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Gaza : rues désertes et ciel de cauchemar
dimanche 20 mai 2007 - Laila El-Haddad - Electronic Intifada

Que les choses aillent de mal en pis, nous en avons l’habitude. Mais jamais nous ne nous serions attendus à ce que la situation empire au point atteint les derniers jours.

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De la fumée s’élève d’un immeuble à Gaza, le 16 mai 2007 - Photo : AFP/Mohammed Abed

Après 24 heures terrifiantes, nous nous sommes réveillés ce matin au bruit des coups de feu sporadiques et nous avons trouvé les rues désertes.

Le changement a été le bienvenu. Avec peu de sommeil et remplis d’anxiété, mon collègue Saeed - dont c’était le premier séjour à Gaza - et moi, nous sommes dirigés vers Rafah, dans la pointe sud de la Bande, pour continuer à filmer une série de documentaires sur lesquels nous travaillons.

Bien que les coups de feu aient diminué, les hommes armés continuaient à patrouiller les rues, se cantonnant nonchalamment dans leur propre territoire, masqués et armés de pied en cap.

Des postes de contrôle impromptus fonctionnaient toujours le long de la route principale entre Gaza et Rafah et on nous a arrêtés pour vérifier notre carte d’identité et nos papiers professionnels.

Alors que nous approchions de Rafah, nous avons appris que des affrontements s’étaient déclenchés, là bas aussi, après l’enterrement de quatre hommes du Hamas, tués dans une frappe aérienne israélienne la nuit précédente.

Nous avons décidé d’éviter le centre de la ville et nous nous sommes plutôt dirigés vers la zone frontière qui borde Rafah. De jeunes enfants jouaient heureux avec des cerfs-volants bricolés ; ils les faisaient voler au dessus du mur de fer qui les sépare du Rafah égyptien.

Leurs atbaq flirtaient dans le ciel avec ceux qui leur venaient du côté égyptien. « Nous faisons un jeu avec les gosses égyptiens » ont-ils expliqué au sujet de leurs invisibles associés. « Nous nous retrouvons ici, grâce à nos cerfs-volants et nous essayons d’attraper ceux des autres en emmêlant leurs fils. Jusqu’ici, c’est nous qui gagnons. Nous avons 14 cerfs-volants égyptiens » annonça-t-il avec fierté.

Les enfants sont assez petits pour pouvoir se faufiler par les interstices des grandes barrières en fer le long du mur où les tanks Merkava faisaient autrefois leur entrée malvenue dans les camps dévastés d’ici.

Les gosses peuvent donc appeler leurs amis égyptiens et apprendre leurs noms ainsi que de nouvelles techniques de vol pour leurs cerfs-volants.

Même alors, nous pouvions entendre le grondement effrayant des jets de combat israéliens au-dessus de nos têtes, auquel se mêlait la pétarade des mitraillettes des factions rivales.

J’ai alors reçu un coup de téléphone de mon père qui se trouvait à Gaza ville. Il m’apprit qu’un jet F-16 venait de bombarder le complexe voisin du Hamas provoquant une formidable explosion. Celle-ci venait d’envoyer des ondes de choc dans toute notre maison, si puissantes qu’elles avaient emporté les fenêtres chez mon cousin qui habite derrière chez nous. Cette attaque a été suivie par une autre, et une autre et encore une autre.

Les Brigades Qassam du Hamas ont envoyé un barrage de roquettes en Israël depuis deux jours. Leur but était de réorienter la lutte contre l’occupation, selon eux.

Il y a eu six frappes aériennes israéliennes depuis ce matin. La dernière s’est produite au moment où nous revenions de Rafah vers la ville de Gaza. Cette fois-ci les victimes furent deux jeunes frères se trouvant près d’un camion poubelle de la municipalité qui a été anéanti.

Au moment où je vous compose ceci depuis la maison, nous sommes secoués par une autre grande explosion. Des tanks israéliens s’amassent à la frontière nord de Gaza et des drones israéliens sans pilotes vrombissent de façon menaçante et incessante au dessus de nous ; ils sont nombreux et patrouillent les ciels fantomatiques que seuls les cerfs-volants peuvent atteindre, préparant sans doute une autre frappe contre un Gaza déjà en sang, en feu et dévasté.


* Laila El-Haddad est une journaliste free-lance qui vit dans la ville de Gaza. Elle a appelé son blog Raising Yousuf en reprenant le prénom de son fils âgé de deux ans.

18 mai 2007 - Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : AMG

De la même auteure :
- Gaza : ?il pour ?il
- « La poigne invisible » d’Israël sur Gaza