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Arrêtez toutes ces salades... La solution à deux États est morte et enterrée !
samedi 13 février 2016 - Hasan Afif El-Hasan
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L’apartheid au quotidien

On peut dire sans risque de se tromper, que dans les conditions actuelles, la situation des Palestiniens est catastrophique. Le morcellement spatial qui leur est imposé par les colonialistes sionistes et leurs dirigeants incompétents, cupides et corrompus ne laisse guère de place à l’optimisme. La rhétorique de Mahmoud Abbas, président de l’Autorité Palestinienne (AP) réclame la levée de l’occupation et la fin des colonies de peuplement mais ses forces de sécurité arrêtent et emprisonnent ceux qui défient l’occupation et les colons. L’IDF et les colons qui commettent des violences à l’encontre des Palestiniens et leurs biens savent pertinemment qu’ils ne risquent guère de sanctions de la part des autorités israéliennes pour leurs crimes.

Les Israéliens n’apprécient pas d’être qualifiés d’ « occupants » ou de « colonialistes », mais leurs actes sont avérés être ceux d’une société coloniale. Israël éreinte tout rapport rédigé par des organisations des droits de l’homme l’accusant d’être tendancieux, déformé, et, si nécessaire, antisémite. M. Abbas demande aux Palestiniens, qui ont peu de recours juridiques contre les attaques des forces de l’occupation et les colons armés, de ne pas riposter et d’accepter les insultes et l’humiliation. Il déshumanise son propre peuple et visiblement n’est pas du même avis que le réformateur africain-américain du 19 siècle Frédéric Douglas qui disait qu’ « Il n’y a pas de progrès sans lutte. Ceux qui professent vouloir la liberté, et qui pourtant dénigrent l’agitation, sont des hommes qui veulent récolter sans devoir labourer. Ils veulent la pluie sans le tonnerre et la foudre. Ils veulent l’océan sans le terrible rugissement de ses eaux tumultueuses. »

Les dirigeants palestiniens ont reconnu Israël alors que ni le projet sioniste ni l’état qu’il a créé n’ont jamais reconnu les natifs palestiniens en tant que peuple pour lequel la Palestine avait été la patrie depuis plus de 1500 ans. Au lieu de cela, ils furent considérés comme des « Arabes », qui seraient absorbés par les territoires arabes adjacents. Lorsque David Ben Gourion vint en Palestine en 1906, il n’est pas venu pour échapper à la persécution mais pour réaliser le rêve d’un foyer national juif dans le « Grand Israël » de M. Hertzl, et dans les années qui suivirent la vision qu’il avait des frontières de cette nation était sans équivoque. Le 7 janvier 1937, lors de sa déposition devant la Commission Peel, il a déclaré, « Je dis au nom des juifs, que la Bible est notre mandat, la Bible rédigée par nous dans notre langue, l’hébreu, dans ce pays même [Palestine]. Voila notre mandat ; ce n‘était que la reconnaissance de ce droit qui fut exprimé dans la Déclaration Balfour. »

Dans le vocabulaire sioniste, la Palestine était « une terre sans peuple pour un peuple sans terre, » mais lorsque le nouvel état d’Israël a déclaré son domaine territorial à l’indépendance, les juifs ne possédaient que 6,8 pourcent du pays. Israël a promulgué beaucoup de nouvelles lois pour transférer la propriété de toute la terre à l’état d’Israël. Les Palestiniens qui ont fui leur foyer ou en ont été expulsés avant et pendant la guerre israélo-arabe ne sont pas autorisés à rentrer chez eux. Même ceux qui sont restés à l’intérieur des frontières de ce qui deviendrait Israël furent déclarés par la loi « absents présents, » et ils n’ont reçu aucune indemnisation pour la perte de leurs biens immobiliers. Les Palestiniens qui se sont réfugiés dans des villages voisins lorsque le leur était attaqué furent considérés comme ayant déserté leur propriété, même s’ils n’avaient pas l’intention de s’absenter plus de quelques jours. Ils furent expropriés. Une pratique courante consistait à utiliser une législation d’urgence pour déclarer des terres appartenant à des citoyens palestiniens zone militaire fermée, expulsant ainsi la population avant d’utiliser l’une des nombreuses lois sur les absents pour déclarer la terre propriété de l’état.

Le sionisme est un mouvement sectaire, fasciste et expansionniste dont les ambitions sont sans limites ; et Israël n’a jamais renoncé au projet d’expansion territoriale sioniste tel qu’il apparaît sur la carte présentée par la délégation sioniste à la Conférence de Paris, après la première guerre mondiale en 1919. La carte couvre toute la Palestine historique ainsi que des portions d’états arabes voisins.

Tandis qu’Israël faisait des ravages en Cisjordanie, à Jérusalem et à Gaza, M. Abbas disait à des visiteurs israéliens à son quartier général en 2014 : « la coordination sécuritaire [avec l’armée d’occupation israélienne et le Shabak] est sacrée, et nous allons la poursuivre. » Ceci est tout à fait en adéquation avec sa stratégie de toujours de capituler sur les droits palestiniens, alors que les gouvernements israéliens n’ont jamais rendu la pareille. Même les responsables états-uniens admettent que M. Abbas s’est plié en quatre pour satisfaire quasiment toutes les exigences israéliennes.

