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Palestine : défaite de la démocratie
jeudi 28 juin 2007 - Ramzy Baroud - Al Ahram Weekly

Tous mes signaux d’alarme ont été soudainement confirmés, en une seule fois : Gaza est tombée dans la pire des situations, le Président palestinien Mahmoud Abbas a capitulé face à Israël et aux Etats-Unis sans la moindre réserve, et l’expérience démocratique palestinienne, qui représentatit jusque récemment un étonnant succès, a été réduite en lambeaux.

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La promulgation de l’état d’urgence par Abbas a permis de nommer un gouvernement basé sur des mesures d’exception et disposant de l’aval des pays occidentaux et d’Israël - Photo : Loay Abu Haykel

Pendant des années j’ai voulu prévenir qu’une guerre civile avait commencé dans Gaza. J’ai écrit à ce sujet dans mon dernier livre, The Second Palestinian Intifada. J’ai alerté par l’intermédiaire de chaque média disponible qu’il y avait trop de monde qui faisait tout pour garantir la mort du projet national palestinien, que ce soit depuis l’intérieur ou depuis l’extérieur. J’ai invité les Palestiniens à ne pas tomber dans la rhétorique.

J’ai vu très clairement que la fragmentation de l’identité nationale palestinienne était presque achevée — résultat de deux réalités combinées : une provenant de la culture politique d’après-Oslo, l’autre provenant des ghettos et Bantustans qu’Israël a créés en Cisjordanie et de l’isolement de Gaza. J’ai voyagé dans beaucoup de villes et dans beaucoup de pays pour parler de la division palestinienne, craignant que les Palestiniens n’atteignent un point où ils ne s’identifient plus en tant que tels, mais en tant que prolongements idéologiques et tribaux de factions et de sous-factions.

Ces derniers mois j’étais devenu belligérant — aux yeux de certains — par ma franchise. Aucun exposé fait en public ne pouvait se conclure sans que quelques Palestiniens n’abandonnent l’assemblée — soit des partisans du Fatah furieux de ma dénonciation d’Abbas, du responsable du Fatah Mohamed Dahlan, et du reste de cette clique pour leur corruption et leur dévoiement des aspirations de leur propre peuple — soit des Islamistes, fâchés que je puisse suggérer que le Hamas ne devrait pas se comporter en tant qu’unique héritier de l’histoire palestinienne, en dépit de leur majorité parlementaire, mais simplement comme un appui pour les constantes palestiniennes et pour la volonté du peuple palestinien.

Mes commentaires n’étaient pas toujours appréciés : ils ont hérissé beaucoup de poils, et récemment ils m’ont même coûté mon travail.

L’embargo dévastateur imposé aux Palestiniens après la victoire incontestable du Hamas en janvier 2006 n’a pas produit les résultats publiquement affichés. Tout au contraire, cet embargo a considérablement discrédité l’expérience « démocratique » américaine dans le Moyen-Orient. Dans tous les endroits où j’ai voyagé depuis, j’ai été le témoin des illusions et des espoirs placés sur l’accession du Hamas à la politique.

Il a donc été décidé que le Hamas devait être écarté, les forces préventives de sécurité d’Abbas rongées par la corruption étant chargées de la besogne. Dahlan, homme du moment, a reçu le feu vert israélien et américain. Ses « Contras » [appelation des mercenaires pro-américains luttant dans les années 80 contre le gouvernement sandiniste au Nicaragua - N.d.T] palestiniens commettant alors des enlèvements, des assassinats et des provocations sans fin.

Un peut facilement imaginer l’impact d’une telle intervention, sachant que Gaza est avant tout une énorme prison à ciel ouvert. J’y étais emprisonné jusqu’à l’âge de 21 ans. Je me rappelle comment les gens pouvaient en arriver à se battre pour n’importe quelle raison futile — l’isolement, la faim et le désespoir mènent au suicide.

Les Etats-Unis et l’Union Européenne ont participé au siège et à l’embargo, et les bombardements israéliens n’ont jamais cessé, pas même un jour. Des centaines de Palestiniens assiégés ont été réduits en pièces par les bombes israéliennes. Leur seule possibilité de défense a été les « fusées » Qassam qui n’ont tué qu’une douzaine d’israéliens en six ans. Durant la même période, ce sont des milliers de Palestiniens qui ont été tués dans Gaza.

Gaza montrait tous les signes avant-coureurs du désastre à venir et de la guerre civile en préparation, c’était à une balle meurtrière, un communiqué provocateur, un enlèvement plus loin.

La pression à laquelle le Hamas faisait face était insurmontable. Le mouvement avait atteint les limites des concessions politiques ; tout recul supplémentaire sur sa plateforme politique pouvait mener à l’éclatement dans ses propres rangs. Pourtant l’isolement interne (le contrôle total par le Fatah des 10 branches des services de sécurité), et externe (l’embargo international conduit par les Etats-Unis qui exigeaient que le Hamas quitte le pouvoir), paraissait rendre sûr l’affaiblissement du Hamas et la perte de son appui populaire. La décision a donc été prise que le Hamas devait saisir sa chance et lancer ce qu’il a nommé la « deuxième libération de Gaza ».

Aujourd’hui la situation est vraiment désolante. Le Hamas contrôle Gaza tandis qu’Abbas et le Fatah contrôlent, autant qu’Israël leur en laisse le loisir, la Cisjordanie. Ceci ramène la destinée de la Palestine dans la cour arrière des néo-conservateurs américains.

La séparation de la Cisjordanie et de Gaza apparait centrale dans les questions du jour : « Ce tour pris par les événements va rendre Abbas, concentré sur la Cisjordanie, beaucoup plus maniable ; il devra dépendre des forces israéliennes pour se protéger du Hamas, et sur la Jordanie et les Etats-Unis pour aider à reconstruire ses forces de sécurité, » écrit Martin Indyk, le lobbyiste pro-israélien à Washington, dans le Washington post daté du 15 juin.

La plupart des principaux éditoriaux américains diffusent le même message. Et les divers gouvernements arabes, l’Union Européenne, les Etats-Unis et Israël se pressent pour soutenir Abbas. De toutes les directions lui arrivent de l’argent, des armes et de la légitimité politique. Le chef un moment méprisé est devenu maintenant le chéri de la communauté internationale ; les sanctions vont être levées pour son gouvernement d’urgence nommé après le limogeage du gouvernement d’unité — un acte anticonstitutionnel selon toutes les normes.

Les dirigeants israéliens ne peuvaient imaginer un scénario plus satisfaisant pour eux. La nouvelle situation laisse prévoir que la Cisjordanie soit noyée sous l’aide tandis que Gaza sera toujours plus affamée. C’est le pinacle de l’injustice, et comme toujours les Etats-Unis et Israel prennent le rôle central, dirigeant le spectacle. Abbas et ses sbites sont présentés comme de véritables héros, faisant déjà leur début comme véritables et légitimes représentants de la démocratie palestinienne, une démocratie définie par la secrétaire d’état américaine Condoleezza Rice et le premier ministre israélien Ehud Olmert et non pas par les Palestiniens.

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Ramzi Baroud

* L’auteur est un journaliste arabe-américain

Site Internet :
www.ramzybaroud.net

Du même auteur :

La tragédie palestinienne n’est pas une querelle d’intellectuels mais un problème de décolonisation

Il est urgent de boycotter Israël

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21 juin 2007 - Al Ahram weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2007/850...
[Traduction : Claude Zurbach - Info-palestine.net]