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Réfugiés irakiens et palestiniens : la quête de la dignité
mercredi 23 mai 2007 - Serene Assir - Al Ahram

Sous un soleil éclatant, un grand nombre de personnes suivent les appels des propriétaires des étals annonçant en arabe les noms et les prix de leurs produits, et achètent au marché local en plein air les fruits et légumes qu’ils stockeront pour le reste de la semaine. A ce marché, la majorité des acheteurs sont des Irakiens avec une minorité de Palestiniens. « Vous trouverez aussi des Libanais, » nous dit un Irakien originaire de Bagdad. « Mais je suppose que, en raison de la terrible situation en Irak, la majorité des nouveaux arrivants sont des Irakiens. »

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Réfugiés irakiens à Damas - Photo : Reuters

La scène se situe dans la ville côtière suédoise de Malmö, où près de 25% de la population est musulmane. Cette dernière année, la Suède a recueilli 20 000 réfugiés irakiens — le nombre le plus élevé de tous les pays industrialisés. Les Etats-Unis, en revanche, ont promis de recevoir 7 000 réfugiés en plus des 2 000 actuels sur son territoire. La Suède qui est réputée pour sa politique relativement libérale envers les réfugiés et les demandeurs d’asile, a demandé aux autres pays européens de faire un effort de leur côté. On ne sait pas, cependant, dans quelle mesure l’Union Européenne répondra ou si au contraire les réfugiés seront confrontés à des frontières encore plus hérmétiquement contrôlées.

Naturellement, le nombre d’Irakiens qui ont réussi à intégrer la Suède — et aussi le reste de l’Europe — est nullement comparable aux deux millions estimés d’Irakiens qui cherchent actuellement refuge dans les pays voisins de l’Irak, ces pays manquant dans l’ensemble de la capacité économique nécessaire pour prendre en charge ces réfugiés et n’ayant de plus aucune obligation légale de le faire. Deux de réfugiés en plus sont devenus réfugiés de l’intérieur après l’invasion Irak et l’occupation qui s’en est suivie.

Pour ces Irakiens qui parviennent à entrer en Suède, le sentiment dominant et immédiat est celui de la sécurité et du soulagement. « D’une certaine manière, je me trouve chanceux d’avoir enfin trouvé la sécurité, » dit Bassem, un économiste irakien de Bagdad qui a vécu à Malmö pendant cinq mois. « La situation à Bagdad était terrible, insoluble, quand je suis parti. J’ai su que je ne survivrais pas si j’y restais, en particulier parce que les catégories sociales instruites sont parmi les plus fortement visées par les occupants et les Irakiens qui les soutiennent. »

Cependant, comme cela c’est le cas pour les Palestiniens arrivant en occident aujourd’hui, ce sentiment euphorique est bientôt remplacé par un sentiment d’éparpillement et de tristesse. « Je le trouve incroyablement difficile de ne pas pouvoir travailler. Je suis un professionnel. Maintenant, je me suis entendu dire que jusqu’à ce que mes papiers ne sont pas totalement en règle, je ne peux pas travailler. Ma vie n’est pas terminée et je sais que je n’oublierai jamais, jusqu’à ce que l’occupation se termine et que je puisse retourner en Irak, ce qui est ma vraie maison, » nous a expliqué Bassem.

Fadi, un Palestinien du village de Jayyous au nord de la Cisjordanie, donne aussi son avis : « Je suis heureux d’être ici ; je suis heureux d’apprendre une nouvelle langue, et pour être débarassé du souci permanent d’être arrêté, emprisonné ou tué par les Israéliens ».
« D’un autre côté, il est douloureux pour moi de réaliser que ce que je pensais juste être un voyage extraordinaire pour trouver la sécurité et la dignité s’est avant tout transformé en exil. »

Même pour les réfugiés qui ont longtemps recherché l’asile en Suède, le souvenir de la maison demeure fort — plus fort peut-être que pour les personnes qui sont des migrants économiques à la recherche de meilleures conditions de vie. « J’ai été ici pendant cinq ans, et je suis maintenant une citoyenne suédoise, » nous dit Damia Alamin, une Irakienne de Bagdad, qui habite et travaille à Malmö. « Mais la guerre est présente à mon esprit tous les jours. Mon frère a été enlevé il y a t trois mois, et on nous a demandé une rançon de 150 000 dollars US. Je ne sais pas qui l’a enlevé — certains disent qu’il s’agit de la police, l’autres parlent de criminels. Mais le fait est que je ne peux rien faire, et personne n’est disposé à m’aider. »

Rassurés ou non, ceux qui arrivent en Suède venant Irak et de Palestine aujourd’hui sont profondément peinés par leur exil imposé en raison des troupes étrangères occupant leurs pays. « Si les choses étaient différentes en Palestine, » nous dit encore Fadi, « je ne serais jamais venu en Suède. Ils peuvent nous respecter en tant que réfugiés — de cela je doute malgré tout un peu — mais je ne veux pas être un réfugié, point. Mais pour l’instant j’aie peu de choix. »

Beaucoupdes Palestiniens de la deuxième génération n’éprouvent pas de sentiments moins pesants. Karolyn El-Jaleb,, qui est mi-Suédoise, mi-Palestinienne,explique que le fait qu’il y ait une occupation qui dure en Palestine signifie qu’elle ne peut pas vivre sa vie de façon entière. « Je me sens toujours en mon for intérieur que ma liberté comme être humain n’est pas complète. Pour cette raison, aussi heureuse que je puisse l’être, je n’ai jamais pu me faire autant de vrais amis parmi les Suédois que j’ai pu m’en faire parmi les immigrés - qu’ils soient Palestiniens, Irakiens ou Bosniaques, » explique-t-elle.

« Peut-être que si la Palestine était libre, je choisirais de rester ici, qui est, après tout, l’endroit où j’ai grandi. Mais je serais alors une personne libre, et ce serait le résultat d’un choix. Mais tant que la réalité est ce qu’elle est, le fait que je sois une réfugiée me tue intérieurement. »

17 mai 2007 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2007/845...
Traduction : [AIO - Info-palestine.net]