des salaires), par le Fatah (défenseur ardent et politiquement motivé des grèves), par les autres forces politiques palestiniennes et par les donateurs de la communauté internationale (dont la capacité à contourner les considérations politiques et à concevoir des mécanismes pour soutenir directement le secteur public essentiel doivent être prises en compte).

Aux dépens, tragiquement, de toute une génération de Palestiniens, et au risque de remettre en cause l’avenir de futurs médecins, avocats, écrivains et enseignants (entre autres), on ne voit toujours pas la fin de cette grève prolongée des enseignants et de son impact négatif sur la société.

Le syndicat des enseignants palestiniens a été réceptif à différentes propositions visant à faire cesser la crise ; cependant, il y a peu d’améliorations sur le terrain. D’un autre côté, le gouvernement palestinien continue de se battre contre un boycott international rigoureux conduit par les Etats-Unis contre le corps exécutif de l’Autorité palestinienne, avec la conséquence de ressources de plus en plus rares pour répondre aux exigences même minimum d’une population affamée.

Pendant la première Intifada (de 1987 à 1991), avec la politique menée d’une poigne de fer par Israël pour étouffer la résistance dans les Territoires palestiniens occupés, l’armée israélienne fermait nos écoles et nos centres sociaux, entre autres institutions. Pour préserver notre droit à l’éducation et au progrès, les enseignants retrouvaient leurs élèves à leur domicile pour leur assurer une éducation alternative - clandestine. Dans une démarche de défi et de persévérance, ils prenaient sur eux d’enseigner dans des classes improvisées, tout comme celle de Majdal dans la maison de Ja’far à Al-Mazra’a.

directeur du programme d’informations et de communication du Miftah. Il peut être joint à l’adresse : mip@miftah.org
2 novembre 2006 - http://www.miftah.org/Display.cfm?D... - trad : jpp