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Naplouse survit au rythme des incursions israéliennes
dimanche 10 juin 2007 - Patrick Saint-Paul - Le Figaro
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La ville de Naplouse

Les posters des « martyrs » tombés au cours des dernières incursions israéliennes tapissent le fronton de la mairie de Naplouse. À leurs côtés figurent désormais les affiches du maire de la ville, Adly Yaïsh, et de ses deux adjoints, arrêtés ces deux dernières semaines et détenus au secret en Israël. Estampillée « capitale de la terreur » par les autorités militaires israéliennes, la ville, qui fut jadis le poumon économique de la Cisjordanie, étouffe sous le joug de l’occupation israélienne.

Dépités, les employés municipaux présentent le nouveau maire adjoint, Khouloud Masri, fraîchement élu. Son prédécesseur a été arrêté deux jours plus tôt par les autorités israéliennes. Le visage soigneusement encadré par un voile blanc, Khouloud Masri est une islamiste indépendante élue sur une liste proche du Hamas lors des dernières municipales. Dirigeante d’une association islamique d’aide aux veuves et aux femmes dont les maris sont emprisonnés en Israël, Mme Masri ne connaît pas la durée de son intérim. « Nous ignorons combien de temps l’adjoint que je remplace sera emprisonné, dit-elle. Avant-hier, Tsahal a fait un raid sur mon association, confisquant les ordinateurs et privant 200 familles d’un revenu. Demain, les Israéliens viendront peut-être me kidnapper. Je n’en sais rien. Tout le monde est une cible à Naplouse. »

Accoutumés aux opérations militaires et au blocus, qui durent depuis le début de la seconde intifada en septembre 2000, les employés municipaux estiment que l’occupation israélienne des Territoires palestiniens a atteint des sommets d’injustice avec l’arrestation des élus de la ville. « Adly Yaïsh est un notable respecté de tous en ville. Tout le monde sait qu’il n’appartenait pas au Hamas, dénonce Abdel Afo Aker, fonctionnaire municipal. Il n’a été accusé de rien, il n’est pas inculpé et il est tenu au secret. Il s’agit tout simplement d’un kidnapping. »

Khouloud Masri ne comprend pas qu’après avoir encouragé le processus démocratique dans les Territoires palestiniens, la communauté internationale reste silencieuse face à ces enlèvements. « C’est une insulte à la démocratie, s’indigne-t-elle. Les Israéliens pensent qu’ils peuvent faire cesser les tirs de roquettes depuis Gaza en prenant en otage toute une population qui n’a rien à voir avec tout cela. À Naplouse, ils enlèvent des élus dont le seul tort est de rendre des services à leurs administrés. »

« De pire en pire »

Bassam Shaka, qui fut le maire de la ville dans les années 1970, rappelle que les dirigeants politiques palestiniens sont la cible des autorités israéliennes depuis la conquête des Territoires palestiniens lors de la guerre des Six-Jours de juin 1967. Accusé d’incitation au terrorisme, Israël a tenté de l’expulser en Jordanie en 1979. Mais Shaka a remporté son procès devant la justice israélienne. Un an plus tard, il a perdu ses deux jambes dans un attentat à la voiture piégée perpétré par des extrémistes juifs. « Les Israéliens ne supportent pas que nous nous battions pour nos droits, même lorsque c’est de façon pacifique, affirme Shaka, cloué dans sa chaise roulante. Nous ne sommes pas tous des activistes armés. Mais ils nous ciblent sans distinction. Ils veulent contrôler le moindre aspect de notre vie. C’est cela l’occupation. »

Les Naplousi ne se demandent plus si la journée sera ponctuée par une opération militaire israélienne, par des tirs, des arrestations, des maisons détruites, des blessés ou des morts. « Le soir venu, on se demande juste dans quelle partie de la ville Tsahal est en train de frapper, raconte Khouloud Masri. Mes enfants pleurent à chaque fois qu’ils entendent des coups de feu. Ils me demandent si nous allons nous faire tuer, si nous allons dormir dans la rue, s’il faut faire les bagages. Je leur dis que cette terre est la nôtre et qu’un jour nous aurons notre État. »

