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Quand des mères palestiniennes passent à la « résistance on-line »
dimanche 20 mai 2007 - Rania Massoud - L’Orient-Le jour

Dans la ville fantôme qu’est devenue Gaza, la peur rythme le quotidien des habitants. Pris entre deux feux - les bombes israéliennes, d’une part, et les violents affrontements opposant les miliciens du Hamas et du Fateh, d’autre part - les civils palestiniens, surtout les enfants, constituent les premières victimes physiques et psychologiques de ces conflits. Dans un acte qui relève de la « résistance », de plus en plus de mères palestiniennes n’hésitent plus à crier leur désespoir « on-line », sur des blogs personnels. Des récits émouvants au nom de l’innocence perdue à Gaza...

« Dehors, les rues sont désertes. Il n’y a que des jeunes combattants, armés jusqu’aux dents, qui patrouillent dans le quartier », écrit Mona el-Farra, 53 ans, sur son blog (http://fromgaza.blogspot.com). « Comme ils sont jeunes ! » remarque-t-elle. Mona est médecin. Mais pas seulement. Elle est également une mère palestinienne, plongée dans le cauchemar de Gaza. Le 15 mai, alors que les combats interpalestiniens battaient leur plein, elle se voit obligée de laisser sa fille seule à la maison - étant donné que les écoles sont fermées - en raison d’un rendez-vous médical urgent. « J’ai très vite regretté cette décision, assure-t-elle. Dans cette ville fantôme, il n’y a que les ambulances qui s’aventurent dans les rues de Gaza pour transporter les morts et les blessés. » Mona est finalement rentrée chez elle, mais après de longues heures d’angoisse.

Laila el-Haddad a 29 ans. Elle aussi est une mère palestinienne résidant à Gaza. Et comme Mona, elle a choisi de témoigner sur son blog personnel (http://a-mother-from-gaza.blogspot.com). « Ces deux derniers jours ont tourné à la folie ! » écrit-elle. Journaliste, Laïla vit entre la Caroline du Nord, aux États-Unis, et la bande de Gaza, avec son fils Youssef. Son mari est un réfugié palestinien qui s’est vu refusé le droit de retour. À travers son blog, la jeune maman raconte ses impressions, son histoire et la dure mission d’élever un jeune garçon à Gaza. « Aujourd’hui, les combats font rage autour de notre maison. Les tirs de mortier et d’artillerie lourde ne sont interrompus que par les bruits des bombes et des raids israéliens contre l’est et le nord de Gaza », raconte-t-elle. « Youssef est très tendu. Afin de le calmer, je lui ai dit que le bruit dehors n’était pas celui de tirs, mais celui d’une casserole géante dans laquelle on préparait du pop-corn qui, une fois prêt, allait recouvrir entièrement les rues de la ville. » Mais les combats se sont poursuivis et les bruits des explosions deviennent de plus en plus insupportables. « Maman, je n’aime pas ce genre de pop-corn ! » lâche Youssef. Puis les armes se sont enfin tues. « Maman, maman, je crois que le pop-corn est prêt ! » s’exclame Youssef.

À Gaza, plus de la moitié de la population est âgée de moins de 18 ans. Selon une étude américaine effectuée par Queen University, plus de 98 % des enfants de Gaza souffrent de traumatismes liés à la guerre. Selon cette étude, les effets psychologiques du conflit israélo-palestinien sur les enfants de Gaza, plus particulièrement, sont très graves. Par ailleurs, la situation économique alarmante dans la bande de Gaza a poussé de nombreux enfants de moins de 15 ans à la délinquance et au crime. Avec un taux de chômage qui dépasse les 60 %, la plupart des familles se voient obligées d’envoyer leurs enfants dans les rues afin de travailler, mendier et, parfois même, voler. Le crime et la violence sont désormais monnaie courante dans cette bande de terre où vivent plus de 1,5 millions d’habitants.

« J’entends des tirs venant de l’appartement voisin », écrit Mona sur son blog. Elle découvre que huit hommes masqués et armés ont pénétré dans l’appartement de ses voisins pour kidnapper le père. « J’ai tenté d’intervenir, mais l’un des hommes a pointé son fusil contre moi et, d’une voix très tendue, m’a ordonné de rentrer chez moi. J’étais sous le choc ! » raconte-t-elle. Mona a plus tard appris que les assaillants ont assassiné le père quinze minutes après l’avoir kidnappé. « Je ne peux pas aller au travail et ma réserve de nourriture dans le réfrigérateur risque de ne pas nous suffire. Tout est fermé... explique Mona. Je ne pardonnerais jamais, ni au Fateh ni au Hamas, leurs actes criminels passés, présents et futurs contre le peuple palestinien. » « Maintenant, nous ne pouvons qu’attendre pour voir ce que nous cache l’avenir », conclut Laïla qui s’en remet au destin.

Rania Massoud - L’Orient-Le jour, le 19 mai 2007

Lire, de Laïla al Haddad :
- Israël projette de construire 20 000 nouveaux logements dans Jérusalem-Est
- Gaza : ?il pour ?il
- « La poigne invisible » d’Israël sur Gaza

A propos de Laïla al Haddad et de son blog, par Gideon Lévy :
- Coude à coude, comme du bétail