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Le mythe du « bon » Parti travailliste face au « méchant » Likoud dans le système politique israélien
vendredi 26 février 2016 - Ramzy Baroud
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Flics israéliens tirant à vue sur des manifestants palestiniens. Un excellent symbole de ce à quoi se résume la politique du Likoud et du Parti travailliste - Photo : Getty Images

La « droite » israélienne, comme l’a démontré une effrayante coalition de nationalistes d’extrême-droite, mérite toute la mauvaise presse qui lui est faite depuis sa formation en mai dernier.

Mais cela ne devrait en aucun cas produire un choc car la « droite » en Israël n’a jamais été autre chose qu’une coalition de démagogues qui satisfait le plus petit commun dénominateur dans la société. Aussi déplaisant soit-il, le Premier ministre Benjamin Netanyahu est en fait une juste représentation du pire que peut offrir Israël, et qui, au fil des ans, a fini par représenter l’idéologie dominante.

Mais Israël n’a pas toujours été gouverné par la droite, et les souhaits de l’actuelle Ministre de la Justice Ayelet Shaked, qui a pris l’habitude d’appeler à l’extermination et au génocide des Palestiniens, sont une relative nouveauté dans les querelles politiques israéliennes. Dans de précédents parlements (Knessets) ses partisans auraient été relégués dans un siège au dernier rang de la Knesset, avec d’autres cinglés qui n’ont que des grossièretés à la bouche et ne cessent d’appeler à tuer tous le Gentils. Il est révélateur qu’à présent elle est une pièce maîtresse de la menaçante coalition de Netanyahou.

Quelque part cela pourrait bénéficier au monde extérieur. Au moins maintenant beaucoup verront Israël comme le pays qu’il a toujours été, mais qui a eu l’intelligence de dissimuler sa vraie nature derrière une façade libérale et des idéaux démocratiques toujours appréciés. En toute conscience, on aurait du mal à prétendre que Netanyahou et ses partenaires - Moshe Yaalon, Naftali Bennet et Shaked, notamment – soient de icônes de la démocratie, même imparfaite. En fait un nouveau projet de loi à la Knesset propose de punir tout organisation israélienne qui oserait questionner la conduite d’Israël et ses pratiques non démocratiques.

Quiconque anticipe que les supposées forces démocratiques libérales d’Israël vont se dresser contre la destructrice machine de la droite devrait réviser sa position. Isaac Herzog, président du Parti Travailliste et chef de la coalition de l’Union Sioniste ne se démarque pas sensiblement de Netanyahou, du moins lorsqu’il s’agit de questions essentielles. Au mieux il est une vraie manifestation de l’approche centre gauche à double visage de la politique israélienne. Curieusement, c’est la Gauche qui a enseigné les ficelles du métier à la Droite en Israël pas l’inverse.

Conforme à la non pertinence politique de son parti, Isaac Herzog clamait récemment qu’il ne « voyait aucune possibilité pour le moment de mettre en œuvre la solution à deux états ». Il a dit à la radio de l’armée israélienne que s’il devenait Premier ministre, il se concentrerait sur l’application de mesures de sécurité plutôt que d’investir dans un accord bilatéral avec les Palestiniens.

Tout en blâmant partiellement Netanyahou pour son échec à atteindre l’objectif supposé convoité des deux états, il critique tout autant l’éternel malchanceux que serait le dirigeant palestinien Mahmoud Abbas, lequel contemple depuis des années son monde imaginaire de « processus de paix » qui s’effondre autour de lui – lui qui se révèle incapable de maîtriser sa propre sortie - pas plus qu’il ne peut entrer en Cisjordanie sans un permis préalablement délivré par l’armée palestinienne.

Un mythe inexpugnable

Mais la question dépasse largement le blâme d’une « Gauche » israélienne lâche et hypocrite : il s’agirait plutôt de jeter la lumière sur un mythe dominant concernant la « Droite » et la « Gauche » dans le système politique d’Israël.

Pendant de nombreuses années une grande part de la compréhension d’Israël par l’Occident a été basée sur un agglomérat de mythes, depuis la fable initiale des sionistes faisant fleurir le désert, jusqu’à celle de la Palestine supposée terre sans peuple pour un peuple sans terre.

Cette mythologie complexe, construite et propagée, a évolué au fil du temps, à mesure que la hasbara israélienne trimait pour fournir la perception de la réalité nécessaire pour justifier ses guerres, son occupation militaire, ses constantes violations des droits de l’homme et ses nombreux crimes de guerre.

