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Israël veut bien d’un processus de paix, mais à condition qu’il soit voué à l’échec !
mercredi 15 juin 2016 - Jonathan Cook
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Un Palestinien âgé traverse un poste de contrôle des forces israéliennes d’occupation près de la mosquée Al Aqsa à Al Qods (Jérusalem)

Comme il en a l’habitude, le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, s’est employé la semaine dernière à complexifier la situation en ne cessant de parler de paix et en critiquant en même temps la seule initiative diplomatique en vue : la conférence de Paris de vendredi.

Tandis que les ministres des affaires étrangères de 29 nations arrivaient à Paris pour une conférence d’un jour, Netanyahou a ressorti le vieil argument que tout signe d’un soutien diplomatique aux Palestiniens les encouragerait à avoir des « exigences exorbitantes ».

La France espère que cette conférence servira de prélude à un processus de paix en cours x la réalisation d’une « paix solide, durable, sous surveillance internationale. »

Dore Gold, un officiel israélien, a eu le culot monstre de comparer cette conférence au « pic du colonialisme » d’il y a un siècle quand la France et la Grande Bretagne se partagèrent le Moyen Orient. Il a comme par hasard omis que c’est ce même colonialisme britannique qui avait promis aux Juifs une « patrie » là même où vivaient des autochtones palestiniens.

Un peu plus tôt, Netanyahou et son nouveau ministre de la Défense, Avigdor Lieberman, d’extrême droite, s’étaient publiquement engagés à « chercher sans relâche le chemin de la paix. »

Dans une interview de deux minutes pour CNN, le porte-parole David Keyes a employé l’expression « deux états pour deux peuples » pas moins de cinq fois.

Netanyahou a déclaré que, plutôt que de les aligner sur l’initiative française, on devrait laisser Israéliens et Palestiniens s’engager dans le genre de pourparlers « sans conditions préalables » qui n’ont cessé d’échouer. C’est pourquoi Israël, étant le plus fort, a pu les annuler en imposant ses propres conditions.

Il semble que Netanyahou soit d’accord pour n’importe quel processus de paix tant qu’il ne s’agit pas de celui qui vient de commencer à Paris.

Si Lieberman est entré au gouvernement, ce fut, entre autres, pour donner à celui-ci plus de marge de manœuvre diplomatique. Lieberman a consolidé la réputation de Netanyahou auprès de l’extrême droite et il est à présent libre de débiter des platitudes sur la paix sachant bien que les partenaires de sa coalition ne le prendront pas au mot et ne verrouilleront pas le gouvernement.

Mais si un front commun a été obtenu dans le pays, des rumeurs de mécontentement se font entendre à l’étranger.

L’Europe craint de plus en plus qu’un État d’Israël enhardi n’annexe tout ou partie de la Rive Droite, effaçant tout espoir de créer ne serait-ce qu’un état palestinien tronqué.

La Conférence de ¨Paris est le signe du désespoir croissant qu’éprouve l’Europe de parvenir un jour à contenir Israël.

Même s’il est peu probable que la France fasse une percée, Netanyahou est malgré tout inquiet.

C’est la première fois qu’Israël se voit entraîné dans des discussions qui ne soient pas présidées par son protecteur de Washington. Le risque est de créer un dangereux précédent.

Même si John Kerry, ministre américain des Affaires étrangères était là, il s’est montré très discret. Pourtant Netanyahou craint que cette fois-ci Washington ne puisse pas - ou ne veuille pas - le soutenir (?)

Si cette conférence amène à des pourparlers ultérieurs, ce sera lorsque Barack Obama se préparera à quitter la présidence des Etats-Unis. Netanyahou craint les surprises. Les officiels israéliens redoutent qu’Obama cherche à être dédommagé pour les années d’humiliation que Netanyahou lui a fait subir.

Une solution serait, pour Washington, d’accepter que les pourparlers soient sous surveillance française en suivant un agenda serré et en créant des « équipes » diplomatiques pour résoudre les questions liées au statut final.

Même si, comme cela semble inévitable, les négociations échouent, les conditions pour des pourparlers à venir pourraient être posées.

Netanyahou sait aussi que the wider atmosphere (?) une plus large participation (?) peut le faire pointer du doigt comme étant intransigeant.

On s’attend à ce qu’un rapport du Quartet qui doit bientôt sortir critique Israël pour son incapacité à prendre les mesures nécessaires pour garantir la paix. Et la semaine dernière un rapport fait par une équipe conjointe d’experts en sécurité israéliens et américains montrait que les "préoccupations d’Israël à propos de sa sécurité" face à un état palestinien étaient loin d’être aussi insolubles qu’on l’entend dire.

Netanyahou veut plutôt détourner l’attention vers un « sommet régional de la paix ». La clé en est le soutien apporté par l’Égypte à une reprise de négociations directes entre Israël et les Palestiniens basées sur le Plan de Paix arabe de 2002. Celui-ci promettait à Israël des relations normales avec le monde arabe s’il était mis fin à l’occupation.

L’intérêt soudain porté par Israël à ce plan est étrange étant donné qu’il n’a pas été discuté dans un cabinet depuis qu’il fut dévoilé par les Saoudiens il y a 14 ans de cela.

En fait, Netanyahou soutient cette idée parce qu’il sait que trouver un accord au niveau de la région serait impossible avec un Moyen Orient en ébullition.
Des officiels israéliens ont déjà fait valoir que des parties du plan de 2002 avaient besoin d’être réactualisées. Par exemple, Israël veut la souveraineté sur le Golan, territoire syrien capturé en 1967, qui promet aujourd’hui de nouvelles richesses en pétrole.

Au sommet, le ministre saoudien des Affaires étrangères a dit qu’il s’opposerait aux efforts d’Israël pour « édulcorer » ce plan. Des officiels égyptiens se sont empressés de prendre de la distance avec la proposition de Netanyahou et de prendre parti pour la Conférence de Paris.

Israël fera tout pour faire face à l’initiative française jusqu’à l’élection du successeur d’Obama l’an prochain. Netanyahou espère qu’alors il pourra oublier une fois pour toutes la menace de deux états.

* Traduit de l’anglais par Christine Malgorn , auteure de Syrie, mon amour. 1860, au cœur de la guerre oubliée, édition Harmattan, 2012 – Voir la vidéo (disponible sur Amazon) ; et de « Bienvenue au Shéol » paru en avril 2015 (disponible en numérique sur Amazon, et en format papier). Consultez son blog

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* Jonathan Cook a obtenu le Prix Spécial de journalisme Martha Gellhorn. Il est le seul correspondant étranger en poste permanent en Israël (Nazareth depuis 2001). Ses derniers livres sont : « Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the to Remake the Middle East » (Pluto Press) et « Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human Despair » (Zed Books). Voici l’adresse de son site : http://www.jonathan-cook.net

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6 juin 2016 - The Palestine Chronicle - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.palestinechronicle.com/i...
Tradution : Info-Palestine.eu - Christine Malgorn