M. Abbas fut l’architecte des Accord d’Oslo, qui ont permis à Israël de contrôler les Palestiniens dans les territoires occupés par procuration et sans frais. Il avait renoncé publiquement à la résolution 194 de l’ONU qui accordait aux réfugiés palestiniens et à leurs descendants le droit au retour dans leur foyer, légitimant ainsi le nettoyage du pays par Israël de ses Palestiniens ! Le juge Richard Goldstone, juif progressiste aux liens étroits avec Israël, a osé faire passer sa conscience avant sa carrière et mettre en avant les crimes israéliens contre les Palestiniens à Gaza en 2009. Il a dit aux militaires et dirigeants politiques israéliens, « Vous devez vous justifier devant une cour pénale. » C’était la première fois que la dimension des droits de l’homme du conflit israélo-palestinien était mise au centre des débats ; la campagne du gouvernement israélien contre M. Goldstone prit la forme d’une dénonciation virulente ; mais Mahmoud Abbas, président de l’AP et secrétaire général de l’OLP, demanda à son envoyé à Washington de ne pas tenir compte du rapport.

Je déteste avoir à le dire, mais plus que jamais les Palestiniens ont besoin de dirigeants à la stature et au dévouement de leurs adversaires Chaim Weizmann ou David Ben Gourion pour sauver leur cause, plutôt que du genre cupide comme Abbas et consorts. Lorsque les sionistes ont estimé que la Grande Bretagne, qui leur avait donné la Palestine dans la Déclaration Balfour, loin de leur faciliter la tâche devenait un obstacle et revenait sur ses promesses, Ben Gourion et ses collègues ne se sont pas coordonnés avec les forces de sécurité du Mandat Britannique contre leur peuple ! Ils se sont retournés contre la Grande Bretagne.

Plus de six décennies après la création d’Israël sur soixante-dix-huit pourcent de la Palestine et presque cinq décennies après l’occupation du reste de leur pays, les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza et des camps de réfugiés ressentent une grande frustration. Il y a chez eux une rancœur sourde, de la colère, et des remarques désobligeantes à l’encontre de leurs dirigeants, des accusations de duplicité et une exigence de dignité et de justice se font entendre. L’humiliation et la dépossession infligées par l’occupation militaire omniprésente et les hordes de colons génèrent chez chaque Palestinien une indignation à la fois personnelle et collective.

La justification donnée par M. Abbas de la coordination sécuritaire avec l’armée d’occupation israélienne contre son peuple est la protection de son pays. La question qui se pose est quel pays M. Abbas tente-t-il de protéger ? Il y a trois versions différentes de ce qu’un état palestinien devrait être, celui promis par le discours des dirigeants de l’OLP ; celui négocié à huis-clos par l’OLP et les élites israéliennes à Oslo ; et le mini état qu’Israël a créé en Cisjordanie occupée sous couvert d’Oslo, Camp David et la fiction proclamée par le Quartet d’une « feuille de route » conduisant à deux États.

Se fondant sur la rhétorique de leurs dirigeants qui prétendent être engagés alors qu’Israël fonde des colonies et les développe, le peuple palestinien envisage un état dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale. Ce serait un état-nation moderne, un membre à part entière de la communauté internationale jouissant de la pleine souveraineté, du contrôle de ses frontières, et des moyens de se défendre. Mais l’accord d’Oslo II de 1995 qui fut négocié par les dirigeants auto-proclamés de l’OLP au nom des Palestiniens désigne un tout autre état.

Il morcelle la Cisjordanie et attribue à Israël les 61 pourcent de la Cisjordanie qui englobent la majeure partie des ressources palestiniennes et la richesse agricole de la vallée du Jourdain. La Cisjordanie occupée a été divisée en trois zones, A, B, et C. La zone A qui représente 18 pourcent de la superficie totale de la Cisjordanie et qui comprend la majorité des Palestiniens donnerait à l’AP le contrôle administratif et de sécurité, avec toutefois la réserve que l ‘IDF pourrait librement y faire des incursions si elle estimait que des questions de sécurité étaient en jeu, ce qui se produit quotidiennement. Et dans ce cadre il était prévu que les forces de sécurité palestiniennes se coordonnent avec l’armée d’occupation israélienne. En zone B, soit 21 pourcent de la Cisjordanie, l’AP serait en charge du contrôle administratif mais partagerait la sécurité avec l’IDF. En zone C, c’est à dire 61 pourcent du territoire occupé, l’IDF exercerait le contrôle absolu.

Les Accords d’Oslo ont laissé de côté certaines des questions centrales les plus réfractaires : les frontières, Jérusalem, le droit au retour, l’eau et les implantations. Ce qui a permis à Israël d’agir unilatéralement et de créer sur le terrain un mini état palestinien sans contiguïté géographique, avec des tunnels reliant les centres urbains. Dans ce mini état les Palestiniens n’auraient pas de connections directes à Jérusalem, les grandes colonies de peuplement ne se trouveraient pas en territoire palestinien et ses frontières seraient sous contrôle israélien, Israël partagerait le contrôle de son espace aérien et les Palestiniens n’auraient pas le contrôle total du spectre électromagnétique de leur état.

N’ayant pas réussi en deux décennies et demie à empêcher Israël d’étendre ses colonies de peuplement, et d’annexer de fait une part substantielle des terres palestiniennes, et après plus de six décennies d’hostilité implacable, il est temps de reconnaître qu’il est impossible de parvenir à une solution à deux États, et d’engager un nouveau processus qui ne soit plus entravé par la rhétorique et de fausses hypothèses. Et pour ceci il faut une nouvelle direction palestinienne.

* Hasan Afif El-Hasan est analyste politique. Son dernier livre, Is The Two-State Solution Already Dead ? (Algora Publishing, New York), est disponible sur Amazon.com et Barnes & Noble. Cet article est une contribution à PalestineChronicle.com.

03 février 2016 - The Palestine Chronicle - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.eu - MJB