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Lafi Awad, jeune et rebelle, assassiné par les troupes israéliennes d’occupation
mercredi 25 novembre 2015 - Budour Youssef Hassan
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14 novembre 2015 - Les funérailles de Lafi Awad, assassiné par les troupes israéliennes d’occupation - Photo : APA/Shadi Hatem

Les manifestations ont éclaté en 2004, quand il est devenu évident que le mur qu’Israël construisait en Cisjordanie, diviserait son village natal de Budrus. Sa famille faisait partie des Palestiniens dont les oliviers allaient être coupés puisque Israël confisquait une grande partie des terres du village.

Lafi appartenait à une génération politisée par le mur d’apartheid d’Israël. Dès le début, il s’est senti dans l’obligation d’agir contre la dépossession.

Il a résisté à l’occupation israélienne en jetant des pierres. Sa détermination à continuer à résister lui a coûté la vie.

« Quand il a demandé à se joindre à nous dans les affrontements avec les soldats israéliens, nous n’avons tout d’abord pas voulu le prendre au sérieux », a déclaré Ahmad Awad, le meilleur ami de Lafi et de trois ans son aîné. « Je lui ai dit qu’il était trop jeune et trop petit pour aller manifester. Mais il a insisté et nous avons tous été surpris par son courage. Il était intrépide au-delà de son âge ».

Les affrontements avec les forces israéliennes dans Budrus pouvaient souvent être féroces. Lourdement armés, les soldats israéliens sont connus pour tirer directement à balles réelles sur les jeunes du village. En 2013, Samir Awad, un autre bon ami de Lafi, a été assassiné lors d’une des confrontations.

De nouveaux affrontements étaient attendus le vendredi 13 novembre, mais personne ne pouvait prévoir que leur force serait exceptionnelle. Comme il y avait un mariage prévu dans le village, les habitants avaient accepté tacitement de maintenir le calme.

Ahmad a demandé à Lafi de ne pas s’impliquer dans des affrontements ce jour-là. « Mais il m’a répondu : ’J’y vais pour une dernière fois’, » raconte Ahmad. « En effet, cela devait être la dernière fois... »

Abattu à bout portant

Après s’être dirigés vers la partie de Budrus entouré par le mur israélien, Lafi et quelques autres jeunes gens ont commencé à jeter des pierres sur les soldats de l’occupation. Il fut bientôt blessé à la jambe par une balle en caoutchouc. Lafi a essayé de s’enfuir mais il a été rattrapé par des soldats qui l’ont traîné sur le sol.

Comme il tentait de résister à son arrestation, les soldats ont tiré directement sur lui deux autres balles à bout portant, selon le témoignage de sa cousine Samar Awad. Lafi est mort avant que sa famille ne puisse arriver sur les lieux. Il était âgé de 20 ans.

« Il a toujours dit à ses amis qu’il ne voulait pas être arrêté une nouvelle fois », a déclaré Samar.

« Il était prêt à mettre sa vie en jeu pour ne plus de se faire arrêter, parce qu’il avait déjà passé trop de temps en prison », a-t-elle ajouté.

En 2013, Lafi avait été arrêté pour avoir détruit des caméras de surveillance installées sur le mur d’apartheid.

Avec son ami Ahmad et deux autres jeunes, il avait planifié de détruire ces équipements avec une bouteille de gaz. Mettre le plan en action s’est avéré cependant difficile, car une bouteille de gaz coûte environ 200 shekels (soit une cinquantaine de dollars). « Chacun d’entre nous a travaillait dans des emplois très peu payés, [et 200 shekels] représentaient une fortune », a déclaré Ahmad.

Pour obtenir cet argent, les quatre amis ont mené une existence frugale, allant jusqu’à se priver de cigarettes. Finalement, ils ont été en mesure de contribuer à la dépense pour 50 shekels chacun.

« Même si les quatre d’entre nous sommes affiliés au Fatah, nous n’agissons pas au nom d’un parti ou d’une faction dans le village », a expliqué Ahmad. « Nous n’attendons d’ordres de personne et nous ne recevons d’argent de personne. »

L’opération a réussi. Mais tous les quatre ont été kidnappés par les forces israéliennes d’occupation deux mois plus tard.