Confiseur dans la casbah de Naplouse, Amar Hoja n’a plus aucun espoir. Il a échappé de peu à la mort à la fin de la semaine dernière lorsque des soldats israéliens ont dynamité un bloc de béton posé par des militants devant sa boutique pour interdire la rue aux blindés israéliens. Habituellement, Tsahal dégage les blocs à coups de bulldozer. La semaine dernière les explosions ont secoué toute la casbah, dont les murs se fissurent. Amar venait de quitter les lieux. Il répare, pour la septième fois depuis le début de l’intifada, son commerce. Les dégâts s’élèvent à 14 000 dollars. « C’est de pire en pire, dit-il. Je ne crois pas que mes enfants connaîtront un jour la fin de l’occupation. Ils ont plus de chances de me voir mourir sous les balles israéliennes. »

Comme chaque jour, des centaines de Palestiniens font la queue pendant des heures à l’un des huit barrages israéliens qui enserrent la ville. Se rendre au travail, à l’université ou dans un village voisin s’apparente à un parcours du combattant. Ceux qui patientent ont à peine un regard pour les manifestants venus réclamer le départ des soldats aux barrages et la fin de l’occupation. « Même les Européens nous ont lâchés pour se ranger derrière les Américains, déplore Talal Farhan, un instituteur. À quoi bon continuer de se battre ? »

En complément, Le Figaro avec AFP :
Des colons israéliens continuent leur implantation en Cisjordanie

Le premier ministre israélien Ehoud Olmert s’était pourtant engagé à geler la construction de nouveaux logements en territoires palestiniens.

L’organisation Amana, bras colonial du parti nationaliste israélien Gush Emunim, construit actuellement une centaine de logements en Cisjordanie, dont une trentaine de logements dans la colonie d’Alon près de la mer Morte et une douzaine dans l’implantation de Yakir, dans le nord de la Cisjordanie.

« Nous construisons comme en Israël, il s’agit de terrains privés détenus par des entrepreneurs qui ont obtenu des permis de construire », a affirmé Bentzvi Liberman, leader du groupe.

Menés à bien avec l’accord du gouvernement qui avait donné son feu vert il y a plusieurs années, la mise en ?uvre de ces projets contrevient aux engagements pris par le premier ministre israélien auprès des Etats-Unis et de la Syrie de geler la construction dans les petites implantations qui pourraient être évacuées en cas de paix. Selon le ministère de l’Intérieur, le nombre d’habitants juifs dans les colonies de Cisjordanie a augmenté de 5,8% en 2006 pour atteindre 268.163 personnes.

« Arrêter la colonisation »

C’est « le pire message que l’on peut envoyer au camp pragmatique chez les Palestiniens », juge Yossi Beilin, le chef du parti israélien d’opposition de gauche Meretz.

Les réactions ont été encore plus vives côté palestinien. « Nous condamnons la poursuite de la politique israélienne de colonisation qui sape les efforts déployés pour relancer le processus de paix", a affirmé le négociateur en chef Saëb Erakat qui demande l’intervention de la communauté internationale.

Le groupe de colons Amana est particulièrement actif dans la reconquête de la terre d’Israël et dans l’application rigoureuse des principes sionistes. En février dernier, l’organisation s’est lancée dans une campagne de promotion immobilière pour inciter les juifs américains au retour. « Vous aussi, vous pouvez acheter une maison et renforcer le rêve sioniste », pouvait-on lire sur la publicité envoyée à la communauté juive installée aux Etats-Unis. Et de préciser, pour convaincre les plus récalcitrants : « Votre investissement est sûr, protégé, et légal à 100% ».