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France : retour au régime de Vichy, à marche forcée
lundi 28 décembre 2015 - Ali Abunimah
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Alors que la politique extérieure française a très certainement contribué aux massacres du 13 novembre à Paris, le pouvoir socialiste n’hésite pas à transformer ces tueries en opportunité politique pour faire taire les critiques et s’attaquer aux libertés fondamentales

La France poursuit le projet de modifier sa constitution. Les amendements proposés, selon Amnesty International, « augmenteraient encore plus les risques de violation des droits de l’homme pour beaucoup de personnes » en attribuant aux autorités toute liberté de dissoudre des organisations, de perquisitionner les domiciles sans autorisation d’un juge, de fermer des mosquées et de restreindre la liberté de mouvement de la population.

Un député du parti socialiste au pouvoir a assimilé l’une des modifications proposées à une mesure politique anti-juive de l’époque nazie.

Si les amendements sont adoptés, Amnesty dit qu’ils « permettraient aux autorités de continuer à faire usage des mesures de l’état d’urgence pendant encore six mois après la fin de l’état d’urgence. »

Mercredi, le conseil des ministres français a approuvé le projet d’amendements, y compris une disposition controversée permettant au gouvernement de déchoir de la nationalité française des citoyens binationaux, nés Français qui sont condamnés pour actes de terrorisme.

La mesure a été proposée par le président François Hollande après que des tireurs suspectés d’appartenir à l’État Islamique aient tué 130 personnes à Paris le 13 novembre.

« Nous devons pouvoir déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme, même s’il est né français, » a déclaré François Hollande devant le Parlement.

Vichy

La loi française permet déjà de déchoir de sa nationalité un citoyen né à l’étranger et naturalisé français.

Mais il y a seulement deux jours, la Garde des Sceaux Christiane Taubira avait prédit - à tort - que le projet de révision constitutionnelle ne retiendrait pas la disposition visant à étendre ce pouvoir aux citoyens nés français.

Selon Mme Taubira la proposition du président « posait un problème de fond sur le principe fondamental qu’est le droit du sol », - terme juridique faisant référence au droit de toute personne née dans un état de jouir de la nationalité ou de la citoyenneté de cet état - auquel la ministre a dit qu’elle était « profondément attachée ».

Le Premier Ministre Manuel Valls « sait que cette mesure ne découragera pas un seul terroriste de passer à l’acte, mais produira deux types de Français, » a twitté Yasser Louati, porte-parole du CCIF, Collectif Contre en l’Islamophobie en France.

Valls sait que cette mesure ne découragera pas un terroriste de passer à l’acte mais n’en démords pas pour produire 2 types de français

— Yasser Louati (@yasserlouati) December 23, 2015

Le PM Valls nous ramène à l’époque de Vichy en faisant une distinction entre les citoyens. Ceux qui peuvent être déchus de leur nationalité et les autres.

— Yasser Louati (@yasserlouati) December 23, 2015

Pascal Cherki, député du parti socialiste au pouvoir, auquel appartient le président, est même allé plus loin.

M. Cherki, d’une famille juive d’origine algérienne, a dit que la mesure, réclamée depuis longtemps par le parti d’extrême droite, Front National, serait tout à fait inefficace contre le terrorisme.

EN DIRECT | @pascalcherki : « La seule fois où on a retiré la nationalité collectivement, c’était sous Vichy »

— France Info (@franceinfo) December 23, 2015

Mais il fit remarquer que la seule fois où l’État français avait jamais fait usage d’une telle mesure c’était lorsque le régime de Vichy, installé par l’occupation nazie durant la deuxième guerre mondiale, avait déchu de leur citoyenneté des juifs français en Algérie.

Le régime de Vichy déchut de leur citoyenneté plus de 15 000 citoyens en France, des juifs pour la moitié, ainsi que les 110 000 juifs d’Algérie sous domination française.

Ces mesures furent annulées après la libération de la France, toutefois il était trop tard pour des milliers de juifs déportés vers les camps d’extermination nazis.

Le CRIF, qui chapeaute les organisations juives de France et qui est le principal lobby israélien du pays, a apporté un soutien sans réserves à la mesure du président.

Urgence permanente

Sous l’état d’urgence décrété après les attentats du 13 novembre, les autorités françaises ont effectué, d’après Amnesty International, 2700 perquisitions sans autorisation d’un juge et assigné à résidence des centaines de personnes.

Parmi celles-ci 24 militants écologistes ont été assignés à résidence pour toute la durée de la COP 21 qui s’est récemment tenue à Paris.

Il est maintenant à craindre que les mises en garde du gouvernement selon lesquelles les critiques du sionisme - l’idéologie de l’État d’Israël - seraient considérées comme de l’antisémitisme, laissent présager une répression encore plus sévère contre ceux qui militent pour la solidarité avec la Palestine.

Amnesty a dit que de nombreuses personnes avaient décrit à quel point la perquisition de leur domicile « les avait traumatisées. » On ne leur a donné aucune explication quant au motif de la perquisition ni quant à l’objet des recherches.

« Mon père souffrait de problèmes cardiaques, il venait de sortir de l’hôpital. Les policiers ont forcé la porte d’entrée, sans sonner, ils ont fait irruption dans l’appartement, ont commencé à crier, et ont menotté mon père et ma sœur, » a dit Nadia - dont le père âgé de 80 ans vit avec sa fille handicapée - à Amnesty International après la descente de police du 21 novembre.

« Mon père ne se sentait pas bien et au bout de quelques minutes, il a perdu connaissance. Ils ont dû appeler une ambulance… Il était terrifié et pleurait beaucoup lorsque nous lui rendions visite à l’hôpital les premiers jours, » a ajouté Nadia.

« Décréter l’état d’urgence dans des situations comportant une ’menace pour la vie de la nation’ telles que les attentats de Paris est une chose, mais faire perdurer ces mesures pour contrer des menaces définies en termes plus vagues en est une autre », a explique Gauri van Gulik, directrice adjointe du programme Europe et Asie centrale de l’ONG.

« De nombreux citoyens sont dans le collimateur uniquement en raison de leur pratique religieuse ou de vagues soupçons, » a ajouté van Gulik. [1]

Moins d’un an après que le slogan « Je suis Charlie » fut utilisé pour proclamer que la liberté d’expression était la valeur suprême de la république et que les terroristes ne pourraient jamais forcer la France à la restreindre, le gouvernement Hollande entraine le pays sur une voie déjà bien empruntée par de nombreux autres régimes répressifs.

Les révisions de la constitution initiées par le gouvernement seront débattues par le parlement en février.

Pour être adoptées elles doivent réunir une majorité des 3/5e des suffrages exprimés des deux chambres du Parlement réunies en Congrès, ou être approuvées par référendum.

[1] Propos retranscrits du site en français d’Amnesty.

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* Ali Abunimah est un journaliste palestino-américain, auteur de The Battle for Justice in Palestine. Il a contribué à The Goldstone Report : The Legacy of the Landmark Investigation of the Gaza Conflict. Il est le cofondateur de la publication en ligne The Electronic Intifada et consultant politique auprès de Al-Shabaka.

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23 décembre 2015 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
https://electronicintifada.net/blog...
Traduction : Info-Palestine.eu - MJB