Lafi a été condamné à 16 mois de prison, mais il est resté en réalité en détention pendant 17 mois, ce qui l’a privé de pouvoir assister au mariage de son frère.

Au début, il a été détenu dans le Russian Compound, un centre de détention tristement célèbre à Jérusalem. En raison des restrictions israéliennes sur les déplacements des Palestiniens, il n’avait jamais été à Jérusalem auparavant.

Il a été torturé physiquement et mentalement. Pendant l’interrogatoire, les gardes l’ont privé de sommeil. À une occasion, il a protesté contre la torture qu’il subissait en brisant un bol de nourriture que lui apportait un gardien de prison.

Une boule d’énergie

« A l’intérieur de sa cellule, Lafi est resté un rebelle et il a même essayé de briser une caméra de surveillance, » nous a raconté Iyad Awad, le cousin de Lafi. « « Lafi détestait le sentiment d’être sous la surveillance et le contrôle. Il était une bulle d’énergie qui pouvait à peine rester assise ».

L’ami de Lafi, Ahmad, a raconté de son côté : « La pire chose quand vous êtes emprisonné, c’est que vous ne cessez de penser à votre famille et à tous ceux qui sont dehors. Si vous souffrez, vous ne voudrez alors plus que cela se répète. Voilà pourquoi Lafi était si catégorique en ne voulant pas être emprisonné à nouveau, même au prix de sa vie ».

Lafi était la quatrième de huit enfants. Parmi ses six frères et une sœur, il était le plus dévoué à résister à l’occupation israélienne.

« Toujours je le suppliais de ne pas aller à des manifestations parce que je craignais terriblement pour lui, » a dit Randa, la mère de Lafi. « Il avait l’habitude de me dire qu’il allait travailler mais je découvrais plus tard qu’il avait participé à une marche ou à une protestation. »

Et en même temps, il a toujours été très dévoué à sa famille.

« Quand il était enfant, il m’a toujours aidé dans les travaux ménagers », raconte Randa. « Il a fait des choses que la plupart des garçons de notre village ne feraient jamais. Quand je suis rentrée d’une visite en Jordanie il y a quelques mois, j’ai trouvé la maison parfaitement propre et bien rangée. Et c’était Lafi qui avait tout fait. »

Lafi avait un comportement similaire par rapport à son village. Il a souvent organisé des nettoyages de Budrus, ce qui lui a valu beaucoup d’admiration de la part de ses voisins. Il a assuré une variété de travaux, entre autres dans la construction et dans une station d’essence.

« Lafi n’est pas mort, » nous dit son ami Ahmad. « Il reste vivant à l’intérieur de chacun d’entre nous. Je peux le voir courir à l’air libre... Je peux entendre sa voix me questionner... »

Malgré sa détermination à éviter d’être à nouveau emprisonné, Lafi a décidé de continuer à résister à l’occupation. Comme beaucoup d’autres Palestiniens, il a été particulièrement indigné par le meurtre d’Hadil Haslamoun en septembre dernier. La jeune femme, âgée de 18 ans à peine, a été abandonnée sur un trottoir, perdant son sang, après avoir été abattue par des soldats israéliens à Hébron.

Lafi était rendu furieux, aussi, par la façon dont Israël traite un de ses oncles à qui avait été diagnostiqué un cancer du poumon. Israël avait empêché son oncle de se rendre à Jérusalem pour une chimiothérapie.

« La résistance est la chose la plus rationnelle à faire sous l’occupation », nous explique Mustafa Awad, un autre cousin de Lafi. « Comment pouvez-vous ne pas résister quand vous voyez votre oncle à qui est refusé un traitement pour son cancer du poumon à Jérusalem ? Comment pouvez-vous ne pas résister quand vous voyez des amis se faire tuer devant vos yeux et quand vos meilleurs amis sont arrêtés l’un après l’autre ? »

* Budour Youssef Hassan (@Budour48) est une Palestinienne militante anarchiste et diplômée en droit. Elle vit à Jérusalem sous occupation.

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20 novembre 2015 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.eu