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Ce que représente Haram al-Sharif pour les Palestiniens
vendredi 13 novembre 2015 - Hamid Dabashi
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Le Dôme du Rocher, sur le complexe connu par les musulmans sous le nom de Haram al-Charif, dans la Vieille Ville de Jérusalem, est partie intégrante de l’âme du peuple de Palestine - Photo : reuters/Ammar Awad

« Le composé, connu pour les juifs comme le Mont du Temple et les musulmans comme al-Haram al-Sharif, est le site le plus saint dans le judaïsme, alors que la mosquée al-Aqsa est le troisième lieu saint de l’Islam. »

Cette phrase, tirée d’un rapport récent de la BBC à propos de la violence actuelle à Jérusalem, est le leitmotiv habituel de la plupart des commentateurs et des analystes qui veulent traiter de la nature des soulèvements actuels - comme des nombreux précédents - des Palestiniens contre leurs occupants coloniaux.

Faisant écho à ce refrain des médias, le secrétaire d’État des États-Unis, John Kerry, a rencontré le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le roi Abdallah II de Jordanie en vue de régler « un différend sur l’accès pour les prières dans l’enceinte d’al-Haram al-Sharif , le site le plus sacré à Jérusalem, qui a produit plusieurs semaines d’agitation ».

La première conséquence de ce mode de pensée, omniprésent dans le discours de Netanyahu et institutionnalisé par Kerry lui-même, ainsi que réaffirmé sans cesse par la presse européenne et américaine, est la systématique et agressive sur-islamisation de la cause de libération nationale palestinienne. Le tout à l’instigation du sionisme militant qui a besoin de recourir à l’exaltation fanatique pour justifier ses propres formes de pure violence.

Voler ce qu’il reste de la Palestine

« Mon rêve est de voir le drapeau israélien flotter sur le Mont du Temple » : telle est la déclaration triomphaliste du vice-ministre des Affaires étrangères Tzipi Hotovely, avouant clairement le projet sioniste de son parti le Likoud, de voler ce qu’il reste de la Palestine.

Les Palestiniens se révoltent en réponse à toutes ces déclarations, et à d’autres encore plus violentes, faisant l’apologie du vol colonialiste. La cause palestinienne n’est pas une cause religieuse. Elle n’est ni islamique ni chrétienne, ni dans aucune autre forme enracinée dans une confession particulière d’un groupe de Palestiniens par opposition à l’autre.

Certains Palestiniens sont musulmans, d’autres sont chrétiens et beaucoup d’autres pourraient même ne pas avouer de croyance à une religion institutionnelle quelconque.

Réduire le soulèvement actuel, ou tout autre soulèvement en Palestine, à un différend sur al-Haram al-Sharif revient à fausser radicalement la nature de la cause palestinienne, en la mettant en pièces avec un couteau israélien pour ensuite diaboliser systématiquement les Palestiniens et les réduire à leur confession religieuse.

Les Palestiniens ne se révoltent pas parce qu’ils sont musulmans, chrétiens, agnostiques ou athées. Ils se révoltent parce qu’ils sont Palestiniens et que leurs terres sont volées sous leurs pieds. Pour les musulmans palestiniens comme pour tous les autres musulmans, il est certain que la mosquée al-Aqsa et le Dôme du Rocher disposent d’une lumière particulièrement sanctifiée. Mais indépendamment du fait d’être musulmans, pour les Palestiniens en général Haram al-Sharif est aussi la quintessence symbolique de leur patrie.

Les Palestiniens sont Palestiniens non seulement en raison de leur enracinement historique dans leur patrie ancestrale, la Palestine, mais aussi par une démarche soutenue de résistance face au vol sioniste de leur patrie et par la mémoire culturelle et collective que la résistance a généré. Tenter de diviser les Palestiniens en les réduisant à leur appartenance religieuse est un piège des sionistes, produit par leur propre fanatisme militant qui voit le monde entier à leur propre image.

Écran de fumée sioniste

Dans une récente apparition pour « parler dur » à la BBC avec Stephen Sackur de Hardtalk, Yair Lapid, un ancien ministre et chef du parti Yesh Atid - qui avait ouvertement appelé les Israéliens « à tirer pour tuer » les Palestiniens au premier signe de danger - a ouvertement exprimé l’avis que la hausse actuelle de la violence en Palestine devait entièrement être comprise en termes plus « religieux ».

« Ceci est à propos de l’islam et des juifs », a annoncé Lapid. « Cela ne vient pas d’un différend ou conflit national. Ce sont des assassins islamiques qui veulent tuer les juifs parce qu’ils sont juifs. »

Ceci est une caractérisation délibérément fausse et une falsification de la cause palestinienne. Ce ne sont pas des assassins « islamiques » qui veulent « tuer des juifs » parce qu’ils sont juifs. Ce sont des Palestiniens se révoltant contre des générations de dépossession et au mépris de la purification ethnique systémique de leur patrie, s’opposant « au génocide incrémental » des Palestiniens, selon l’expression de l’historien israélien Ilan Pappe.

Parvenir à un accord entre Israël et la Jordanie pour installer plus de caméras sur le composé de al-Haram al-Sharif et essayer de façon mensongère d’assurer le monde et les Palestiniens qu’Israël n’a pas l’intention de voler ce site, alors qu’il a volé le reste de la Palestine, va grossièrement à l’encontre des faits historiques.

Le sionisme a un projet et un seul projet : voler la totalité de la Palestine

Le sionisme a un projet et un seul projet : voler la totalité de la Palestine et établir un État tenant de la garnison militaire qui soit un outil du militarisme impérial américain dans la région. Tenir des discours trompeurs et mensongers est un instrument-clé de propagande dans leur arsenal. Les Palestiniens, bien sûr, l’ont appris dans le sang et les os de leur résistance, génération après génération. Mais le monde dans son ensemble ne doit jamais tomber dans ce piège.

La cause palestinienne est un mouvement de libération nationale et anti-colonial, irréductible à toute confession religieuse. Al-Haram al-Sharif, bien sûr, a une signification historique et sacrée pour tous les musulmans à travers le monde. Mais son importance en Palestine et pour les Palestiniens est une question de fierté nationale et d’intégrité territoriale. Celle-ci a systématiquement été violée par l’ensemble du projet colonial sioniste, dès le début et jusqu’à ce jour.

* Hamid Dabashi est un professeur irano-américain titulaire de la chaire Hagop Kevorkian en Etudes iraniennes et Littérature comparée à l’Université Columbia de New York. Collègue et ami d’Edward Saïd, il poursuit sa réflexion critique dans le champ des études postcoloniales. Son compte twitter : @HamidDabashi

Du même auteur :

- Une voix triomphale : Eduardo Galeano (1940-2015) - 22 avril 2015
- Porter le deuil pour Gaza - 27 août 2014
- Combien de Palestiniens ont été tués à Gaza ? - 1er août 2014
- Attaques israéliennes contre Gaza : peut-on accuser le Hamas de provocation ? - 25 juillet 2014
- Le problème palestinien d’Obama - 1er juillet 2008

4 novembre - Al-Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.aljazeera.com/indepth/op...
Traduction : Info-Palestine.eu - Lotfallah