Un des aspects de la perception occidentale d’Israël c’est que « l’État juif », qui est également une « démocratie », aurait vécu l’expérience d’un long et difficile combat entre des idéologues de droite et des forces libérales qui auraient œuvré à préserver les idéaux démocratiques d’Israël. Et pourtant de telles représentations sont toujours en grossière contradiction avec la réalité. Prenons n’importe quel aspect de l’histoire d’Israël que d’aucuns, même dans l’hémisphère occidental, considèrent maintenant comme immoral et inhumain – par exemple, le nettoyage ethnique des Palestiniens, les massacres de 1947-1948, le racisme à l’encontre des Palestiniens toujours vivace dans l’Israël d’après la Nakba, l’occupation de la Cisjordanie et plus récemment, les guerres contre Gaza qui ont tué plus de 4.000 personnes depuis 2008.

Beaucoup de ces atrocités portent l’empreinte du Parti Travailliste et de ses alliés.

Le fait est que c’est le Parti Mapai, rejoint ensuite par des forces censées être « progressistes » pour former le Parti Travailliste dans les années ’60, qui a été responsable de la plupart des effusions de sang, du nettoyage ethnique et des pratiques illégales qui ont poussé la situation à un tel degré de désespoir.

La Droite israélienne n’a pas réussi à dominer avant la fin des années ’70. Auparavant, Israël était gouverné par des gouvernements exclusivement travaillistes. Les membres actuels du gouvernement de droite de Netanyahou ne sont pas en reste de cruauté et d’inhumanité, et en réalité ces comportements ont leurs racines dans un passé politique. Ce qui diffère surtout entre « la Droite » et « la Gauche » en Israël, c’est l’expression de leurs discours politiques, certainement pas les résultats.

La raison fondamentale pour laquelle certains persistent dans ce mythe – celui du « Camp de la Paix » par opposition à l’infâme « Droite » - c’est qu’ils continuent à promouvoir frénétiquement l’idée qu’Israël est toujours gouverné par des forces démocratiques, allégation qui offre aux gouvernements occidentaux le temps et l’espace pour ignorer la détresse des Palestiniens. Des dirigeants de droite comme Netanyahu et ses partenaires de coalition embarrassent énormément l’Europe – toujours fan d’Israël – et rendent très difficile aux Etats-Unis de soutenir la farce de leur processus de paix. L’Occident regrette le temps où Israël était gouverné par des dirigeants paraissant moins va-t’en-guerre, quelle que soit la violence de leurs programmes.

Les gouvernements travaillistes en Israël, ceux de la fin des années ’40 et ’50, ou ceux dirigés par Yitzhak Rabin, Shimon Peres, Ehud Barak, etc., n’ont jamais manifesté le moindre signe indiquant que mettre fin à l’occupation et garantir aux Palestiniens une forme de souveraineté réelle aient jamais figuré dans leurs programmes.

Ne croyez pas le matraquage. Rabin a reçu un Prix Nobel de la Paix après la signature des Accords d’Oslo en 1993 en dépit du fait qu’Oslo n’a donné aux Palestiniens ni la souveraineté ni le droit à l’auto-détermination. Par ailleurs, il a divisé la Cisjordanie en différentes zones sous contrôle ultime de l’armée israélienne, tout en soudoyant certains membres de l’élite palestinienne avec des titres ronflants, des cartes VIP et des tas d’argent pour jouer leur rôle. Rabin fut tué par un fanatique juif d’extrême droite parce que, selon les camps religieux et ultranationalistes israéliens, de simples « concessions » telles qu’un drapeau palestinien et un hymne national, parmi d’autres « réussites » symboliques offertes aux Palestiniens par Oslo, étaient encore considérées comme tabou.

Alors, quand Herzog a levé la main et ajourné toute discussion sur la « solution à deux états » (qui était morte et enterrée depuis bien des années), ce n’est pas le signe que le Parti Travailliste a renoncé ou que le raisonnable Herzog en a marre des magouilles de Netanyahou et de l’obstination d’Abbas. C’est une simple contribution à la routine du « bon Parti Travailliste et du mauvais Likoud », celle que la classe dirigeante israélienne nous joue depuis des décennies.

Cependant la grande ironie est que la destruction du mythe de la « solution à deux Etats » était le résultat prévisible des colonies juives illégales implantées dans les TPO, lesquelles, il faut le souligner, étaient la colonne dorsale de la politique travailliste après l’occupation illégale des restes de la Palestine historique après la guerre de 1967.
A l’époque, les forces de droite étaient trop insignifiantes pour mériter l’attention. Seul le Parti Travailliste régnait en maître, et c’est lui seul qui a repris le contrôle sur la Palestine et a écarté toute chance de paix durable.

* Dr Ramzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis plus de 20 ans. Il est chroniqueur international, consultant en médias, auteur de plusieurs livres et le fondateur de PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine - Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest.fr. Son site personnel : http://www.ramzybaroud.net

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- Lire également :
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16 février 2016 - The Palestine Chronicle - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.palestinechronicle.com/g...
Traduction : Info-Palestine.eu - Marie Meert